[Lecture partagée] Kirinyaga (Sept. 06)

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Munin
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Message par Munin »

Peut-être qu'à partir de maintenant, on peut considérer que les lecteurs de ce fil ont fini le livre ? Parce qu'effectivement, la discussion va devenir dure à suivre :)
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Munin
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Message par Munin »

En plus, j'arrive en haut d'une nouvelle page. C'est décidé :

ATTENTION, LA SUITE DE LA DISCUSSION RISQUE DE DEFLORER LE LIVRE POUR CEUX QUI NE L'ONT PAS ENCORE LU.
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Munin
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Message par Munin »

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Loris
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Message par Loris »

J'attends que Bolgenstein me le prète, en fait.

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Message par Mario Heimburger »

Je pense tout de même que l'auteur fait un choix quand il écrit, et j'ai tendance à me demander "pourquoi", autrement dit "qu'est-ce qu'il veut montrer".

Tu as sans doute raison, Glabutz, en pensant que l'objectif était de remettre Koriba en position de force. Mais ce qui m'a dérangé à la lecture de Bwana, c'est justement ce manque d'ambiguïté que l'auteur reconnaît d'ailleurs dans la postface de l'édition Folio SF : dans la plupart des autres nouvelles, on trouve des arguments équilibrés pour et contre l'entreprise de Koriba. Même le refus de la science médicale européenne est explicable, justifiable. Inhumain, mais compréhensible compte tenu de l'objectif.

Par contre, dans Bwana, Koriba a raison à 100%. Mais c'est l'auteur encore une fois qui décide de ça. C'est lui qui choisit de faire intervenir un Masaï.

J'ai trouvé cette nouvelle maladroite puisqu'elle semble à elle seule justifier le repli sur soi, et semble indiquer que c'est TOUJOURS comme ça que ça se passe, comme s'il n'y avait décidemment pas d'espoir que l'humanité se mette à respecter l'autre. C'est d'autant plus dommage que justement, l'existence même de la charte, la tentative des utopies, l'observation sans ingérence (du moins, une ingérence très très limitée, tout de même : à peine un avertissement dans la première nouvelle) semble indiquer qu'au contraire, une portion de l'Administration a pu dépasser le cadre de dominant/dominé qui est mis en scène dans cette nouvelle.

Elle ne s'explique en effet que par la volonté de faire durer les choses, de permettre à Koriba de retrouver une force nécessaire pour continuer un peu l'utopie.
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Sammael99
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Message par Sammael99 »

Personnellement, ce que j'ai trouvé très intéressant et que vous semblez considérer comme un peu secondaire, c'est la cause du repli.

Sans être un rejet sans concession de la société moderne, Resnick nous fait quand même sérieusement nous interroger sur notre modèle de développement (qui n'est qu'une très légère extrapolation du nôtre) : mégalopoles polluées, pauvreté ambiante, perte de repères moraux, espèces qui disparaissent, la cause du repli communautaire n'est pas neutre, et il est d'ailleurs symptomatique que le rejet de l'utopie kikuyu viennent des kikuyus qui n'ont pas ou peu connu le Kenya.

Ce que je trouve intéressant, et qui m'interpelle, c'est la notion d'équilibre qui revient dans toutes les histoires de Koriba ou presque. En particulier, finalement, l'équilibre d'un écosystème qu'il tente de préserver. Et cet objectif là, pour moi, n'est pas seulement issu d'un communautarisme traditionnel, c'est un bon sens qu'il me semble qu'on a perdu (mais qu'on a peut-être jamais eu, je ne sais pas). S'il y a une critique acerbe de notre modèle de société actuel dans Kirinyaga, c'est celle-là. La notion que des sacrifices individuels et collectifs sont parfois nécessaires pour maintenir l'équilibre de la communauté.

Donc je suis moins tranché que vous sur Koriba. Il apparaît évident pratiquement dès le départ que l'utopie est vouée à l'échec (d'ailleurs, c'est une utopie affichée, donc comment pourrait-elle ne pas l'être ?) mais il me semble qu'au-delà de la volonté de retourner vers des traditions, il y a la volonté de retourner vers une harmonie sociale elle aussi utopique (on se doute qu'au coeur de l'afrique avant l'arrivée des blancs, les choses n'étaient pas aussi simples non plus) parce que le modèle social en vigueur n'est pas en mesure d'assurer le bonheur de ses habitants.

Et le constat, assez déprimant auquel on aboutit au final, c'est probablement qu'aucun modèle de société n'est en mesure d'assurer le bonheur de son peuple puisqu'il ne peut se construire avec eux (l'aspiration au bonheur de chacun n'étant pas suffisamment homogène ou indépendante) et qu'il ne peut pas se construire contre eux (comme le montre assez bien l'effondrement de la communauté au final).

Bon, et Philippe, t'en penses quoi de tout ça ?
Mozart n'a pas écrit que le Boléro de Ravel. Mais aussi plein d'autres trucs beaucoup moins connus (comme le canon de Pachelbel). - Le Grümph
Mario Heimburger
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Message par Mario Heimburger »

Je trouve cependant qu'il y a de l'ambiguïté jusque dans la motivation même de Koriba. Pas sûr que ce soit seulement par rejet d'une société européanisée.

Ce n'est pas dit, mais j'ai plutôt eu l'impression à plusieurs reprises que la motivation de Koriba était aussi liée à une déception familiale. On nous évoque sa femme dans les deux nouvelles extrêmes (la première et la dernière), on nous présente des enfants qui se sont - eux - adaptés au changement (sans juger de la qualité de ce changement : les enfants n'ont pas l'air malheureux).

Bref, je me demande dans quelle mesure la motivation de Koriba n'est pas liée à l'impression de vieillir, ne plus être capable d'accepter le changement et la volonté de reconstruire une famille idéalisée. Koriba joue quand même sur Kirinyaga le rôle du Père : pédagogue, sévère, autoritaire et aimant.
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Erwan G
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Message par Erwan G »

Sammael99 a écrit :Personnellement, ce que j'ai trouvé très intéressant et que vous semblez considérer comme un peu secondaire, c'est la cause du repli.

Sans être un rejet sans concession de la société moderne, Resnick nous fait quand même sérieusement nous interroger sur notre modèle de développement (qui n'est qu'une très légère extrapolation du nôtre) : mégalopoles polluées, pauvreté ambiante, perte de repères moraux, espèces qui disparaissent, la cause du repli communautaire n'est pas neutre, et il est d'ailleurs symptomatique que le rejet de l'utopie kikuyu viennent des kikuyus qui n'ont pas ou peu connu le Kenya.

Ce que je trouve intéressant, et qui m'interpelle, c'est la notion d'équilibre qui revient dans toutes les histoires de Koriba ou presque. En particulier, finalement, l'équilibre d'un écosystème qu'il tente de préserver. Et cet objectif là, pour moi, n'est pas seulement issu d'un communautarisme traditionnel, c'est un bon sens qu'il me semble qu'on a perdu (mais qu'on a peut-être jamais eu, je ne sais pas). S'il y a une critique acerbe de notre modèle de société actuel dans Kirinyaga, c'est celle-là. La notion que des sacrifices individuels et collectifs sont parfois nécessaires pour maintenir l'équilibre de la communauté.
Je suis moins positif sur cette analyse. Koriba cherche avant tout à fuir un monde moderne qu'il ne comprend pas et qui se heurte à sa vision du monde. J'ai du mal à croire qu'il cherche un véritable équilibre, tout du moins en dehors de son carcan moral. Je pense au contraire que l'équilibre est une excuse qu'il se trouve pour justifier son action et la raison d'être de sa vision du monde.

La médecine européenne n'est pas bonne. Oh, oui, elle pourrait éventuellement déséquilibrer Kirinyaga, mais surtout elle pourrait simplifier leur vie. Comme des tas de chose, sans mettre en danger leur écosystème (le fait de guérir les picures d'insectes ou les mauvaises blessures provoquant des malformation... Idem pour des appareils simples (le soc à charrue par exemple). Et enfin, il n'hésite pas à menacer l'équilibre de son écosystème quand on rejette ses ordres.

J'ai tiré de ce livre une vision plus médiane : la vérité n'est pas plus entre les mains de Koriba qu'entre celles de son fils, mais plus du coté de personnes comme Ndemi. Savoir, comprendre, améliorer et ne pas reproduire les erreurs du passé pour permettre à ce monde de vivre dans un équilibre satisfaisant.
Sammael99 a écrit :Et le constat, assez déprimant auquel on aboutit au final, c'est probablement qu'aucun modèle de société n'est en mesure d'assurer le bonheur de son peuple puisqu'il ne peut se construire avec eux (l'aspiration au bonheur de chacun n'étant pas suffisamment homogène ou indépendante) et qu'il ne peut pas se construire contre eux (comme le montre assez bien l'effondrement de la communauté au final).
J'ai une vision moins positive. Je pense au contraire que la "morale" est que l'utopie ne peut être valable que pour ceux qui l'ont imaginé et qu'il est vain de tenter de l'imposer à ceux qui viennent après. Parce que la notion d'utopie change selon la situation même de la société. Pour Koriba, c'est le retour à l'Eden fantasmé. Pour Koinnage, c'est assurer que les choses vont bien, que les gens ne souffrent pas et que sa vie se passe le mieux du monde. Pour la seconde génération de Kirinyaga ou la troisième, c'est ne pas soufrir pour rien.

L'utopie ne peut être pérenne que si le monde ne change pas et tous les changements ne sont pas exogènes.
Mario Heimburger a écrit :Je trouve cependant qu'il y a de l'ambiguïté jusque dans la motivation même de Koriba. Pas sûr que ce soit seulement par rejet d'une société européanisée.

Ce n'est pas dit, mais j'ai plutôt eu l'impression à plusieurs reprises que la motivation de Koriba était aussi liée à une déception familiale. On nous évoque sa femme dans les deux nouvelles extrêmes (la première et la dernière), on nous présente des enfants qui se sont - eux - adaptés au changement (sans juger de la qualité de ce changement : les enfants n'ont pas l'air malheureux).

Bref, je me demande dans quelle mesure la motivation de Koriba n'est pas liée à l'impression de vieillir, ne plus être capable d'accepter le changement et la volonté de reconstruire une famille idéalisée. Koriba joue quand même sur Kirinyaga le rôle du Père : pédagogue, sévère, autoritaire et aimant.
Oui, peut être un peu, mais je pense que c'est assez secondaire. On le retrouve vraiment dans sa relation à Ndemi et dès que ce dernier change, il le rejette. Koriba a la volonté suffisante pour créer cette utopie, même si, comme le dit Sam, on sait très rapidement qu'elle ne peut perdurer. Il le reconnait lui-même, à un moment, en disant qu'elle a existé, un bref instant, mais qu'il ne s'en est pas rendu compte.
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Alahel
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Message par Alahel »

j'ai bien entamé, et c'est très intéressant ... et un brin destabilisant !

je vous pond ma fiche asap

demain j'espère ou jeudi au pire
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Munin
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Message par Munin »

J'ai plus d'Internet chez moi : dès que c'est rétabli, je vous ponds ma "fiche". En attendant, je suis condamné aux posts courts... :(
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Alahel
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Message par Alahel »

fini ce matin :D

effectivement, merci Philippe pour cette très bonne surprise. :bierre:

j'essaie de faire ma fiche asap
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Bob Darko
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Message par Bob Darko »

Bon bah bien sûr j'arrive à trouver le temps pour faire ma fiche le jour où je suis complètement dans le pâté.
Tout, d'abord, merci Philippe pour m'avoir fait découvrir Kirinyaga (à ce propos, si à l'occasion tu pouvais me recommander d'autres ouvrages du même auteur, je t'en serais reconnaissant). J'ai beaucoup aimé cet ouvrage pour plusieurs raisons.
La première est qu'il se lit très facilement (ce n'est pas négligeable).
La seconde (qui en englobe plusieurs autres en définitive) est qu'il propose plusieurs niveaux de lecture.
Je vais donc ici exposer ma propre perception de Kirinyaga (et, histoire de ne pas la voir modifiée en cours de route après lecture, je n'ai pas lu les discussions et spoilers de ce thread...je me les garde pour après).
Kirinyaga est l'histoire d'un vieil homme qui n'arrive pas à s'intégrer dans une société africaine qui a beaucoup évolué, que ce soit du point de vue technologique ou de celui des moeurs. Pourtant, il semble y avoir grandi et il est peu probable que le Kenya ait réussi à évoluer de l'idéal qu'il s'en fait à la situation actuelle en une seule vie. Malgré cela, il cherche un endroit et des personnes vivant conformément à la façon dont vivaient (en théorie) ses ancêtres, les Kikuyus. C'est dans ce but qu'il prend le rôle de "sorcier" dans cette colonie. Malheureusement, ceci restera toujours une utopie.
L'idéal qu'il s'est fixé est figé, ancré dans ses traditions et semble, par définition, rejeter l'extérieur et la nouveauté. Malgré tous les efforts de Koriga pour faire respecter les traditions, il part perdant d'avance à cause de l'Ordinateur (qui lui sert de lien avec l'extérieur et à faire varier l'orbite de la planète (une bonne idée pour faire illusion en tant que sorcier, soit dit en passant)). L'Ordinateur est un élément anachronique de Kirinyaga et c'est en grande partie à cause de lui qu'il s'agira d'une utopie dans le sens où elle ne peut pas exister. En effet, dans "Toucher le Ciel", on constate ses méfaits sur une jeune fille plus maline que la moyenne. C'est aussi à cause de l'Ordinateur que Kedmi, supposé succéder à Koriba aura un aperçu du monde extérieur et finira par s'opposer à son tuteur puis par quitter Kirinyaga. Cette évolution de Kedmi est d'ailleurs déjà contenue, dans son principe, par la nouvelle "Toucher le Ciel". A elle seule, elle montre que l'utopie que vise Koriba n'est pas possible tant qu'il existe des moyens de voir ou contacter l'extérieur.
Au final, il n'est pas dit que telle civilisation soit meilleure qu'une autre. Après tout, des gens sont malheureux sur Kirinyaga tandis que d'autres sont très heureux dans ce qu'est devenu le Kenya. Et ce que finit par comprendre Koriba, c'est surtout que l'idéal qu'il vise n'existe plus. C'est en gardant cela à l'esprit qu'il se retire avec l'éléphant, car ils sont tous deux les derniers représentants d'une époque révolue à laquelle il semble impossible de revenir.
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Munin
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Message par Munin »

En même temps que Bob !
A mon tour de faire ma petite fiche. Tout d'abord, je peux peut-être préciser pourquoi j'ai choisi ce livre ? Pour pas mal de raisons : parce que c'est un excellent exemple de SF qui fait réfléchir, parce que c'est récent, parce que les fix-up (roman composé de nouvelles) c'est facile à lire, parce que la culture africaine est dépaysante, parce que j'adore le style et les récits dans les récits, et parce que c'est un livre que j'aime beaucoup - pour ne citer que les plus importantes. :-)

De mon point de vue, Kirinyaga est un livre qui aborde l'opposition tradition / évolution dans les sociétés, sur les facteurs endogènes / exogènes, sur la recherche de l'utopie et d'un équilibre théorique. Tout d'abord, Kirinyaga n'est pas une simple société kikuyu, elle a vocation à être une utopie. Si, pour les observateurs étrangers, comme le chasseur Masaï, une utopie est une société parfaite, pour Koriba, une utopie est une société qui incarnerait parfaitement toutes les valeurs traditionnelles kikuyu. Aucune concession n'est possible : en acceptant les facteurs exogènes, les valeurs externes, le modèle se dilue et se pervertit. L'utopie kikuyu cherche donc à recréer de façon permanente un moment idéalisé par Koriba, kikuyu sur-diplômé et pourtant, on s'en aperçoit assez vite, seul "vrai" kikuyu et connaisseur des lois & traditions. Contradiction ? Pas vraiment, puisque on comprend assez vite que le vrai kikuyu n'existe que de façon abstraite, et que la réalité oblige à faire des concessions. De même, la confrontation avec la réalité fait prendre conscience à tous - mais le narrateur ne le réalise que plus tard - qu'une utopie ne peut être qu'un instant fugitif, et comme son nom l'indique certainement pas un lieu. Toute société est soumise à des vecteurs de changements, et la nostalgie de Koriba envers l'Afrique non colonisée, et la révolte des Mau Mau, n'est pas suffisante pour vivre en vase clos. Les facteurs de changements viennent de l'extérieur, mais aussi de l'intérieur (Toucher le ciel). Finalement, le livre dépeint l'acharnement idéaliste d'un vieillard nostalgique pour un mode de vie disparu, ce qu'il finit par comprendre en rejoignant son cimetière des éléphants.

Voilà, c'est complètement en vrac mais voici mes quelques idées sur le livre !
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Wyatt Scurlock
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Message par Wyatt Scurlock »

Hum, j'ai bien envie de me le procurer ce bouquin et de donner également mon avis. A suivre...
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Alahel
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Message par Alahel »

et hop, voici la mienne :

Ayé, j’ai fini ... enfin :P

Alors merci merci Philippe, pour la découverte de ce petit bijou.

Comme je suis un brin à la bourre sur les fiches de lecture, beaucoup de choses pertinentes ont déjà été dites.
Voici pour ma part les réflexions que ces nouvelles m’ont inspiré :

- tout d’abord en tant que rôliste pur et dur, je n’ai pu m’empécher de voir dans le comportement de Koriba, un alignement Neutre Pur, à la druide quoi ! D’ailleurs je pense qu’il y fort logiquement de nombreuses correspondances entre le rôle des druides celtiques et des sorciers (mum… truc, je n’ai pas le bouquin sous le coude) kikuyu. Effectivement Koriba se perçoit clairement comme un guide au dessus des lois (la loi c’est lui), et qui utilise la parole de Ngia à sa convenance, ainsi que toute une floppée de pseudo pouvoirs, et surtout la crainte atavique que son statut de sorcier inspire à son peuple. Il sait ce qui est bon pour « son » peuple et juge souverainement sans jamais se remettre en question. Et effectivement à ce titre là, comme les druides, il refuse de permettre à son peuple d’accéder à la connaissance, et à la culture des autres (blancs, noirs corrompus, romains ou chrétiens même combat).
- Ensuite, ce qui est très fort, c’est que la destruction de SON utopie, est du au fait que son seul « pouvoir magique », le contrôle de la météo via son laptop lui vient du seul objet blanc qu’il a emporté avec lui. Son ordinateur est sa boite de pandore, d’ou vient le danger et la destruction de son monde, mais sans elle, il n’a aucun moyen de gérer le monde ou de démontrer son pouvoir. Comment un homme aussi opposé à tout ce qui vient des blancs a pu ne pas voir qu’en trichant et en emportant un objet technologique, l’utopie s’effondrait avant même de commencer.
- Enfin j’aime beaucoup que ce sont ceux qui pensent qui sont ses ennemis les plus dangereux. Le masaï n’est qu’une péripétie alors que la jeune fille ou Ndemi sont des dangers très fort qui sapent sans espoir de retour à la normale les fondations de Kirinyaga.

Par contre, très clairement AMA, Koriba est plus à plaindre qu’autre chose, et quelqu’un qui a commis des erreurs terribles en partant de bonnes intentions, uniquement parce que jusqu’au bout, il est incapable de se remettre en cause, aussi petitement que cela soit, jusqu’à finir comme un vieillard pathétique qui emmerde son fils de manière fort puéril, simplement pour avoir le sentiment d’exister.
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