Les livres dont vous n'êtes pas le héros (et sans image)

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Erwan G
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Re: Les livres dont vous n'êtes pas le héros (et sans image)

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LA MOITIE D’UN ROI
La mer éclatée, tome 1
Joe Abercrombie

Chaque mois, avec mon abonnement Amazon Musique, j’ai le droit à un livre audio à l’écoute. Cela me permet d’aller écouter des livres que je sais mauvais d’avance, comme le Dan Brown, ou de découvrir un auteur que je ne connais pas, comme Joe Abercrombie. Il me semble avoir entendu pas mal de bien de l’un de ses cycles précédents, que j’ai tenté d’écouter, mais que j’ai abandonné, en raison d’un lecteur qui se sentait obligé de prendre une voix guturale à la limite de la parodie. Là, le lecteur est normal, j’ai donc écouté le livre en entier.

Yharvi est le second fils du roi du Getland. Enfin, second fils, devrait-on dire seconde moitié d’un fils, vu qu’il est né avec une main atrophiée, rendant difficile le port du bouclier et donc la carrière de guerrier à laquelle sont naturellement destinés les enfants du roi du Getland. Toutefois, il a pu devenir l’élève de la ministre du roi et devrait entrer dans cette profession, une profession de conseiller/soigneur/sage/auteur, membre d’une organisation dirigée par Grand-mère Watson, la ministre du Haut roi. Mais le destin n’est pas clément pour Yharvi : son père et son frère, l’héritier du trône noir sont lâchement assassinés par un roi avec lequel ils devaient faire la paix, à la demande du Haut roi. Yharvi se voit donc propulsé sur le trône noir et fait le serment de venger son père et son frère. Cela tombe bien, parce que la Reine, secondée par son oncle, Œdème, décide de monter une expédition punitive pour se venger. Yharvi arrive alors que la bataille a été remportée par Œdème, qui cherche à l’assassiner pour prendre le pouvoir. Mais il s’en sort de justesse, en tombant dans la mer, où il est récupéré par le roi ennemi qui, ignorant qui il est, le réduit en esclavage. Yharvi devient, ainsi, l’un des rameurs esclave d’un navire de commerce, le Vent du sud, dirigé par une femme mi pirate mi négrière, sur laquelle se forgent des amitiés profondes mais aussi des inimitiés sincères.

Je ne sais trop que penser de ce livre. Il est agréable à lire, c’est certain, en dépit de son manque d’originalité. Alors, certes, les rames du Vent du sud ne vont pas transformer le prince malingre en un guerrier musclé et prêt à venger de Thulsa Doom qui a tué sa mère. Néanmoins, il devient ce personnage si intelligent, si plein de ressources et de plans qui, par chance, tombe sur la personne la plus improbable possible, pour le meilleur comme pour le pire. A moins que, finalement, ce ne soit que pour le meilleur. Le scénario est hyper prévisible, à une exception près. Et Yharvi, le personnage principal, est assez détestable pour se demander pourquoi l’on s’inflige ses aventures. Heureusement, il est bien entouré, par des personnages un chouille plus complexes, ce qui ne fait pas de mal.

Alors, au final, bonne ou mauvaise lecture ? Je suis assez partagé. Comme je l’ai écouté et pas lu, j’ai trouvé cela assez agréable pour avoir envie d’écouter le roman en entier et pour commencer la suite. Ca ne révolutionne pas la fantasy, ça reste, amha, assez anecdotique, mais cela a, au moins, l’avantage d’être une lecture simple et rapide (une dizaine d’heures).

Bref, on est loin de Wastburg, de Gagner la guerre, d’un Si long voyage ou du cycle de la Tour de garde, tous des romans de fantasy récents et intéressants et français. Comme quoi, j’ai de mauvais a priori, a priori.
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Erwan G
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Re: Les livres dont vous n'êtes pas le héros (et sans image)

Message par Erwan G »

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Le Problème Spinoza
Irvin Yalom

Un ami qui m’est cher et avec lequel j’échange régulièrement sur les livres que nous lisons, m’a conseillé les livres d’Irvin Yalom, auteur que je ne connaissais pas avant ce conseil. J’ai eu l’occasion de lire, de lui, la Méthode Schopenhauer, que j’avais beaucoup aimé. Il s’agissait d’un livre qui traitait à la fois de la vie, de la pensée de Schopenhauer et de la thérapie. Dans le Problème Spinoza, Irvin Yalom reprend cette recette, mais en mettant en scène cette fois ci Spinoza d’un coté et un nazi, Alfred Rosenberg, ministre du Reich et idéologue du régime. Il explique, en postface, les raisons de cette approche : il a longtemps cherché à écrire un roman sur Spinoza, mais il ne disposait pas de matière pour cela. En effet, on sait bien peu de chose sur Spinoza, en dehors de ses écrits philosophiques. Juif excommunié par les siens, ermite urbain, Spinoza a demandé à ses disciples de détruire tous les éléments personnels contenus dans ses correspondances à sa mort, avant de les publier. Difficile, donc, d’écrire sur la vie de Spinoza ou de faire un roman sur cette base. C’est en visitant le musée de Spinoza, dans la maison qu’il a occupé, qu’Irvin Yalom a découvert que les nazi et plus précisément l’Einsatzstab Reichsleiter Rosenberg (ERR), organe de confiscation des biens culturels appartenant aux juifs et aux francs maçons pour tenter de résoudre « le problème Spinoza ».

Irvin Yalom en déduit qu’Alfred Rosenberg a très certainement été surpris de découvrir que ses idoles, les penseurs et auteurs allemands vouaient à Spinoza une admiration au moins équivalente à celle que le nazi vouait aux représentants de la grandeur allemande. Il décrit donc, en parallèle, une histoire romancée de Spinoza et une d’Alfred Rosenberg qui s’appuie néanmoins sur des éléments sourcés (comme le procès de Nuremberg et les recherches historiques sur le personnage) en complétant les trous avec ses inventions, mais dans le but de le rendre plus proche de ce qu’il pouvait être. Ainsi, Alfred Rosenberg a, pour seul ami, un psychiatre qui va se livrer, avec lui, à des tentatives d’analyse pour essayer de mieux cerner sa personnalité.

A défaut d’éléments permettant de raconter l’histoire, les drames ou les difficultés de Benedictus Spinoza, il utilise cette histoire pour présenter à la fois le personnage et sa pensée. Précurseur des lumières, Spinoza incarne une philosophie radicalement originale à cette époque. Rejetant les Ecritures, autant la Torah que la Bible ou le Coran, il estime que Dieu ne peut avoir de caractères humains et que l’humanisation de Dieu est une création humaine. Dieu est la Nature, l’univers et ses lois fondamentales et il ne peut s’appréhender que par la raison et non par la foi. Il est le Dieu dont parlera, bien plus tard, Einstein lorsqu’il dit « Dieu ne joue pas aux dés ».

Réputée difficile d’accès, l’œuvre de Spinoza gagne nécessairement à avoir une introduction aussi passionnante, tant dans la présentation de la philosophie de ce dernier, que dans l’exploration de la pensée d’Alfred Rosenberg et de ce qui semble être une passion contre nature des idéologues nazi pour les pensées d’un juif, même exclu de sa communauté. Car, comme le rappelle Irvin Yalom, l’antisémitisme n’est pas que le rejet d’une religion, c’est un racisme qui s’attache au « sang ». Ainsi, peu importe la conversion, l’athéisme ou l’expulsion de la communauté religieuse : pour ces gens, le péché est dans l’origine des gens, non dans leurs croyances. Cela ne peut manquer d’éclairer un peu plus la période actuelle et le retour de l’antisémitisme débridé auquel on assiste. Un livre important à lire.
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Sammael99
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Re: Les livres dont vous n'êtes pas le héros (et sans image)

Message par Sammael99 »

Erwan G a écrit : sam. déc. 27, 2025 11:17 am Image

LA MOITIE D’UN ROI
La mer éclatée, tome 1
Joe Abercrombie


Bref, on est loin de Wastburg, de Gagner la guerre, d’un Si long voyage ou du cycle de la Tour de garde, tous des romans de fantasy récents et intéressants et français. Comme quoi, j’ai de mauvais a priori, a priori.
J'avais plutôt bien aimé cette trilogie d'Abercrombie. Certains des développements deviennent plus explicites par la suite, et le personnage central devient plus complexe par la suite. Après, j'avais lu ça à sa sortie, donc je ne sais pas si ça tiendrait à la relecture, mais je les ai toujours... 
 
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Sammael99
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Re: Les livres dont vous n'êtes pas le héros (et sans image)

Message par Sammael99 »

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J'ai fini Circe de Madeline Miller, que j'avais offert à ma fille férue de mythologie l'an dernier. Elle me tannait pour que je le lise à mon tour, et elle avait raison. J'ai eu un peu de mal à rentrer dans le roman dont la thématique semblait proche de celle de la trilogie d'Ithaque de Claire North qui a sans aucun doute été ma claque du début d'année. Je trouvais que par son parti pris franchement mythologique (le personnage principal est, après tout, fille du Titan Hélios et de l'Océanide Perséis, le roman perdait quelque chose par rapport au point de vue de North.

De Circé, je ne connaissais que l'épisode de l'Odyssée, et paradoxalement, c'est après cet épisode qui survient aux deux tiers du livre que les choses décollent vraiment, avec une fin très puissante. Au final, je suis super content de l'avoir lu, et je ne pense pas que d'autres lecteurs auraient les mêmes réserves que moi sur le début s'ils ne viennent pas juste de finir une autre réécriture mythologique, surtout aussi bonne que celle de Claire North. 

Bref, bonne pioche, et du coup je vais m'intéresser au Song of Achilleus de la même autrice. 
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Tybalt (le retour)
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Re: Les livres dont vous n'êtes pas le héros (et sans image)

Message par Tybalt (le retour) »

De mon côté, Circé m'est tombé des mains au bout d'un ou deux chapitres. Je n'en pouvais plus de voir des déesses présentées comme des chipies. J'ai ensuite reçu en cadeau Le Chant d'Achille, qui m'a beaucoup plus plu : le traitement du couple Achille/Patrocle est bien trouvé et bien mené, et Patrocle m'a particulièrement marqué. En revanche, tout ce qui touche au monde divin m'a paru trop caricatural — heureusement, il en est très peu question —, même si la déesse Thétis devient un peu plus intéressante vers la fin. Il y aurait des choses à dire sur le traitement pseudo-historicisant et ethnicisé de la guerre de Troie qui se retrouve hélas dans trop de réécritures américaines (rappelons que dans le cycle épique antique, les Achéens et les Troyens parlent la même langue, vénèrent les mêmes dieux et ont les mêmes coutumes), mais globalement, ça reste une lecture très intéressante.
Mes sites : Kosmos (un jdra sur la mythologie grecque qui a lu les auteurs antiques pour vous) ; blog de lectures ; site d'écriture.
Disclameur : j'ai écrit pour "Casus" et "Jdr Mag".
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Re: Les livres dont vous n'êtes pas le héros (et sans image)

Message par Harfang2 »

Tybalt (le retour) a écrit : sam. déc. 27, 2025 2:40 pm De mon côté, Circé m'est tombé des mains au bout d'un ou deux chapitres. Je n'en pouvais plus de voir des déesses présentées comme des chipies. J'ai ensuite reçu en cadeau Le Chant d'Achille, qui m'a beaucoup plus plu : le traitement du couple Achille/Patrocle est bien trouvé et bien mené, et Patrocle m'a particulièrement marqué. En revanche, tout ce qui touche au monde divin m'a paru trop caricatural — heureusement, il en est très peu question —, même si la déesse Thétis devient un peu plus intéressante vers la fin. Il y aurait des choses à dire sur le traitement pseudo-historicisant et ethnicisé de la guerre de Troie qui se retrouve hélas dans trop de réécritures américaines (rappelons que dans le cycle épique antique, les Achéens et les Troyens parlent la même langue, vénèrent les mêmes dieux et ont les mêmes coutumes), mais globalement, ça reste une lecture très intéressante.
J'ai rarement trouvé mieux que les Mémoires de Zeus, de Druon, comme réécriture des Mythes. Seigneurs de l'Olympe de Negrete, aussi.
 
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