[Lecture partagée] Kirinyaga (Sept. 06)

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Sammael99
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Ca se joue ici !
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Loris
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J'ai commencé Kiriyaga. C'est bien. Mais ça me fait penser au bouquin qu'a écrit mon pôpa.

Loris.
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Munin
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Qui est ?
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Loris
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Message par Loris »

Philippe Fenot a écrit :Qui est ?
Hop

L'histoire d'un griot qui monte à Paris voir ce qu'il advient des hommes de sa tribu partis chercher fortune et qui ne reviennent jamais. Il va découvrir les filières, le semi escalavage etc.
C'est similaire dans ce coté clash de civilisation, maintien des traditions, lutte inégale. Dans le ton, aussi.

Loris.
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CANARD
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Message par CANARD »

Désolé pour le retard. Je n'ai reçu le livre que lundi et ne savais pas si cela valait la peine de me méler à la conversation.

Je viens de terminer Manamouki. Je suis à la moitié du livre donc. Je suis impressionné par la puissance de chacune des nouvelles mais regrette le manque d'imbrication de l'ensemble. Je serai curieux de lire la critique d'un véritable Kikuyu ou du moins d'un non-européen. Je ne pense pas qu'il jugerait ce texte de raciste mais y trouverait certainement nombre de préjugés typiquement européens, le principal étant celui du "bon sauvage" et la nostalgie qu'il engendre chez nous. Jean-Jacques Rousseau ne disait-il pas: « La nature a fait l'homme heureux et bon, mais la société le déprave et le rend misérable. »

Koriba n'est au fond qu'un européen pur jus révant d'une communion parfaite avec la nature, d'un retour à l'age d'or. Il est le seul non Kiriyuku de sa tribu. Il sert à nous donner bonne conscience, nous qui craignons chaque jour d'avoir provoqué un déséquilibre irrémédiable au sein de l'ordre naturel des choses, d'avoir perverti et détruit des civilisations entières. Son histoire nous rassure car elle nous montre qu'un retour en arrière était de toute facon impossible. Chaque individu aspire au bonheur et ne reviendra pas volontairement à une situation jugée par lui inférieure du point de vue de la satisfaction de ses propres besoins.

La manamouki, pour revenir à cette nouvelle dont vous avez peu parlé comparé à Bwana, est un Mundumugu au féminin. Elle ne recherche qu'une vie en harmonie avec la nature. Elle est prête à en respecter les règles au prix de beaucoup de sacrifices. Elle aurait pu rendre un visage humain à cette utopie, très désavantageuse pour les femmes. Elle tente de contrer le pouvoir du sorcier en soulevant les femmes. Elle se fait elle-même traité de sorcière. Elle finit par craquer par amour. Ce sentiment semble totalement absent de cette communauté. Mais encore une fois c'est une intrusion d'un concept européens dans un schéma de pensée indigène. L'incision, le rasage des femmes, les tâches écrasantes qui leur sont attribuées, la polygamie, l'ignorance forcée sont-elles des signes de barbaries manifestes? Ou devrait-on dire comme Montaigne:"Il n’y a rien de barbare et de sauvage en cette nation, à ce qu’on m’a rapporté, sinon que chacun appelle barbarie ce qui n’est pas de son usage."

Dans le registre des incongruités, la manamouki voulait amener avec elle un appareil photo a pellicule. Bien moins grave cependant que l'amnésie dont semble victime l'ensemble de la population de cette utopie, incapable de se souvenir de leurs vies sur Terre.

Voila en bref l'état de mes pensées au milieu du livre. Je ne vous cache pas que la thématique générale du livre me le fait se rapprocher du problème du port du voile en France (ou en Belgique). Il y a au fond beaucoup de Koriba de part chez nous mais également de Mwandu, l'épouse ainée du chef, prêtes à faire respecter les traditions parce qu'elles ont du elles-même les subir.
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Munin
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Message par Munin »

Merci Canard pour ton intervention ! C'est intéressant de voir ta perception du bouquin. Je n'aurais pas fait le rapprochement avec Rousseau, car s'il y a une chose, de mon point de vue, que l'expérience africaine de Resnick lui permet, c'est de tourner résolument le dos au mythe du bon sauvage, qui façonne (en opposition ou non) nombre de fiction.

Je reviens juste sur un point, l'amnésie des habitants de l'utopie : comme je le disais plus haut, le prologue a été écrit après les nouvelles, et malheureusement n'est pas cohérent au niveau de l'écoulement du temps. D'où la fausse impression d'amnésie. Quand tu lis les nouvelles en ignorant volontairement cela, tu réalises que 2 ou 3 générations sont nées depuis la création de l'utopie, et la contradiction n'existe plus. C'est dommage que Resnick ait pas fait un peu plus attention, mais j'imagine qu'il voulait montrer les relations Père-Fils de Koriba dans le prologue et l'épilogue (que je trouve les moins intéressants des récits).
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CANARD
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Message par CANARD »

Philippe Fenot a écrit :Merci Canard pour ton intervention ! C'est intéressant de voir ta perception du bouquin. Je n'aurais pas fait le rapprochement avec Rousseau, car s'il y a une chose, de mon point de vue, que l'expérience africaine de Resnick lui permet, c'est de tourner résolument le dos au mythe du bon sauvage, qui façonne (en opposition ou non) nombre de fiction.
Resnick a sans doute une bonne connaisance de la culture Kikuyu mais son regard sur l'évolution de celle-ci n'en reste pas moins fortement teintée de naturalisme. Son héros est un pur adepte de Rousseau. Il ne cesse de répéter que les Kenyans sont des européens noirs, pervertis par notre civilisation.

Je pense que les véritables Kikuyu riraient bien de ce livre. Je pense que nous sommes un peu trop hautains quand nous imaginons qu'une culture indigène est incapable de conserver ces spécificités sous l'influence de la notre. Personne dans ce thread ne remet en cause le postulat de départ de Resnick: actuellement les Kenyans sont des européens noirs ayant tournés le dos à leur ancienne culture. Pour faire une comparaison, nous avons fortemenent subi l'influence de la culture US pendant ces cinquantes dernières années. Sommes-nous pour autant des américains de l'Est? Je disgresse sans doute!

La réaction conservatrice de Koriba est en somme à comparer à tous les replis identitaires que nous retrouvons ces derniers temps et qui s'accrochent le plus souvent à la religion pour embrigader les gens. Ce qui rend Koriba relativement sympatique est que la religion Kikuyu n'est pas l'Islam mais un système tribal de pensées.
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Message par Munin »

Mais Koriba ne reflète pas le point de vue de Resnick : ce n'est pas parce qu'il est le narrateur, que ses opinions sont celles de l'écrivain. C'est en ça que je ne suis pas d'accord avec la thèse selon laquelle Kirinyaga est un bouquin naturaliste. Bien au contraire, il défend a contrario la thèse de l'évolution des sociétés, en retraçant l'échec de l'utopie Kikuyu.
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Message par Sammael99 »

Philippe Fenot a écrit :Mais Koriba ne reflète pas le point de vue de Resnick : ce n'est pas parce qu'il est le narrateur, que ses opinions sont celles de l'écrivain. C'est en ça que je ne suis pas d'accord avec la thèse selon laquelle Kirinyaga est un bouquin naturaliste. Bien au contraire, il défend a contrario la thèse de l'évolution des sociétés, en retraçant l'échec de l'utopie Kikuyu.
Je pense d'ailleurs que la lecture intégrale du bouquin fait apparaître ce point de manière très claire. Sans gacher la fin, c'est l'histoire d'une utopie ratée. Au moins dans la différentiation entre la vision originelle de l'utopie et son résultat (si on considère que l'état d'utopie est dans le bonheur de ses habitants plutôt que dans sa conformité avec la volonté de départ, ça se discute...)
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Message par Loris »

Et ben Kirinyaga c'était très bien. J'ai beaucoup aimé.

Déjà, son format en fait une lecture rapide et agréable puisque coupée en nouvelles.
Les nouvelles sont assez émouvantes, et je me suis surpris plusieurs fois à m'énerver avec Koriba sur ses congénères alors même que je comprends les arguments de ses interlocuteurs. Cela sous entend donc une identification forte au personnage alors même que je ne partage pas vraiment ses idées.
En termes de style, je trouve qu'une vision forte de l'afrique est donnée, même si elle est peut être fortement contaminée par l'Europe. En tout cas, ça se conforme aux autres récits sur l'Afrique que j'ai pu lire. Comme dit plus haut, ça m'a fait penser au bouquin de mon pôpa.

Au niveau des reproches, ce sont :
- le bug temporel que représente la date de la première nouvelle (qui signifie que l'utopie de Koriba n'a duré que 13 ou 14 ans, et donc qu'il est difficile de croire qu'autant de monde aie oublié le Kenya)
- la post face de l'auteur, un peu trop prétentieuse à mon goût même si l'auteur se la joue humble.

Bref, des bouquins comme ça j'en redemande.
Loris. :yes:
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Message par Loris »

Ce que ça m'a laissé comme avis, aussi, c'est que l'homme est le seul animal qui ne se contente jamais de ce qu'il a, point que démontre toutes les paraboles de koriba, qui se retrouvent dans cette situation dès que le conteur les "humanise".

Loris.
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CANARD
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Message par CANARD »

Je l'ai fini hier soir. J'aime bien la fin, la fuite vers le cimetière des éléphants radioactif. C'est un destin à la hauteur du personnage central, sans concession, suicidaire.

Les dernières nouvelles sur Kirinyaga manquent de puissances. La rébellion du disciple n'est pas crédible. Il avait la force, le charisme pour renverser le sorcier. Sa fuite est sans saveur, surtout comparé au suicide de la fille, et est d'autant plus stupide qu'ensuite la population se révolte seule pour se retrouver sans guide. Il eut mieux valu fusionner ces deux nouvelles et faire de Kirinyaga une utopie plus humaine mais respectueuse de la nature. La transition avec Nairobi, polluées, construite de manière anarchique au détriment de l'environnement, livrées aux intérêts économiques des seuls nantis aurait été plus forte.

La force de la conclusion tient également dans la comparaison de deux portraits de veillards, Koriba refusant sa pension et exigeant une prise en charge par son fils et la mère du chef dans une nouvelle antérieure exigeant son indépendance. Ce passage met bien en lumière le caractère inhumain des deux sociétés: sur Kirinyaga, on prive les anciens d'autonomie et on le tue parfois mais ils sont choyés; à Nairobi, il est libre grâce à la prise en charge de l'état mais il se sent seul et rejeté. C'est tout le problème de nos vieux dont nous ne savons que faire dans nos vies surchargées.

Le grand intérêt de ce livre est de mettre en perspective des problèmes actuels en les replacant dans le contexte d'une société primitive. La force d'évocation est très grande. Les solutions pas simplistes mais au fond de chaque homme et non dans des modèles préparés à l'avance et imposés de l'extérieur. L'être humain a la capacité de s'adapter et d'adapter son environnement.
Canard

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