lors que moi pas du tout : ce serait à mes yeux l'équivalent d'adapter un roman en alternant entre mise en scène du roman et scène de vie du lecteur.
C'est exactement l'
Histoire sans Fin, mais ce livre/film fonctionne parfaitement bien (mais genre vraiment, le film est merveilleux, et le livre est une bombe métaphysique et philosophie en plus d'être absolument enchanteur) car l'intégration des deux plans de la narration est cohérente. C'est la raison pour laquelle je faisais référence à
Stranger Things qui, d'une certaine façon, fait quelque chose de similaire, sauf que la partie de D&D est représentée par les aventures des héros dans le monde inférieur (je ne sais plus s'ils l'appellent comme ça ou non, ça fait longtemps et j'ai arrêté après la saison 2), là aussi il y a une intrication cohérente du jeu et de l'histoire des "joueurs".
Franchement, il y a aurait moyen de faire quelque chose avec ça, mais ça demande de prendre quelques risques et de bosser un peu le scénar.
On dirait que les producteurs s'attendent à ce qu'on réagisse comme si on était blasés de tout. C'est déprimant.
Tu pointes vraiment le truc qui me saoule avec les beaucoup d'œuvres contemporaines (et je met là-dedans aussi bien les films, que les bédés, les séries, et même les productions des "influenceurs" divers et variés) : le héro blasé, les scénaristes blasés, et qui n'aboutit même pas à une déprime qui conduirait à une retraite salvatrice dans une grotte ou un monastère quelconque, mais au sourire en coin et au regard complice avec un l'air permanent de celui qui a tout vu, tout compris, et qui au-dessus de tout y compris de lui-même. C'est à la fois médiocre et prétentieux, faut le faire !
Ça me fait beaucoup penser au concept de demi-habile chez Pascal :
Le monde juge bien des choses, car il est dans l’ignorance naturelle, qui est le vrai siège de l’homme. Les sciences ont deux extrémités qui se touchent. La première est la pure ignorance naturelle où se trouvent tous les hommes en naissant. L’autre extrémité est celle où arrivent les grandes âmes qui, ayant parcouru tout ce que les hommes peuvent savoir, trouvent qu’ils ne savent rien et se rencontrent en cette même ignorance d’où ils étaient partis. Mais c’est une ignorance savante, qui se connaît. Ceux d’entre‑deux, qui sont sortis de l’ignorance naturelle et n’ont pu arriver à l’autre, ont quelque teinture de cette science suffisante et font les entendus. Ceux‑là troublent le monde et jugent mal de tout. Le peuple et les habiles composent le train du monde, ceux‑là le méprisent et sont méprisés. Ils jugent mal de toutes choses, et le monde en juge bien.
Dans le monde de Pascal il y a encore l'idée que ces gens qui font les entendus jugent mal de tout et sont jugés en conséquence. Naïveté, rhétorique ou avons-nous réellement atteint un degré d'autosuffisance tel que faire l'entendu est bel et bien devenu le signe d'un jugement sain dans nos sociétés ?
Ce que j'aime chez Pascal c'est que, comme à son accoutumé, il relie les extrêmes : le peuple et les habiles se rejoignent en ceci qu'ils ne savent rien, ce qui les ouvre à la possibilité de l'émerveillement. Quand on croit avoir tout vu et tout savoir on ne s'émerveille de rien, on fait les entendus. Peut-être est-ce l'une des explications du manque de "magie" de nombre d'œuvres contemporaines qui pourtant sont sensées en regorger ?
Lacan disait "les non-dupes errent", et ça n'était pas à l'honneur des non-dupes. Il ajoutait : il faut se faire la dupe de l'inconscient, dans un esprit assez proche de Pascal : arrivé à savoir tout ce que l'on peut savoir sur l'inconscient, on admet qu'il y a quelque chose dont on ne peut rien savoir (le Réel chez Lacan) et que de cette duperie nécessitée par l'inconscient on doit faire avec. Croire pouvoir faire sans l'inconscient, être non-dupe, est un leurre car « ce que vous faites (...) sait ce que vous êtes ».