[CR] Millevaux et autres jeux Outsider

Critiques de Jeu, Comptes rendus et retour d'expérience
Avatar de l’utilisateur
Pikathulhu
Dieu d'après le panthéon
Messages : 3018
Inscription : dim. août 22, 2010 7:26 pm
Localisation : Morbihan
Contact :

Re: [CR] Millevaux et autres jeux Outsider

Message par Pikathulhu »

L'ENNEMI SANS VISAGE

Premier épisode de la Chronique d’Auvergne, une campagne en table ouverte basée sur une vieille carte IGN abandonnée aux informations douteuses.

(temps de lecture : 16 min)

Joué le 24/02/18 au Festival International des Jeux de Cannes

Le jeu : Écorce, par Thomas Munier. Aventures extrêmes dans les forêts maudites de Millevaux. Viscéral. Survivaliste. A l'ancienne.

Image
Miles Davis (Smiley), cc-by-nc-nd


Personnages :

Yuyuka le tueur, David Goldenberg le fakir-rabbin, Vihèyekarne la cathare.


Contexte :

Cette partie est la première d'une campagne en table ouverte, la Chronique d'Auvergne. Le fil rouge entre les épisodes, ce n'est pas forcément les personnages, mais le lieu, en l’occurrence l'Auvergne. Je m'inspire d'un concept de kF {Et si on jouait… (7)}, qui propose de jouer dans Millevaux avec une carte comme liant et palliatif à la mémoire défaillante des personnages. Un palliatif lui même peu digne de confiance car l'oubli joue ici son rôle et la carte n'est pas le territoire : une carte IGN de l'Âge d'Or est loin de rendre compte des bouleversements forestiers qu'a depuis subi la contrée.

J'ai donc récupéré une carte IGN de la région de Clermont-Ferrand que j'ai abîmé, déchirée, et vieillie au café. Elle nous sert de map et je fournis aussi du scotch, des crayons de couleur et des stylos. L'équipe est invitée à s'approprier la carte et à y noter ce qu'elle veut, a amocher la carte aussi. L'idée est de laisser une trace pour les équipes prochaines.

Image
La Carte IGN, déjà personnalisée par la tablée


L'histoire :

La forêt de Lastic, bien à l'ouest de Noirmont-Ferrand. Une tribu de chasseurs-ceuilleurs cherche à améliorer son ordinaire en pillant les ressources de l'ancien camp militaire de Bourg-Lastic, qui s'étend au pied de la forêt.

Yuyuka est un dessinateur de rue le jour (il attache des crayons aux moignons de ses deux bras), tueur la nuit. Il recherche un certain Mr Vilain qui a tué sa famille. Il se rappelle que Mr Vilain se terrerait à l'extrémité du camp de Bourg-Lastic, et il compte bien le retrouver pour se venger. Le problème c'est que comme tout le monde, Yuyuka a une mémoire défaillante et Mr Vilain n'est pas le vrai nom de son ennemi. Pour couronner le tout, Yuyuka est prosopagnosique : il ne reconnaît pas les visages. A chaque fois qu'il fait une description physique de Mr Vilain aux autres, cette description change.
Yuyuka porte une armure de ronces mais n'a plus d'armes pour le moment. La déveine pour un tueur.
David Goldenberg est un fakir juif. Unique en son genre.
Vihèyekarne est ce que son nom l'indique. Une vieille carne harnachée dans une cage thoracique de lianes mortes-vivantes. C'est aussi une cathare mais elle n'en dira pas long sur sa foi durant cette aventure.

La tribu se compose aussi de :
Tank, un grand black très costaud mais intellectuellement limité
Heidi, une petite fille de 8 ans qui a un super contact avec les animaux
Œil, le guetteur du camp, il a une balafre sur le visage et les yeux vairons
Le Poilu, le médecin de la tribu, un moustachu avec une blouse bleue qui met des fleurs sur les yeux des morts tout en mâchant une troisième fleur (un rituel à lui qu'il n'a jamais expliqué)
La Martre, une chasseuse-rôdeuses, avec des tresses si serrées qu'elles laissent voir son cuir chevelu, avec des tendances animales, et qui chaparde des souvenirs au reste de la tribu.
Marie-Marguerite, une bonne sœur qui parle d'apocalypse et de jour des cendres. Jésus lui parle, bien entendu.

Depuis un mont pelé, sous la pluie battante, la tribu observe le camp de Bourg-Lastic. Les grilles et les murailles sont défoncées en plusieurs endroits. On voit que QUELQUE CHOSE est sorti du camp. Les arbres qui couvrent le champ empêchent d'en voir plus. On voit une fumée au loin, qui pourrait provenir du QG de Monsieur Vilain.

Marie-Marguerite dit que Jésus a dit que pour traverser le camp sans encombre, il faut être nu et couvert de boue, et ramper. Mais elle-même a trop de pudeur chrétienne pour le faire. David Goldenberg et Yuyuka, sans se déshabiller pour autant, se couvrent au moins de boue, au cas où.

Vihèyekarne demande à Heidi, qui a un contact privilégié avec les animaux, de se renseigner sur les lieux. Heidi s'éloigne le temps de contacter une bête puis revient pour avertir les autres que le mont pelé est le territoire de gros prédateurs.

La tribu dessine un itinéraire sur la carte puis se met en route. Œil part en éclaireur, tandis que Martre couvre les arrières du groupe. La troupe du milieu entend un vagissement terrible et se fait attaquer par une créature poilue, avec un corps de vache et une tête de tricératops : un vachosaure ! Vihèyekarne monte à un arbre, Heidi prend la fuite, Marie-Marguerite roule dans un talus, les autres se planquent dans des buissons. Tank charge la créature avec son énorme clef à molette. Il la blesse mais le vachosaure lui donne un violent coup en retour, qui envoie valser Tank raide mort, tout massif soit-il.

Puis le vachosaure rattrape Heidi et l'embroche sur ses cornes. Goldenberg se saisit de la clef à molette. L'objet est vraiment très lourd ! Yuyuka attire le vachosaure à lui puis court se cacher dans les herbes molles. Goldenberg abat sa clef à molette sur l'arrière de l'animal - son point faible - et parvient à le tuer, mais il se pète l'épaule au passage. Il absorbe un souvenir du vachosaure : la créature, gravide, traverse le camp, jusqu'à un bunker où niche une gigantesque vache T-rex au ventre bouffi. Le vachosaure met bas un petit immature et le pousse dans la vulve du vachoT-rex pour qu'il finisse son incubation dans le ventre de cette mère porteuse. Étrange cycle biologique que celui des vachosaures.

Yuyuka fouille le corps de Tank et trouve sur lui une curieuse statuette d'idole, rustique, laide et granuleuse.

Vihèyekarne prend le corps d'Heidi dans ses bras. Marie-Marguerite veut qu'on donne une sépulture chrétienne aux deux morts, mais Vihèyekarne lui intime de se taire. Elle est si marquée et déterminée que la bonne sœur s'écrase direct. Vihèyekarne empêche aussi le Poilu de faire son truc avec les fleurs dans les yeux. Elle fait reposer les morts sur la terre et sous un lit de feuilles, les bras en croix. Martre, revenue de sa reconnaissance en arrière, offre à Vihèyekarne l'animal avec qui Heidi avait eu son dernier contact : une musaraigne terrestre. Vihèyekarne la baptise du nom d'Heymu.

La tribu décide de bivouaquer sur place. Ils boivent leur propre urine, traitée grâce à la machine épurative de Goldenberg. Le rabbin-fakir dépèce la créature, il recueille ses menstrues, mange son cœur pour s'accaparer sa force et envoie Martre dans la nature chercher de la tourbe. Avec de la boue et les menstrues du vachosaure, il commence à façonner un golem. Tout le monde mange du vachosaure et Vihèyekarne mange l’œil de l'animal, une façon pour elle de communier avec lui.

C'est la nuit. Le Poilu soigne Goldenberg et Yuyuka avec ses derniers antidouleurs. Il pose une écharpe et une attelle sur le bras du fakir-rabbin
Goldenberg chope la musaraigne et vérifie son sexe. L'animal est hermaphrodite. Il recueille son sperme et l'intègre à son golem. Il est pris d'un doute. Il a besoin de sperme animal mais se demande si la semence de la musaraigne va suffire. Il se dit qu'un humain est aussi une sorte d'animal après tout. Alors il se masturbe et ajoute son propre recueil au golem.

Vihèyekarne fait un cauchemar. Elle est au même endroit, mais c'est la forêt limbique et elle est seule. Un horla aux pattes d'araignées branchues avec un gros corps caché sous une toile de bure déchirée se présente à elle. Il dit qu'il est passeur d'âmes et que la tribu n'a pas fait tout ce qu'il fallait pour que les morts reposent en paix ; mais que Vihèyekarne a fait le début du chemin en mangeant l’œil du vachosaure. Le horla demande à Vihèyekarne de lui donner son propre œil en tribut pour qu'il achève le travail de passation. Vihèyekarne accepte. Elle se réveille en hurlant, réveillant tout le monde. Son œil est devenu blanc et elle a maintenant un lien empathique avec la forêt de Lastic.

Elle prend ensuite son tour de garde. Grâce à son lien empathique, elle sent une présence contre-nature. Elle réveille tout le monde. Tant pis pour ceux qui voulaient récupérer. Arrive un homme sauvage, nu hormis une ceinture et des lambeaux de jean encore accrochés autour, les organes génitaux pendants, la gueule de travers. Martre réagit de façon animale, elle est affectée. Ils lancent de la viande de vachosaure à l'homme-bête et il repart des ténèbres où il était venu.

Le Poilu prend ensuite son quart. Comme le rabbin continue à façonner son golem, il lui confie le secret de ses fleurs mortuaires. Quand il mange la troisième fleur, il absorbe un souvenir du défunt. Il veut qu'on le laisse faire son rituel des fleurs la prochaine fois qu'il y aura un mort.
A travers les arbres, ils voient les phares d'un gros véhicule avancer en direction du camp.

Puis le Poilu réveille Yuyuka pour qu'il prenne la relève, et se rendort. Le Poilu grogne dans son sommeil : il parle de la grande guerre dont il bassine souvent la tribu. Mais son rêve se matérialise dans la réalité : entre deux arbres, Yuyuka voit l'entrée d'un tunnel boueux garnis de poutres et de sacs de sable. Le Poilu s'exclame dans son sommeil : « Le tunnel ! Un jour je saurai ce qu'il y a derrière. »

Au matin, le rabbin a fini son golem de boue. Mais comme il a dû mêler son propre sang à la chair de la créature, cela l'a considérablement affaibli, et il perd du contrôle sur sa propre volonté. A l'image de Martre, il commence à régresser au stade animal : il est en proie à des instincts qui sont difficilement contrôlables. La nuit blanche lui fait aussi perdre un souvenir : celui du vachosaure qui va rejoindre la mère porteuse.

Il peut maintenant donner des ordres à son golem. Mais chaque ordre donné lui fait courir le risque que le golem prenne son autonomie. Alors, il opte pour un premier ordre très générique : « Protège-nous. »

Ils descendent au pont qui enjambe le ruisseau de Malpeire. L'eau coule à gros bouillons, le pont est fissuré de partout, une sorte de crinière bave de sous le pont et coule dans le ruisseau. La tribu retourne en forêt chercher des lianes pour fabriquer une corde.

Marie-Marguerite trouve dans les talus un petit autel abandonné avec un crucifix portant une statuette assez difforme du Christ. Il y est écrit « Jésus bouilli ». Marie-Marguerite adopte ce nouvel objet votif avec bonheur et Yuyuka récupère son ancien crucifix qu'il attache à un de ses moignons pour servir d'armes.

La troupe s'encorde et Goldenberg passe le pont le premier. Une main griffue de troll émerge de sous le pont et le frappe de plein fouet ! C'était sa crinière qu'on voyait dépasser. Goldenberg riposte mais sa machine a épurer l'urine est détruite dans l'occasion. Le golem attrape le troll et le défonce. Goldenberg achève la créature et absorbe un de ses souvenirs : il voit par les yeux du troll des paramilitaires armés de FAMAS tenter de franchir le pont et battre en retraite à la vue du troll. Étaient-ils couards ou économes de leur balles ?

Yuyuka descend sous le pont à la recherche du trésor de guerre du troll (les trolls font payer le passage, c'est bien connu). Il trouve une peau tatouée qui doit provenir d'un dos humain. On y voit des personnes pendre un loup et d'autres personnes les tuer en représailles. Yuyuka absorbe le souvenir contenu dans l'objet et réalise que c'est sûrement sa famille qui a pendu un loup et que c'est sûrement pour ça que les troupes de Mr Vilain s'en sont pris à elle. Quand Vihèyekarne l'interroge sur ce qu'il a vu, il explique que Mr Vilain doit vénérer les loups mais omet d'évoquer sa famille.

La tribu se passe de boire, sauf Goldenberg qui se risque à boire l'eau du ruisseau. Elle est pleine de daphnies, mais, est-ce dû à sa chute animale ?, le métabolisme du rabbin résiste à l'infection.

La tribu traverse une ouverture dans les grilles et entre dans le campement. Elle arrive au bunker de la mère porteuse. On entend une fusillade. Grâce à son hypervision, Vihèyekarne voit entre les branches d'où viennent les tirs : un hummer paramilitaire à côté duquel sont posté trois hommes armés de FAMAS, plus un conducteur dans l'habitacle.

Yuyuka veut tracer vers le QG de Mr Vilain, mais Vihèyekarne veut venir en aide à la mère porteuse. Goldenberg cède à son nouveau côté animal et se joint aux rangs de Vihèyekarne, bientôt suivi par Martre et Œil. Le Poilu et Marie-Marguerite se joignent à Yuyuka et courent vers le QG de Mr Vilain, pensant profiter de la diversion.

L'équipe venu en secours de la mère porteuse contourne les paramilitaires et tuent les trois tireurs. Mais cela a imposé à Goldenberg de donner à son golem l'ordre de frapper un soldat. Visiblement, c'était l'ordre de trop pour le Golem, qui se retourne contre son maître.
Vihèyekarne récupère un Famas et abat le conducteur du hummer alors qu'il recule. Goldenberg attire son golem derrière le véhicule, et la créature se fait alors écraser. Ouf !

L'autre équipe arrive à un goulot d'étranglement des palissades qui constitue une véritable souricière, non sans rappeler le tunnel des cauchemars du Poilu. Yuyuka s'y engage, tombe face à un sbire de Mr Vilain, celui-ci bat en retraite. Yuyuka fait un feu de broussailles pour enfumer la souricière, puis s'engouffre à l'intérieur. Il ressort de l'autre côté, et se fait assommer par un autre sbire de Mr Vilain. Alors que les sbires commencent à traîner Yuyuka inconscient, le Poilu charge vers eux en poussant un cri de guerre !

FIN


Image
La légende des annotations, réalisée par un joueur


Feuilles de personnage :

Yuyuka
humain, ordre, tuerie
force : identité indéboulonnable
handicap : ne reconnaît pas les visages
Jet de sauvegarde : 14 (+2 contre la mort et les poisons, +3 contre la douleur)
VIANDE : 7
OS : 12
NERFS: 9
CRÂNE : 15
TRIPES : 10
GUEULE : 10
PV : 5
OBJETS, SOUVENIRS & SORTS
4 choux pourris de première qualité
Parchemin non identifié où il est question de boire sa propre urine
Liqueur d’algues
Armure de ronce : cause 1 dégât quand elle pare une attaque (poids 12 kilos)
Souvenir flash (glané en cours de route)
Crucifix 1d6-1 (glané en cours de route)

Vihèyekarne
humaine, sauvage, idolâtrie
Force : Hypervision (+empathie forêt de Lastic)
Handicap : Maladroite (+borgne)
CARACTÉRISTIQUES
Jet de sauvegarde : 15 (+2 contre poison et paralysie, +3 contre la douleur)
les ennemis ont +1 difficulté pour résister à mes sorts
VIANDE : 13
OS : 9
NERFS: 12
CRÂNE : 6
TRIPES : 15
GUEULE : 8
PV : 2
Bonus d’attaque : 0
Couenne : 10 (12 avec armure)
Armes : Fourche à fumier 1d6 dégâts
Armures : cage thoracique de lianes mortes-vivantes (perte de 1d6 PV si on la retire) – poids 25 kilos
OBJETS, SOUVENIRS & SORTS
SORT : Consolament cathare : Trouver une source d’eau naturelle, la purifier en y mêlant son sang (perte de 1d6 PV) ou celui d’un fidèle, passer une nuit en prière, on peut ensuite baptiser des fidèles dans cette source : ils deviennent innocents en perdant tous leurs souvenirs, lavés par l’eau consacrée
une pierre d’ambre avec des cheveux et un papillon à l’intérieur
Souvenir : je suis ligotée à un arbre par un sorcier qui veut se nourrir de ma peur
Heymu, musaraigne mutante hermaphrodite (glanée en cours de route)

David Goldenberg
humain (chuté en humain-animal), sauvage, idolâtre
Force : un œil surnuméraire à l’arrière du crâne
Handicap : paranoïaque
Jet de sauvegarde : 15 (+2 contre poison et paralysie, +3 contre la douleur )
Insensible à l'eau polluée (glané en cours de route sur un succès critique)
VIANDE : 11
OS : 8
NERFS: 9
CRÂNE : 9
TRIPES : 9
GUEULE : 11
PV : 2
Arme : clef à molette 1d6+3, arme à deux mains (glanée en cours de route)
OBJETS, SOUVENIRS & SORTS
Création d’un golem de boue : mélanger de la tourbe, de la boue, des menstrues et du sperme d’animaux, les pétrir pendant une nuit en récitant des extraits de la Torah, graver les trois lettres de contrôle avec sa propre énergie vitale (1d6 PV), permet de créer un golem de boue à 4d6 PV qui vit 24 h. A chaque ordre, test de loyauté ou le golem prend son autonomie
120 pièces de cuivre
Une capsule nespresso
Purée de composants électroniques
Souvenir glané en cours de route (puis perdu) : souvenir d'accouchement de la vachosaure, va rejoindre une mère couveuse dans un bunker
Une machine à épurer l’urine (détruite en cours de route)
Golem 18 PV (glané en cours, puis perdu)


Commentaires :

Durée de jeu :
1/4 h briefing, 2h1/2 de jeu, 1/4 d'h de debriefing

Profil de l'équipe :
Les trois joueurs avaient voté (qu'on pourrait qualifier de rôlistes expérimentés) pour être à d'autres tables que la mienne, mais faute de place ils ont été affectés à ma table. Heureusement, ils ont fait contre mauvaise fortune bon cœur et se sont tout à fait prêtés au jeu.

État des règles :
+ J'ai un peu modifié la règle sur la douleur. Maintenant les personnages commencent dans l'état « aux abois » : quand ils jettent un dé20, ils utilisent un dé clair qui fait des critiques sur 1 ou 20. Quand ils passent en douleur, on appelle maintenant l'état « au supplice » : le personnage utilise maintenant un dé foncé qui fait des critiques sur 1-5 ou 16-20 : le personnage agit de façon plus extrême quand il est au supplice. Les autres règles sur ces deux états restent inchangées.
+ Dans le playtest précédent, la chute était rapide : un 5 au jet de mort, et ça y est le personnage devenait un figurant. J'ai un peu atténué. Un 5 au jet de mort et on chute selon la pente naturelle de sa nature, penchant ou malédiction. Pendant cette première chute, il est demandé à la joueuse d'impacter son roleplay, mais aussi l'arbitre, une fois par quart, peut demander un jet de sauvegarde contre la folie sous peine d'imposer un comportement négatif associé à la chute. Si le personnage fait à nouveau un 5 à son jet de mort, soit il chute sur un autre versant (s'il avait chuté en humanité, il chute en penchant), soit il chute sur le même versant, selon ce que disent les dés. Chuter deux fois sur le même versant implique cette fois-ci de devenir un figurant. Le personnage peut encore être sauvé de cette deuxième chute, à condition que les autres personnages s'emploient à le relever.

Mise en jeu :

+ Le joueur de Yuyuka a choisi (en conscience) une photo pour son personnage qui représentait un dessinateur des rues manchot : c'est pour cela que le personnage était manchot, en plus de son handicap aléatoire qui lui interdisait de reconnaître les visages.

Image
cardijo, cc-by-nc & Delphine Ciolek, par courtoisie

+ On n'a pas défini quel personnage transportait la carte et ça m'arrange. C'est un objet magique, potentiellement indestructible. En ne spécifiant pas qui la transporte, ça m'évite le risque qu'elle soit détruite parce que le personnage tombe dans l'eau, dans le feu, ou perd son équipement.
+ L'équipe avait plusieurs concepts d'aventures, entre la traque de Mr Vilain, le farming dans le camp militaire et la constitution d'une tribu de chasseurs-cueilleurs. J'ai proposé qu'on fusionne les trois, et que la tribu soit déjà en partie constituée. J'ai utilisé ma règle : pour avoir une communauté crédible, décris au moins 6 figurants, et pour le coup j'ai limité la communauté à ces six figurants. j'ai demandé à chaque joueur d'en décrire un (et c'était chouette parce que du coup ils s'y sentaient liés, notamment j'ai bien senti qu'il s'est passé un truc quand Heidi, le figurant créé par le joueur de Vihèyekarne, est morte) et j'ai décrit les trois autres grâce à des tirages sur l'Almanach.
+ Comme je ne dis jamais les choses au hasard dans ce jeu, si les personnages s'étaient mis nus, s'étaient couverts de boue et avaient rampé, ils auraient pu traverser le camp sans se faire repérer des vachosaures.
+ Le combat contre le vachosaure était un peu complexe, j'ai sorti les marelles pour l'occasion.
+ J'ai demandé quelques jets de loyauté quand les personnages donnaient des ordres aux figurants. Mais quand Vihèyekarne a ordonné à Marie-Marguerite de se taire, je n'ai pas fait de lancer de dés parce que le joueur a si bien roleplayé la colère froide qu'il m'a flanqué les chocottes. Super moment de jeu de rôle psychologique et de porosité joueur/personnage (et arbitre/figurant) :)
+ J'ai remplacé mon dé 1-3 oui 4-6 non par un dé 1-3 oui 4-5 non 6 bizarre et c'est très cool. C'est ainsi que quand on m'a demandé le sexe de la musaraigne, elle s'est avérée hermaphrodite.
+ Je n'avais pas prévu que Tank transporte du matériel mais quand un joueur a déclaré l'avoir fouillé, j'ai regardé L'Almanach et ça a donné cette hideuse statuette. J'avais prévu qu'elle ait un effet pas glop (lien avec une déité horla ? ) mais je n'ai pas eu l'occasion d'exploiter ça. Mais après tout, c'est du jeu en campagne, c'est pas grave si on n'exploite pas dans le cadre de la première séance.
+ La magie d’Écorce est toujours aussi soumise à interprétation. Cela a été le cas sur bien des aspects du sort de création de golem.
+ Quand les personnages sont arrivés près du pont, j'ai fait une description exhaustive des lieux, en précisant qu'il y avait comme une crinière qui dérivait au fil de l'eau. Le joueur de Vihèyekarne m'a fait répéter la description, ce que j'ai fait, en précisant à nouveau pour la crinière. C'était un indice pour deviner la présence du troll, suivant ma règle sur les descriptions : un élément très visible (ici, le pont est vétuste) et un élément discret (ici, la présence du troll caché). Les joueurs n'ont pas relevé l'élément discret et donc le premier à passer le pont s'est fait attaquer, mais j'ai à nouveau rappelé qu'ils auraient pu s'y attendre, vu qu'ils avaient vu la crinière du troll dépasser. Dans le cadre d'une campagne, cela constitue un apprentissage à la vigilance. Je me rends compte que ce principe de l'indice ne peut être juste que si je rappelle que j'avais mentionné l'indice une fois que le danger est révélé.
+ Quand il a fallu choisir entre protéger la mère porteuse et se rendre au QG de Mr Vilain, j'ai demandé un jet de sauvegarde contre la folie à Goldenberg. Comme il l'a raté et qu'il avait chuté du côté animal, je lui ai imposé de venir en secours à la Mère Porteuse.
+ On a joué 24 H entières, soit huit quarts, ce qui est un rythme assez enlevé pour le créneau de jeu qu'on avait. J'ai fait des tirages sur ma table inspirée du donjon à cinq pièces à chaque fois (sauf peut-être le dernier quart, qui était le climax et où je savais à peu près quoi faire sans béquille) et ça a vraiment nourri la partie de péripéties insolites, petites et grandes.

+ Les joueurs ont bien joué le jeu de customiser leur feuille de perso et surtout de customiser la carte. Taches de café, dessins, annotation, ont été au rendez-vous. Le joueur de Yuyuka a pioché dans les portraits de personnage pour coller le portrait présumé de Mr Vilain sur la carte. mais ensuite, à chaque fois qu'il décrivait Mr Vilain, il montrait un nouveau portrait (le joueur précisait alors que c'était en fait la description d'un autre sbire de Mr Vilain, en gros Yuyuka confondait tous ses ennemis entre eux).
+ Voici les notes que j’ai attribuées suivant le barème du tournoi :

Joueur 1 Interprétation du personnage 3 Esprit d'équipe 5
Volonté d'accomplir l'objectif 4
total 12

Joueur 2 Interprétation 5 Esprit d'équipe 4 Objectif 5 Total 14

Joueur 3 Interprétation 5 Esprit d'équipe 5 Objectif 3 Total 13


Retour de l'équipe :

Joueur de David Goldenberg :
+ L'usage du sort de golem me paraît trop difficile, trop coûteux pour le résultat.
+ Le système de points de vie est létal : c'est bien.
+ Le dé clair / dé foncé, ça m'intéresse.
+ Les carac, on ne sait pas toujours à quoi ça sert [réponse de Thomas : à peu de choses, hormis quelques bonus pour la plupart calculés à la création de personnage. ensuite, c'est un guide de roleplay et ça permet de suivre l'évolution des bonus]

Joueur de Yuyuka :
+ T'as fait un taf sur la liberté de choix, le matos. Beaucoup d'éléments extérieurs pour personnaliser le jeu.
+ Les marelles, c'est hyper intéressant.

Joueur de Vihèyekarne :
+ Globalement, je pense que ça serait pas mal que la gestion de l'initiative soit plus fine (par rapport au nombre de figurants).
+ Il faudrait un cadre dédié aux souvenirs sur la feuille de personnage [réponse de Thomas : de prime abord j'aurais dit non parce que c'est plus sympa que le personnage découvre au fur et à mesure l'importance des souvenirs dans cet univers, mais en fait je te donne raison parce que quand on perd un souvenir, c'est tiré aléatoirement, donc je vais en effet créer un espace dédié aux souvenirs ET aux sorts d'idolâtres qui sont aussi des souvenirs, et dans cet espace il y aura des numéros pour tirer les souvenirs au sort en cas d'oubli]
+ J'ai peur d'avoir un empilement d'avantages / désavantages (par rapport au fait que mon personnage a développé un œil borgne + une empathie avec la forêt), comment ça va jouer dans le temps ? [réponse de Thomas : mystère, il faut que je playteste une campagne avec casting fixe).
+ Il faudrait qu'un tableau des différentes étapes de chute (par ex : Humain / humain-animal / animal) apparaisse sur la feuille de perso [Réponse de Thomas : Non, parce que plus je mets d'informations prédictives sur la feuille de perso, plus je passe de temps à répondre aux interrogations au lieu de jouer, et aussi je veux que ce genre d'informations - comme la plupart des infos sur l'univers - soit découverte en cours de jeu et par le jeu.]
+ La carte, c'est cool

Retour personnel :
+ Je comptais sur les dés clairs / dés foncés pour savoir d'un simple coup d’œil dans quel état était les personnages mais ça n'a pas fonctionné parce que les joueurs gardaient les deux dés devant eux (et parfois ils ne se rappelaient pas bien eux non plus quel dé ils devaient utiliser).
+ Les règles actuelles d’Écorce génèrent une quantité de fiction impressionnante. On prend son temps, du fait de jouer chacun des huit quarts d'une journée, mais c'est très granuleux, il se passe plein de choses. C'est plutôt un niveau de détail qui me convient, ça rend à merveille le côté gritty / ras du sol, et la complexité putride de l'univers.
+ J'ai l'impression d'arriver à un stade du développement où, si j'écoute encore bien sûr le retour des playtesteurs, il va falloir que je commence à défendre certains partis pris. Ainsi, je ne pense pas que le sort d'invocation du golem soit trop coûteux. Il est coûteux, c'est certain, il présente des risques d'échec et de contre-production (le golem qui se rebelle dès le second ordre sur un fumble au jet de loyauté, ça fait mal), mais en contrepartie cela a mis pas mal le personnage du rabbin en valeur. D'autre part, on peut envisager qu'avec le stockage d'ingrédients, l'expérience, l'entraînement ou le recours à des initiateurs, le rabbin puisse améliorer la facilité et l'efficacité de son sort.
+ Suite aux remarques du joueur de Vieillecarne, j'affine vraiment mon optique pour ce jeu : Je veux limiter au maximum l'information donnée au préalable : toutes les données utiles (y compris celles essentielles à la survie) doivent être apprises par le personnage en cours de jeu, par le jeu. J'étais ainsi très content d'avoir amené de façon uniquement diégétique le fait qu'il fallait faire des rituels funéraires corrects sur les humains, monstres et animaux qu'on tuait, sous peine de les voir revenir en morts-vivants. C'était beaucoup plus sympa et fertile de l'avoir fait comprendre par le jeu que si je l'avais dit en méta dès la première mort. Cela me conforte aussi dans l'idée d'avoir une feuille de perso minimaliste, et d'être tout aussi minimaliste dans mon briefing d'univers.


A tester lors du prochain playtest :

+ Réduire le briefing d'univers (qui aujourd'hui récapitule les six éléments de Millevaux : ruine, forêt, oubli, emprise, égrégore, horlas). Me contenter de la phrase présente sur la feuille de perso : « Notre monde a été envahi et détruit par la forêt il y a plusieurs générations.
Tu survis dans ce bourbier, au milieu des bêtes et des monstres ». Autrement dit on ne présente que la ruine et la forêt. Tout le reste peut être appris par le jeu : après tout, les personnages, amnésiques ont beaucoup a redécouvrir, et certains éléments comme l'emprise et l'égrégore sont finalement inconnus de la plupart des habitants de Millevaux (ils en subissent les effets mais ignorent la cause).
+ Remplacer le dé clair / dé foncé par un dé rouge / dé noir : deux couleurs aux connotations négatives, c'est mieux :)
+ Il faudrait vraiment que je centralise tous les dés rouges et noirs au milieu et on met devant soi seulement son dé d'état actuel.
Outsider. Énergie créative. Univers artisanaux.
Ma page Tipee.
Avatar de l’utilisateur
Pikathulhu
Dieu d'après le panthéon
Messages : 3018
Inscription : dim. août 22, 2010 7:26 pm
Localisation : Morbihan
Contact :

Re: [CR] Millevaux et autres jeux Outsider

Message par Pikathulhu »

L'HORLOGISTE

Les enfants confrontés à un terrible horla digne du Labyrinthe de Pan ! Un enregistrement et un récit par Claude Féry

(temps de lecture : 3 min ; temps d'écoute : 1h06)

Joué le 09/11/19

Le jeu : Sève la durée du oui, gamins du bois confrontés aux beautés et aux horreurs du sauvage, par Claude Féry

Lire / télécharger le mp3

Playlist de la partie

Image
Dave Sykes, cc-by-nc-sa


L'histoire :

Cet après-midi nous avons joué à #Sève la durée du oui, avec Alex et Xavier. Partie intense et libre de 1h30 où Albert Léo et Petite ont affronté victorieusement une créature surgie des gravats de Burano, l'horlogiste, agrégat de sons du temps jadis, dont Petite détient désormais le cœur remisé dans sa poche, une montre qui tic tac inlassablement.

Le témoignage audio est tronqué.
Seule la première heure de jeu subsiste.
Hors de la portée des microphones, Alex a raconté la défaite de l'horlogiste.
Elle a donné les cloches tibétaines à Léo et Albert pour que la créature ne fasse plus d'eux une proie, (deux feuilles).
Puis elle a arraché son visage, et malgré les cris atroces de la bête, a enfoncé au plus profond de sa poche la montre qui était son regard, son empire sur le monde.
Xavier a beaucoup apprécié cette partie de Sève. Il est heureux de ses apports, (gravats et l'accompagnement musical).
Il regrette qu'Albert ne soit pas intervenu plus souvent.
Il est fier d'avoir interprété l'emprise du horla sur son personnage.
Il veut jouer la suite.
Alex a aimé cette partie notamment parce que Xavier était pleinement investi.
Elle veut jouer la suite, qui pour elle s'impose au regard de la profondeur qu'acquièrent les personnages.

Image

Nous avons convenu de jouer la suite sous les auspices bienveillants de Forêt dont Xavier a noté la quasi absence lors de cette session.


La conclusion s'est jouée sur deux interventions dans l'instance finale d'Alex :
Albert s'adresse à Léo : « écoute la bien, car même si c'est Petite, elle est une grande bien plus que nous ! »
Léo « Alors c'est Moyenne ».
Albert « Non ! C'est Petite, parce qu'elle restera toujours ma Petite pour moi, d'abord ! »
Le ton est resté celui de l'amitié et je pense que cela contribue grandement au ressenti en fin de partie.


Image
Xavier est Léo


Un poème source d'inspiration pour cette partie :

« La mouche est la pensée du vent
et le papillon
est jaloux de ses ailes
soudain devenues mortes
dans l’œil du chien »


Nous avons constaté, lors du bilan, que le poème de Xavier résume assez bien notre fiction :
Les arbres sifflent
dans le tremblement
des interrogations
Nos pas font la terre.

Image
Alex est Petite


Réponse de Thomas :

je vais écouter L'Horlogiste dès que je peux. Le récit est déjà très évocateur. Super utilisation des instruments de musique ! Et le poème de Xavier est très beau.


Commentaires de Thomas après écoute :

A. J’adore le témoignage d’enfance de son personnage par Xavier
B. Dans l’horlogiste, Venise est inondée et non asséchée comme dans l’Atlas (ce qui n’est pas un problème : tu sais que je ne suis pas un chantre de l’orthodoxie par rapport à l’univers « prescrit »)
C. En règle générale et ici en particulier, j’ai du mal à suivre l’intrigue, j’écoute plutôt comme une musique
D. C’est intéressant de laisser Alex décrire comment le bruit absorbe tous les autres
E. Un épisode qui sonne comme une fiction audio, encore plus que d’habitude
F. Les mots-clefs utilisés pour lancer le dé relèvent plus du registre poétique les objets mémoriels de Sève 2

Image

Claude :

B. Venise est engloutie par le moto undoso (phénomène contemporain d'entrées maritimes favorisées par le creusement du port à destination des super tankers qui ronge les soubassements de la ville).
Sa planche de salut est la forêt qui avance.
Les habitants pompent l'eau salée pour la rejeter à la mer et favoriser l'implantation des arbres qui acidifient le milieu et ménagent un avenir à la cité et aux hommes.

C. Je pense que l'intrigue est particulièrement embryonnaire.
L'adversité fluctue à mesure de la succession des instances dans la mesure où nous avons souvent omis de reprendre à notre compte les apports précédents.
Ce qui favorise une tonalité peut-être plus hörspiel.

Image

E. Je considère alors que l'essai est transformé.
La durée du oui souligne l'importance de ce temps de suspension de l'incrédulité, mais est aussi un hommage à une émission radiophonique de France Culture proposée autrefois par Irène Omélianenko et Thierry Beauchamp qui offrait une carte blanche pour une création radiophonique de 10 minutes à qui voulait s'en saisir.

F Ce n'était pas initialement prévu. J'ai beaucoup insisté au début de chacune des sessions pour que nous retenions un objet et que nous établissions un lien entre lui et un souvenir chargé d'émotions pour le personnage. Très vîtes les feuilles ont évolué pour ce focaliser sur un mot évocateur.
Revenir à l'idée initiale favoriserait sans doute l'émergence d'une intrigue ou d'enjeux plus identifiés.
Nous avons convenu de jouer sur le thème de la forêt bienfaisante lors de la prochaine session.
Ce sera probablement l'occasion de le mettre en pratique

Image
Outsider. Énergie créative. Univers artisanaux.
Ma page Tipee.
Avatar de l’utilisateur
Pikathulhu
Dieu d'après le panthéon
Messages : 3018
Inscription : dim. août 22, 2010 7:26 pm
Localisation : Morbihan
Contact :

Re: [CR] Millevaux et autres jeux Outsider

Message par Pikathulhu »

ON AVAIT DIT PAS LA FAMILLE

Deuxième voyage en double table vers la fantasmagorie forestière avec Batronoban

(temps de lecture : 13 min)

Le jeu : Cœlacanthes, l'abomination forestière

Joué au Festival Au-Delà Du Dragon, Montpellier, le 25/03/18 en double table avec Batronoban


Image
(C) Mysko


L'histoire :

Si la vie privée des joueuses n'a pas été utilisée contrairement au test précédent, je m'abstiendrai pourtant de résumer la fiction, parce que ce serait largement redondant avec le texte du jeu. Des morceaux de fiction sont néanmoins évoqués dans les commentaires qui suivent. Sachez donc que ce compte-rendu révèle quelques éléments de l'intrigue.


Feuilles de personnage :

Michel
Caucasien, moustache type bacchante, cheveux mi-longs, costume trois pièces, de carrure et d'allure moyenne.
Transformation ultérieure : recouvert d'écailles
Anti-sexuel
Rempli de fourmis, cafards, araignées
Glané en jeu : Mini-moi enfant

Maddie
Femme ? Androgyne, plutôt féminine malgré qu'elle soit osseuse et grande, vêtements amples type hippie, cheveux longs bruns
Transformation ultérieure : ne ressent pas la douleur
Nécro-sexuel.le
Baiser prédictif

Illegs Cusaimans (devenu ensuite Claire)
Mince, presque rachitique, blond et petit, la nourriture le révulse. Très alcoolique, avec un penchant naturel pour le vice et l'addiction
Transformation ultérieure : bisexuelle frustrée par son syndrome sexuel, jeune sans expérience, n'assume pas son corps.
Hypersexuel.le
Copieu.r.se de forme

Claire
Claire est une bisexuelle frustrée par son syndrome sexuel, assez jeune et inexpérimentée, elle est attirante mais plutôt réservée, n'assume et n'accepte pas son corps.
Nécrosexuelle, puis Antisexuelle
Remplie de fourmis, d'araignées, de cafards
Glané en jeu :
Pouvoir de tuer un cœlacanthe ou comprendre ses intentions.
Accompagnée par un humain de même visage, mi-homme mi-poisson (mort en cours de route)

Steve
regard étrange, paranoïaque et asocial
après transformation : femme-noix
antisexuel
hypnotique

Ronan
taille medium, germain, balafré et borgne
asexuel, puis hypersexuel, puis nécrosexuel
Redécouper les corps

Anna
Gentille mais froide, sur ses gardes, vigilante, peureuse (un peu). Grande brune élancée
Antisexuelle
Redécouper les corps

Dorzo
Immigré tchèque, flashbacks de la guerre, grand, blond, cheveux courts, barbu (nordique)
hypersexuel
machine à écrire-cafard qui injecte des visions du futur (humanifiée en cours de jeu)
enfant maléfique

Constance
Morbidement obèse, des traits empâtés. Longs cheveux roux et filasses. Teint pâle, beaux yeux noirs. Homosexuelle. Triste, apathique. Une intelligence très au-dessus de la moyenne.
Après transformation : euphorique.
Hypersexuelle
Redécouper les corps
Enfant hybride

Hektor
Petit et trapu, un peu chauve. Avec de grands yeux gris. Boucle d'oreille. Cuisinier. Pas de pouce.
Antisexuel
Baiser prédictif

Micka
Brillant, bienveillant, dur (David Tennant)
Hypersexuel
Copieur de forme
Enfant hybride


Durée :
3/4 h briefing + 3h de jeu


Défi :

Tester la version de Cœlacanthes amendée après les retours de l'équipe de relecture.

Cauchemars joués :

Par l'équipe de Thomas : III Les Abysses + IV Sous la Coupe des Horlacanthes
Par l'équipe de Batro : II La pourriture des souvenirs + V Les Corax
Par les deux équipes réunies : VII Le double maléfique, le supplice et la conception + X Vaincre les Abysses (les deux cauchemars ont été joués debout, d'affilée)
On a fait jouer la saynète de départ (chasse aux noix) et ensuite, plus aucune saynète : passage direct d'un cauchemar à l'autre.


La censure :

+ La pédophilie et la mort d'un proche ont été censurés d'office. La mort d'un proche, absente du bulletin de censure, mais rajouté par deux personnes différentes lors des deux tests, doit être rajoutée dans le bulletin et dans la liste de thèmes-choc des cauchemars. Ce thème est suffisamment récurrent et impactant pour que ça se justifie.
+ L'intime et le personnel ont été censurés. Je réalise lors du debriefing que la limite n'était pas claire entre les deux. Je vais sucrer l'intime, prendre le risque que ça choque d'avoir du drama in character (des défenses restent possibles, comme la possession ou l'extraction) pour me focaliser sur d'autres thèmes-choc. (donc le guide de censure et la grille de thèmes-choc des cauchemars sont à modifier aussi).
+ Sur la censure du thème « intime », j'ignore comment Batro l'a géré de son côté (il a fait jouer le cauchemar La pourriture des souvenirs, qui fait visiter les souvenirs des personnages) [Batro : - comme indiqué les souvenirs étaient des rêves dans ma maîtrise avec censure]. Pour ma part, j'ai eu surtout à censurer le thème dans le cauchemar des doubles maléfiques, quand les personnages arrivent dans l'arène de fusion qui est une maison hantée avec des photos qui représentent leurs meilleurs et pires souvenirs. J'ai dit aux joueurs concernés qu'il y avait plutôt des peintures qui représentaient les meilleurs et les pires des rêves de leurs personnages, et je les ai laissé les décrire.
+ Comme le thème « personnel » a été censuré, les joueuses ont créé des personnages vraiment fictifs. Du côté de ma table, j'ai beaucoup aimé leurs descriptions. J'ai omis dans mon briefing de leur demander d'incarner des clochards forestiers, donc elles ont imaginé des personnes de notre monde contemporain et la plupart ont inventé pour leur perso un historique de désaxé à base de recherche de sensations fortes. J'ai aimé aussi le fait que les syndromes sexuels aient été pris en compte dans les historiques ; laissant leurs personnages avec une histoire sexuelle assez douloureuse (les antisexuels sont morts et ressuscités lors de leur premier rapport, les nécrosexuels ont tué leur premier partenaire, et depuis les deux se sont abstenus de rapports, malgré leurs envie de passer à l'acte).
+ Le thème « enfantement » a été censuré. J'ai pu le gérer facilement dans Les Abysses, Sous la coupe des Horlacanthes et les doubles maléfiques (dans le premier, j'ai évoqué l'apparition d'un sosie-profond qui se met à suivre le personnage, dans le deuxième j'ai évoqué du clonage, dans le troisième l'apparition d'un enfant-totem suite à l'acte sexuel avec le double maléfique, ou la production d'un enfant-hybride-déchet suite à la fusion ratée avec le double maléfique), mais ça a posé problème dans le final dans le Méta-Monde lors du cauchemar Vaincre les abysses. Il faut à ce moment faire le décompte des enfants ramenés dans le Méta-Monde et s'ils sont en nombre insuffisant (ce qui fut le cas), le groupe - et l'univers - est perdu. Justement, j'ai peut-être omis quelques enfants lors du décompte. J'aurais vraiment dû demander aux joueuses combien de CRÉATURES accompagnaient leurs personnages. Par exemple, l'un des personnages était accompagné d'un sosie-profond qui était l'équivalent de son enfant, et je doute que le joueur l'ait mentionné quand j'ai demandé combien d'ENFANTS les accompagnaient. La censure du thème « enfantement » a rendu la notion de progéniture plus floue puisque justement je devais éluder les scènes de grossesse / accouchement et omettre de préciser que l'être engendré était l'enfant du personnage. Je pense cependant que même si j'avais bien fait le compte, trop peu d'enfants avaient atteint le Méta-Monde (et pour le coup si on avait eu le temps, ça aurait été intéressant de recommencer un cycle de cauchemars pour viser le happy end), mais je préfère relever ce risque : je vais un peu mieux écrire la question sur le recensement des enfants.
+ Le suicide a été censuré. Cela a été assez facile à faire, sauf au moment du Supplice (zone 7 du cauchemar VII). Pour s'échapper, il faut rester supplicié pendant 7 jours. J'ai permis à un personnage de s'échapper ainsi, mais c'était à la limite du suicide. Certes, grâce au baiser prédictif, le personnage avait appris que les suppliciés disparaissaient au bout de 7 jours : c'était un gros indice qu'on pouvait sans risque attendre la fin du supplice.
+ Il y a eu deux thèmes-choc rajoutés dans les bulletins de censure : la schizophrénie (mais cela n'a pas eu d'impact vu que ce thème n'est pas présent dans le texte du jeu, ceci dit c'était quand même bien de le censurer si la personne voulait éviter que des joueuses incarnent des schizophrènes) et Sarkozy (quand je fais mon briefing, je dis un truc du genre pour briser la glace : « si vous avez la phobie des caniches, rajoutez-les dans la liste des thèmes-choc ». Certaines personnes ont d'autres phobies :) )
+ J'étais très content qu'autant de thèmes aient été censurés. Je pense que ça laisse certains regrets à quelques personnes, mais ça m'a prouvé que le jeu conservait un intérêt même après une censure forte. Certaines scènes-choc, après censure, se paraient d'une aura symbolique (par exemple les viols remplacés par des ponctions / injonctions de sang) qui éveillait le questionnement et la curiosité et comportaient leur part de malaise.


Commentaires de l'équipe :

+ On a pas vraiment eu de debriefing commun car comme on avait débordé le temps qu'on s'était fixé au départ, on a donné congé au groupe après la récolte des adresses mail et le rangement. Mais j'ai eu quelques discussions de debriefing plus ou moins longue avec des personnes ensuite, des qui ont participé à la partie, et d'autres non, avec qui j'ai simplement échangé sur mon ressenti.
+ Sur la notion de fantasmagorie érotique, on me conseille la lecture de Derrière la Porte, une sorte de livre dont vous êtes le héros dans un univers onirique érotique. Intéressant.
+ On a eu à nouveau ce débat, pour savoir si le thème-choc « personnel » (s'il n'avait pas été censuré) aurait été plus facile à jouer entre des personnes proches ou avec des inconnus. S'il y a des tenants des deux côtés, je crois qu'on tombe tous d'accord pour dire que le groupe le plus difficile à faire jouer ce thème, ce sont des connaissances occasionnelles.
+ Certaines personnes regrettaient que le thème-choc « personnel » ait été censuré, elles auraient voulu tester (tout en respectant le fait que ça a été censuré, je crois d'ailleurs qu'une des personnes qui a émis ce regret avait justement censuré le thème, parce qu'elle avait été inscrite sur la partie sans connaître le pitch, et n'avait pas eu le temps de réfléchir aux implications). On a eu un long débat sur ce que ça impliquerait (notamment sur l'impact des autres thèmes-choc).
+ On me propose de remplacer les oui / non binaires du bulletin de censure par quelque chose de plus nuancé (notation sur 5 par exemple). Mais ça me semble trop compliqué. J'ai déjà l'impression que Cœlacanthes est le Rolemaster de la sécurité émotionnelle, alors je vais éviter d'en rajouter.
+ D'après une joueuse, le côté fantasmagorique / onirique fait qu'on a des comportements qu'on aurait jamais autrement, notamment sur le plan sexuel. J'en suis bien convaincu. Le côté tactique du jeu doit aussi l'encourager, parce qu'on est tenté de tester un maximum de choses pour trouver la solution du cauchemar.
+ Batronoban me fait plusieurs retours : le briefing lui paraît trop long (ce que j'ai interprété par : trop de règles) et les saynètes inutiles (c'est une impression à la lecture, puisqu'à sa demande, on a joué sans). Certaines zones ou cauchemars lui paraissaient aussi trop complexes. Je pense que je vais néanmoins assumer que :
1° Cœlacanthes est un jeu avec de nombreuses mécaniques (davantage que son ancêtre Carcère)
2° Je trouve que les saynètes présenter l'intérêt de constituer des scènes d'introspection et permettent d'en apprendre davantage sur les personnages. Mais je maintiens leur caractère facultatif. En temps limité, c'est bien de s'en passer.
+ Une petite discussions s'est ensuivi avec d'autres auteur.e.s sur la sécurité émotionnelle et j'ai réalisé, en écoutant leurs témoignages, qu'il y avait plus hardcore que moi sur le contenu des scènes-choc et surtout leur âpreté et leur niveau de détail. Mais j'avoue que je suis loin de le prendre comme un défi. Je crois que mon emploi des thèmes-choc a un but esthétique, je suis loin de rechercher à tout prix une intensité émotionnelle ou moral extrême. On va dire que mon réglage par rapport par exemple à des GN comme Nexus 6 (avec torture physique et psychologique sur les personnages et attrition importante sur les joueuses) est ce que le heavy metal est au black metal. Je suis sans doute plus à la recherche de symboles forts que d'émotions (très) fortes. Je crois que je pourrais les encaisser en tant que joueur. Encore que mon expérience sur Apocalypse World m'a prouvé que j'avais mes limites. J'aurais sans doute besoin de construire une confiance forte avec les autres participantes avant de me lancer.) mais en tant qu'auteur mes intentions sont ailleurs.
+ En débrief avec les auteur.e.s, quand j'ai énuméré toutes les techniques de sécurité émotionnelle, on m'a fait remarqué que j'étais pas si extrême que ça (notamment du fait que j'interdis les descriptions des actes de sexe et de torture) et je pense que oui, en effet, Cœlacanthes est un jeu mid-extrême, pas un jeu extrême-extrême comme au hasard Zombie Porn, Nexus 6 ou le supplément Wraith sur les camps de concentration. Le second degré omniprésent le rend même moins vénéneux qu'un Kult. Bien sûr, le fait de se jouer soi-même peut tout changer et faire monter l'intensité en flèche. Mais je pense par ailleurs qu'il y a suffisamment de sécurité émotionnelle et d'humour autour pour que ça soit largement supportable.


Retour personnel :

A la fin de chaque cauchemar, les nécrosexuels sont censés échanger leur syndrome avec un personnage de leur choix. Mais j'ai le sentiment qu'ils choisiront alors toujours un personnage hypersexuel (même si ce syndrome est aussi risqué que l'antisexualité, il est moins tentant). Je vais rectifier la règle et dire que le nécrosexuel échange avec un personnage non nécrosexuel au hasard.

Je réalise que j'ai encore oublié quelques règles (ainsi à la fin du cauchemar 7 j'ai oublié de demander si les hypersexuels avaient eu des rapports, et j'ai sans doute oublié d'enlever quelques noix pour d'autres mortalités), mais je pense que ça ne prête pas à conséquence. C'est sans doute plus facile de penser à toutes les règles quand on joue dans des conditions moins speed que celles qui ont été les nôtres.

J'ai tenté de rédiger les cauchemars pour qu'un maximum de choses puisse se résoudre sans jeter les dés ou passer par l'arbitrage de la Magicienne. Pour autant, j'ai finalement jeté les dés quand les personnages affrontaient leurs doubles maléfiques. Je vais voir si je peux rédiger mieux les choses de ce côté.

Je réalise que le temps de mise en place de chaque cauchemar est long (10 minutes pour ma part) si on est exhaustif dans sa description. Batro était plus court mais je pense qu'il a zappé des descriptions. Au final, il a pris une telle avance sur moi qu'il avait fini ses deux premiers cauchemars alors que j'achevais seulement la mise en place du deuxième. Du coup, il a improvisé un mini-cauchemar hypnotique le temps que je le rattrape. [Batro : l'ajout impro que j'ai fait consistait en une ré-explication collective de l'intrigue afin que les joueurs s'approprient l'histoire au milieu du chaos narratif de Cœlacanthes, mélangé à quelques actions des joueurs (une a voulu voler au dessus des arbres, j'ai donc improvisé quelques scènes avec le cut-up, ce qui a donné un escalier en spirale interdimensionnel, d'où le fait qu'elle soit apparue sur ta table)]

J'ai pu tester le cauchemar Sous la coupe des Horlacanthes. J'ai été satisfait du résultat. C'était moins violent que prévu (notamment du fait de la censure de certains thèmes) mais je pense que l'impact était là. On m'avait suggéré en relecture que ce cauchemar, avec le cauchemar La Maison Carogne, était trop sérieux et glauque par rapport aux autres, plus fantasmagoriques et symboliques. Je pense qu'en jouant, le contraste est en fait moins violent qu'à la lecture. Et notamment, ce qui tempère la dureté du cauchemar, c'est le côté tactique du jeu : l'équipe se concentre sur la recherche de l'échappatoire et du coup on a moins le temps de s'apitoyer sur ses malheurs. Cette recherche de l'échappatoire fait des personnages des protagonistes actifs qui ont un espoir concret (celui de s'échapper) et non des victimes qui ne font que subir (contrairement aux êtres dont le sort a inspiré ce cauchemar).

J'ai un bug dans le cauchemar des doubles maléfiques. Quand on fusionne avec le double maléfique, il est censé ne rien se passer : pas d'échappatoire. J'ai réalisé en cours de jeu que c'était problématique parce qu'une initiative de jeu est sanctionnée par un résultat médiocre. Alors, voici ce qu'on a improvisé : après la fusion, une partie du siamois se détache du corps et donne un enfant hybride (avec des bouts de personnage et des bouts de double maléfique). A la fin du jeu, le groupe a échoué parce qu'il a ruiné les trois échappatoires (ils ont tué le Cœlacanthe de l'eau au lieu de lui livrer la Magicienne ; ils ont tué le Cœlacanthe de Feu mais sans lui parler - or il fallait lui parler, plaider la cause de l'humanité pour déclencher l'échappatoire - ; et enfin ils sont remontés dans le Méta-Monde mais avec trop peu d'enfants. C'était très sympa de faire ce final mortifère en se tenant les mains. Bref, ce final malheureux m'a confirmé que la fusion devait aboutir sur un enfant, sinon les chances de réussite au cauchemar final sont trop minces.


Retour à froid de Batro :

- autres retours après partie : nos styles de maîtrise différent trop : toi très tranquille, moi très rapide :) ça a perturbé les joueurs avec une cassure de rythme importante [Réponse de Thomas : Pourtant j’ai transpiré comme un cochon durant ce test ! Je pense que c’est dû au fait que tu fais des phrases beaucoup plus courtes. Après, on peut aussi se dire que ça fait partie de l’intérêt du double table, ces maîtrises différentes.]

- certaines scènes dans le cauchemar X manquaient d'agentivité pour les joueurs

- il était à mon sens impossible de vraiment enlever le thème de l'enfantement au vu des nombreuses références et scènes intégrées dans Cœlacanthes


Retour à froid de la joueuse de Constance :

1) La mise en place.
Tu me disais sur Tipeee que les conditions d'organisation étaient chaotiques. Très sincèrement, cela ne s'est pas senti : au contraire, même, j'avais le sentiment que la planification était très aboutie (coup de bluff ?).
Pour ce qui concerne les bulletins de censure, je ne peux que saluer l'initiative bien trop rare. La notation sur une échelle de 1 à 5 qui t'a été suggérée est intéressante mais... Les qualités d'improvisation que requièrent cette initiative sont déjà suffisamment conséquentes pour qu'il ne soit pas nécessaire de s'encombrer de nuances et de calculs supplémentaires. Et si tu souhaites réduire le temps de présentation, c'est peu judicieux.
La nuance entre intime et personnel m'a semblé relativement claire dans la mesure où s'émouvoir de soi et s'émouvoir de son personnage sont deux choses assez clairement distinctes. Peut-être ce un problème de lexique ?
Une mesure supplémentaire qui peut, je pense, évacuer ce problème est le safe word, qui, s'il nuit à l'immersion, nous prémunit contre l'anticipation de tous les points de fragilité des joueurs.

2) La mise en scène.
C'était franchement bien. Les va et vient entre les lieux et les tables, les transformations successives des joueurs, ont vraiment accentué la dimension onirique de l'expérience de jeu.
J'avais vraiment l'impression d'être dans l'un de mes propres cauchemars : vous avez su créer un genre de sentiment de discontinuité, à nous perdre.

3) Le jeu
C'est génial. Je vais le lire. J'aime beaucoup le principe.
Je ne sais pas si la question de savoir « si » le jeu est ou non absolument trash, soulevée dans le compte-rendu, est véritablement pertinente dans la mesure où chaque type d'horreur joue sur des ressorts différents dont les effets sont bien plus tributaires du public que du jeu lui-même.

4) Ce que j'en retiens.
Beaucoup d'inspiration. Je n'avais jamais vraiment été de ce côté du miroir. Maîtrisant plus que je ne joue, et ne jouant qu'aux jeux classiques que proposent mes amis, j'étais en général la préposée aux jeux aux ressorts psychologiques qui impliquait des mises en scènes (musique qui donne des indices, partie entièrement dans le noir, test de Rorschach, jeu de cache-cache etc). Mais je n'avais jamais fait l'expérience de ce genre de procédé en position passive et j'ignorais donc relativement tout de leurs effets, j'ignorais la difficulté qu'il y avait à participer à la construction du jeu en décrivant par exemple, un objet symbolique pour nous qui se situerait dans la pièce. Ce fût assez déstabilisant, mais très très fertile pour ce qui me concerne.


Retour de la joueuse de Maddie :

Merci beaucoup pour le retour, haha quelle équipe, on a buté tout le monde ^^.


Pour ma part j'ai trouvé le coup des noix génial. Intégrer cette organicité au jeu c'est super (ça fait parties de mes pulsions ++ ) en mangeant la noix, on peu s'imaginer les différents effets physiques que ça pourrait provoquer. Aussi, quand on était entrain de chercher les noix dans la salle, il y avais des pots avec des plantes autour de la caravane, j'ai enfoncé mes doigts dans le sable humide, c'était trop agréable, limite je cherchais pas vraiment les noix ^^, je me perdais dans la sensation. Mais bon j'avais trop peu dormi aussi, ce qui facilite l'etherité ^^


J'ai partagé mes retour avec Batro, plutôt en ce qui concerne la rythmique globale de la partie (la c'est la metteuse en scène qui parle), il y aurai des petits trucs à revoir pour que ce soit plus fluide et que personne n'ai le temps de trop réfléchir en attendant son tour (je pense particulièrement aux lieux puzzle).


Étant donné que toi et Batro ne portez pas a même temporalité, il serait bien de construire le déroulement de la partie en s’appuyant sur vos différentes rythmicité de mastering. (c'est une vrai richesse)


Il y a eu des petites pertes de temps qui je pense étaient seulement dues au fait que vous n'aviez pas répété, au théâtre nous faisons des « allemandes », ce sont simplement texte + déplacements, pour se rendre bien compte de tout les petits détails pratiques. ( Je pense que c'est important de le faire une fois pour des parties de cet ampleur).

Par exemple prévoir précisément les temps d'installation couplé avec du mastering (un installe, l'autre introduit)


Ensuite, je me disait que ce serait peut être sympa de faire des mini fiches, pour mj volant, ou mj temporaire. Pendant les cauchemars avec les lieux puzzle quand nous étions debout, j'ai cru comprendre qu'il y avais des lieux qui étaient plus des lieux de passage que des lieux de défis, même si il y a du défis, au final il n'y a pas beaucoup de choses différentes a faire ou a explorer comme le lieu du supplice par exemple. Ma proposition c'est de repérer les joueurs qui sont à l'aise et qui s'impliquent facilement, et leur donner une fiche avec les indications pour masteriser seulement un lieu. Premièrement, ça fluidifierai le rythme de la partie, ça vous faciliterai le travail, ça occuperai les joueurs les plus investis et ça laissera plus de place à ceux qui ont du mal à se mettre en avant. Personnellement j'ai volontairement joué a la joueuse « timide » qui attend son tour, et je n'ai pas eu beaucoup de choses a faire comparé aux joueurs qui venaient d'eux même vers vous. L'idée ici est d'aller vers un meilleur équilibre dans la répartition du temps de parole des joueurs (question égocentrique, pourquoi le supplicié qui s'en sort ne gagne pas d'enfants ? haha).


Pour ce qui est de la mise en abîme et du méta-jeu, il vous faudrait des costumes ! x) Ce serait classe et encore plus prenant. Et j'ai hâte de vous voir en ouitch androgyne.


Pour ce qui est de la sécurité émotionnelle, oui c'est safe safe je trouve, quand on compare avec la partie de la partie de Terres de sang et la partie d’Inflorenza de la veille. Sans le chercher forcement il a des choses extrêmement personnelles qui sont ressortie pendant ces parties, j'imagine assez facilement que ça a pu être le cas pour les autres joueurs.
Outsider. Énergie créative. Univers artisanaux.
Ma page Tipee.
Avatar de l’utilisateur
Pikathulhu
Dieu d'après le panthéon
Messages : 3018
Inscription : dim. août 22, 2010 7:26 pm
Localisation : Morbihan
Contact :

Re: [CR] Millevaux et autres jeux Outsider

Message par Pikathulhu »

LA POUBELLE DU MULTIVERS

Désavoué, l’agent-mouche Haze se la joue en solo et part en enquête à l’aveuglette dans les recoins les plus sordides du multivers, où Millevaux progresse toujours plus. 4Ème épisode de la campagne solo Millevaux / Trilogie de la Crasse par Damien Lagauzère !

(temps de lecture : 37 min)

Cette partie débute par un rêve d'Anton Vandenberg et un entretien avec le Dr Mugwump joué avec les hack de Pour La Reine mis en ligne par Matthieu Bé. Elle a pour cadre La Trilogie de la Crasse de Batro et Christophe Siébert ainsi que la RIM du même Siébert. Il y a aussi des bouts du Millevaux de Thomas Munier ainsi que quelques uns de ses Vertiges Logiques. Et enfin, dans le désordre, j'ai aussi joué avec Grey Cells, Good Society, Synthetis, Silent Hill, Bois-Saule et j'espère ne rien avoir oublié !

Le jeu principal : La Trilogie de la Crasse, par Batronoban et Christophe Siébert, multivers crapoteux pour humanoïdes abusifs.

Avertissement : contenu sensible (détail après illustration)

Image
Pacific Southwest Forest Service, USDA, cc-by

Contenu sensible : tentative de viol


Parties précédentes de la campagne Millevaux / Trilogie de la Crasse :

1. [La Trilogie de la Crasse] La Reine de la Crasse
Première partie d’une nouvelle campagne Millevaux solo-multisystèmes, en crossover avec la mythologie de la Trilogie de la Crasse et la ville crapoteuse et hallucinée de Mertvecgorod née sous la plume de Christophe Siébert. Où un simple exécutant s’entiche pour la victime qu’il doit convoyer et tente l’impossible pour la retrouver.

2. [S’échapper des Faubourgs] Tuer Précieuse
Une incursion dans un sous-monde où à la fois l’univers de Cœlacanthes et le thème des femmes au destin tragique envahissent tout.

3. [Grey Cells] Le coût d’entrée
L’agent-mouche décide de partir dans Millevaux pour sauver le monde même si tout le monde s’en fout… et quoi que ça puisse lui coûter.

XxXxX


L’histoire:

Dans le bus numéro 6, il n’y a personne à part moi et le chauffeur.
Dans le bus numéro 6, il fait une chaleur d’enfer.
À tel point que j’ai viré mon manteau et mon gilet.
Soudain, le bus numéro 6 s’arrête. Et je sens que c’est mon arrêt. Alors je fonce vers la porte. Sans prendre le temps de récupérer mon manteau. Déjà les portes se sont refermées, et le chauffeur a redémarré. Je me mets à courir derrière le bus numéro 6 comme un dératé. J’ai l’impression que ça dure des heures. Mais bien sûr je ne le rattrape pas.
En revanche, je suis sorti de la ville.
Je me retrouve sur la place principale d’un village ceinturé par la jungle.
Au centre de la place, une grande case. Devant la case, une demi-douzaine de femmes noires. Assises à même le sol. Enchaînées les unes aux autres.
OK. Alors là ça va pas être possible, je me dis.
En serrant les dents, j’entre dans la case. Qui se révèle un hôtel tout ce qu’il y a d’occidentalisé. Bon. Je ne m’en formalise pas plus que ça. Il y a plus urgent. J’avise le réceptionniste. Lui demande où se trouvent les toilettes. Poli comme une pierre, le gars m’indique le couloir à droite. Couloir dans lequel je m’engage aussitôt.
Derrière la dernière porte verte sur la gauche, un cri atroce.
Derrière la porte entrouverte il y a une espèce de serpent volant qui rampe sur le mur, et j’ai l’impression qu’il me sourit.
Et il y a un type barbu avec dans la main un horrible fouet, qui ressemble à un fléau. Il le brandit et s’apprête à frapper une femme avec.
Je gueule.
SALE PUTAIN D’ENFOIRÉ DE TES MORTS, JE VAIS TE L’ARRACHER, TA SALE BARBASSE DE MERDE, ET TE LA FAIRE BOUFFER POIL PAR POIL.
Instantanément, le mec se fige. Et lâche son arme.
Le téléphone sonne.
C’est pour vous, dit l’affreux.
Je décroche sans chercher à comprendre.
À l’autre bout du fil, une femme avec un accent créole. Qui me parle en français. Et me dit qu’on a retrouvé mon manteau.
Je lui demande comment elle m’a retrouvé. Comment elle connaît mon nom. Comment elle sait que ce manteau m’appartient. Comment elle sait que je suis ici, bordel.
Nous avons un dossier sur vous, elle me répond. Sur vous et votre famille. Depuis la première guerre mondiale.
Plus d’endroit où fuir.
Plus de trou où disparaître.
Le monde est devenu trop petit.
Bob Morane est mort.


Alors, Docteur, osez me dire que ce rêve n'est pas plein de sens cachés ! Cet Anton fait des rêves. Ils ont un sens pour lui mais un autre pour moi. Ses rêves sont des messages, assurément ! Déjà, dès le début, le chiffre 6 est mentionné 4 fois ! 6666 ! allez, de 6666 à 666 il n'y a qu'un pas que j'ose franchir. Et puis, la référence à cette chaleur. C'est évident, non. C'est une référence à l'Enfer. C'est tiré par les cheveux, j'en conviens. Mais c'est un rêve aussi. Donc, rien n'est forcément aussi clair que si tout cela avait dû être énoncé consciemment. Et la jungle ? C'est une forêt. C'est Millevaux, bien sûr ! Alors ? Est-ce que ce rêve n'est pas une mise en garde contre cette forêt infernale qui nous menace. Certes, j'ai réussi à éloigner cette menace et... vous savez comment, mais pour combien de temps. Vous noterez, Doc, que cette jungle onirique encercle un hôtel tout ce qu'il y a de plus occidental. C'est ce qui me permet de voir dans ce rêve Millevaux encerclant la RIM. Et ce serpent volant rampant sur le mur, ça ne vous rappelle rien ? L'ombre d'herbe et de plumes sur laquelle je suis tombé à l'intérieur du WereWorld. Je n'en ai pas fini avec ce truc ! Même cette femme à l'accent créole ! C'est une référence au vaudou ! Et qui dit vaudou, dit les Lwas. Et le Joueur sait bien que derrière les Lwas il y a la Loi et les hors la loi... les Horlas ! C'est encore une mise en garde contre Millevaux. Et si Anteros s'était foutu de ma gueule ? Et s'il n'avait jamais été question d'envahir notre monde ? Et si vraiment, il n'y avait...
Plus d’endroit où fuir.
Plus de trou où disparaître.

Vous pensez vraiment que...
Le monde est devenu trop petit ?

Elle a dit qu'ils ont un dossier sur moi. J'ai peur.

Hein ? Ce que j'ai dû sacrifier pour occuper ce poste ? Je ne sais pas trop quoi répondre car... en réalité, j'aime ce job ! Alors peut-être que j'ai sacrifié un certain confort. Un confort matériel mais aussi un confort intellectuel ou spirituel. Mais, en vrai, j'aime ça. Donc je n'ai pas le sentiment d'avoir sacrifié quoi que ce soit. En fait, j'ai plus l'impression que le sacrifice véritable est à venir et que ce que m'a fait subir Anteros n'est pas grand chose à côté de ce qui m'attend.
Ce que je cherche à préserver au sein de l'équipe ? Ma place ? Bof ! Pas vraiment. En vrai, je ne sais pas si c'est ça que je cherche. Si vous parlez de Black Rain comme d'une équipe, en vérité je m'en fous un peu. Black Rain n'est qu'un moyen comme je ne suis qu'un moyen pour Black Rain. En fait, je pense plutôt que ma véritable équipe est en cours de formation. Elle inclurait Corso bien sûr mais peut-être, aussi, Lewis-Maria. Ce cafard n'est peut-être pas aussi pourri qu'il en a l'air. À nous trois, on devrait pouvoir faire quelque chose de bien, je pense... J'espère. On verra.
Quoi ? Moi ? Une réputation sulfureuse au sein de Black Rain ? Vous rigolez Doc ? Je crois surtout qu'on me prend pour le dernier des abrutis. Je ne suis même pas sûr qu'on m'a vraiment cru quand j'ai raconté ce qui m'est arrivé avec cette incarnation d'Anteros. Je ne serais pas surpris que certains pensent que j'ai juste voulu faire mon intéressant ! Enfin, passons...
Une boisson ? Je ne prépare aucune boisson, Doc. À quoi pensez-vous ? Au Foutre de Mouche ? C'est malin ! Ne m'attirez pas d'emmerde, s'il vous plaît. Pour l'instant, personne ne m'est tombé dessus à ce sujet et j'aimerais bien que ça continue. Vous n'êtes pas sans savoir que certains agents de Black Rain sont mort à cause de ce trafic. J'aimerais que cela ne m'arrive pas.
Si j'ai un plan pour survivre au cas où... En vérité, je n'ai aucun plan. Si Antéros, Millevaux, Shub-Niggurath ou Dieu sait qui d'autre devait envahir notre monde, je crois que je tenterais juste de me tirer dans un autre monde, le plus loin possible.

Aujourd'hui, je rends une petite visite à Lewis-Maria. Maintenant qu'il ne retient plus la Reine captive, je me rends compte que je l'aime bien. Et je me rends compte aussi que son petit zoo privé contient des pensionnaires tous plus intéressants les uns que les autres. En effet, certains viennent de la RIM mais beaucoup sont aussi issus d'autres mondes. Explorer leurs mémoires permet d'en apprendre pas mal sur ces univers-là. Tous ne sont pas répertoriés par Black Rain et ça me permet de recueillir les coordonnées de réalité à explorer. Des sources d'informations, des bases de repli au cas où. Et puis, le cafard se révèle plutôt sympathique et intéressant. Comme il a visité les mémoire de chacun de ses pensionnaires, il est au courant de plein de trucs et a plein d'histoire à raconter. Par contre, je n'en dirai pas autant des Soars qui l'entourent. Enfin, de certains Soars. Je ne les connais pas encore très bien mais je crois que certains sont plus louches que d'autres et qu'ils jouent double voire triple jeu. Lewis-Maria leur fait confiance puisque, officiellement, ils sont tous alliés contre l'Entropie mais, moi, je me méfies quand même. Surtout de celui qui se fait appeler Trevor. Lui, il ne me plaît vraiment pas.

Ce matin, c'est le bordel ! Je me rends dans les locaux de Black Rain afin de consulter la liste des mondes répertoriés. En fait, j’hésite à la compléter avec les coordonnées que m'a donné Lewis-Maria. Le cafard n'est pas idiot et il sait bien qu'il y a de grandes chances que j'en parle à Black Rain. C'est mon job. Peut-être qu'il espère s'attirer une certaine bienveillance de la part de Black Rain. Peut-être qu'il pense qu'en nous lâchant quelques informations on lui fichera la paix. Alors, est-ce que je dois jouer le jeu ?
Non ! Je ne jouerai pas le jeu. Je garderai ces informations pour moi car j'ai un problème plus urgent à régler. Je me suis fait refouler de Black Rain. D'après le gars à l'entrée, je ne fais pas partie des effectifs. J'ai insisté et suis quand même parvenu à obtenir qu'on me laisse entrer. Là, il s'est avéré que personne n'avait jamais entendu parler de moi. Personne ne m'a reconnu. Pour le coup, j'ai lâché assez d'informations pour convaincre le chef de vérifier ses fichiers. Je suis bien dedans. Il a même trouvé les rapports de mission que j'ai rédigés. Il n'y a donc aucun doute quant à mon appartenance à Black Rain. Mon dossier est à jour. « Nous avons un dossier sur vous, elle me répond. Sur vous et votre famille. » Tout est en règle. Sauf que... personne ici ne se rappelle de moi. C'est comme s'ils avaient tous perdu la mémoire. Ou plutôt, c'est comme s'ils m'avaient oublié moi, juste moi. Et soudain, j'ai chaud. Très chaud. Je me sens mal. J'étouffe. Je regarde autour de moi...
Plus d’endroit où fuir.
Plus de trou où disparaître.
Le monde est devenu trop petit.


À reculons, je me dirige vers la sortie. Personne ne cherche à me retenir mais je lis quelque chose qui ne me plaît pas dans le regard du chef. Il passe là une ombre. Une ombre serpentine faite d'herbes et de plumes...

J'erre dans les rues. Au loin, le soleil se reflète dans les façades de l'Ultramarin. Et j'y vois courir cette ombre serpentine faite d'herbe et de plumes. Je repense à Quetzalcóatl évidemment, mais à la sauce forestière. Et avec la mycose qui court le long de mon bras, je vois là les champignons qui l'accompagnent. L'ombre de Millevaux plane sur la RIM. Les Horlas sont à nos portes. Cette amnésie me concernant qui frappe tout le monde au bureau n'est pas un hasard. Trevor est louche. Le chef aussi. Et c'est dans ses yeux que j'ai vu courir le serpent. On nous cache des choses à Black Rain. NeinUnd a parlé d'une opération militaire. J'ai pensé à un plan secret contre l'Entropie mais... et si le chef avait ses propres plans ?
Je soulève les manches de ma veste et ma chemise et explique à la mycose que je vais avoir besoin d'elle. Ça me gratte. Elle a compris. Je ne sais pas en quoi elle peut m'aider à filer le chef mais on ne sait jamais. Sauf que les heures passent et le chef ne quitte pas les locaux de Black Rain. Et la mycose perd patience. Elle me le fait savoir en se « resserrant » autour de mon bras. Je ne sais pas comment elle fait ça mais ça fait très très mal. OK, j'ai saisi le message. Va falloir chercher ailleurs.
Je ferme les yeux sous l'effet de la douleur et, quand je les ouvre, je le vois. Un homme à moitié à poil et peint en vert. Il me sourit et me tend la lance qu'il tient dans la main. Et j'ai un flash alors même que je m'en saisis.
Je vois... une forêt... et un arbre aux branches calcinées. Quand j'en fais le tour, je vois un miroir incrusté dans le tronc. Des lumières y dansent, formant des figures totalement aléatoires autour d'un centre indéfini. Cela me fait penser à un attracteur étrange. Aucune figure nette ne se dessine mais, quand je tente de reconstruire mentalement le trajet de ces lumières, je crois deviner la forme du serpent d'ombre, de plumes et d'herbe. Ce truc m'aurait suivi jusqu'ici ? Est-ce sa faute si tout le monde m'a oublié à Black Rain ou est-ce une manigance du chef parce que je commencerais à saisir certaines choses ? Je fais le tour de l'arbre, espérant trouver le type en vert. Il est là et jubile. Je lui tend sa lance mais il refuse de la prendre. Il me montre le miroir. Là, une image se forme et je vois le chef dans un... tombeau. Il est mort ! Je ne reconnais pas cet endroit mais on dirait un de ces vieux monuments de Mertvecgorod. On dirait qu'il va falloir que je fasse la tournée des cimetières. Et m'assurer, aussi, de ce que le chef est bien mort.
Et la vision s'achève subitement ! Le type en vert a disparu mais j'ai toujours la lance entre les mains.

Je fonce chez moi. On me regarde bizarrement avec ma lance à la main mais on me fiche la paix. Ce n'est certainement pas la chose la plus bizarre que verront les gens aujourd'hui. Dans le hall de mon immeuble, je bifurque vers le local poubelle et me fiche devant la caméra de surveillance de Lewis-Maria. La porte secrète s'ouvre.
Dans le petit salon où m'attend le cafard, je ne me sens pas très à l'aise. Trevor est là et je ne sais pas si je vais pouvoir parler aussi librement que je ne le souhaitais en arrivant. Je laisse le silence s'installer. À Lewis-Maria de le rompre.

« As-tu vu ce western, « Braquage dans le désert de pierres » ? C'est l'adaptation d'un bouquin de Franck Masson. Ce qui est fascinant dans ce film, comme dans le livre, c'est que le désert de pierres n'en est pas vraiment un. Ou plutôt, ça change. La forêt, sans y parvenir toutefois, tente d'envahir le désert. C'est plus qu'un simple western. C'est une... métaphore. Tu saisis ? »

Évidemment, je n'ai ni lu ce livre, ni vu ce film. Mais, la présence de Trevor m'incite à enchaîner. Je ne sais pas pourquoi mais j'ai l'impression que Lewis-Maria tente de me dire quelque chose malgré la présence du Soar. Aussi,

« Oui, mais euh... Je n'ai pas bien saisi la dernière scène. »

Je resserre ma poigne autour de la lance. Je sens le regard du cafard mais n'y vois pas de convoitise. C'est tout l'inverse pour Trevor. Il veut cette lance !

« La scène finale..., enchaîne le cafard. Sur la place principale de cette petite bourgade, avec le collecteur de taxe enchaîné. Il est têtu, hein ? Il voulait prévenir la victime, réconcilier ceux qui s'étaient déchirés. Mais, c'est là que réside la métaphore. Qu'est-ce qui était vraiment déchiré ? C'est pour ça que le film s'achève sur ce plan sur les nuages qui s'écartent pour laisser passer un rayon de soleil... un peu comme la main de Dieu. Tu comprends ? »

Je comprends surtout que les choses peuvent mal tourner si je m'entête à rester là. Je pense vraiment que Lewis-Maria, s'il ne sait rien, se méfie au moins autant que moi de Trevor. Non, il doit forcément savoir quelque chose. Normalement, lui et les Soars sont alliés. Mais peut-être que Trevor fait cavalier seul ou qu'il a retourné sa veste et s'est mis au service de l'Entropie.

De retour chez moi, je repense aux mots du cafard. Le désert que tente d'envahir la forêt. Ça, c'est Millevaux. Le final, sur la place principale... la place principale de Mertvecgorod... ça peut autant être la Zona que l'Ultramarin. Mais c'est sur la façade de l'Ultramarin que j'ai vu courir l'ombre du serpent de plumes et d'herbes. Le collecteur de taxe enchaîné et têtu. Un fonctionnaire, un officiel. Un membre de Black Rain ? Le chef ? Le chef tentait-il de réconcilier quelqu'un, jouait-il l’intermédiaire entre deux factions ? Mais lesquelles et pourquoi ? Mais qu'est-ce qui était réellement déchiré ? Les nuages... Là encore, c'est une métaphore. Quelque chose s'est déchiré, mais pas forcément des gens. Et le chef aurait tenté de réparer tout ça ? Et il en serait mort ?
Si j'interprète correctement ce qu'a essayé de me dire Lewis-Maria, le chef est mort car il aurait tenté de refermer une brèche entre notre monde et Millevaux. Et le serpent d'ombre l'aurait tué. Si j'ai raison, le tombeau où j'ai vu son corps est peut-être un lieu clé de cette histoire. Et l'ombre que j'ai vu dans le regard du chef n'était pas le signe de sa traîtrise mais de ce que le Horla l'avait déjà trouvé. Ou alors, c'est moi l'officiel, le collecteur. C'est moi qui vais devoir refermer cette brèche que le chef, volontairement ou non, sous l'influence du Horla, a tenté d'ouvrir.
C'est ce qui est pénible avec cette culture du secret chez Black Rain, c'est qu'on ne sait pas et qu'on ne peut pas savoir. Alors, mon chef avait-il ses propres plans, ses propres directives dont il ne nous a rien dit ? Avait-il retourné sa veste au service de l'Entropie ou était-il involontairement tombé sous la coupe d'un Horla ? Et l'amnésie qui frappe Black Rain à mon sujet, quel sens cela prend maintenant ? Quelque chose ou quelqu'un a-t-il essayé de m'éloigner de tout ça, de quoi ? C'est pas comme si j'étais la Mouche la mieux vue du bureau...

On frappe. À travers le judas, je reconnais Trevor. Le Soar n'a peur de rien pour se trimballer comme ça dans le couloir. Il a l'air plutôt décontracté. À sa place, avec une tête pareille, j'aurais trop peur de tomber sur quelqu'un. Bref, j'ouvre la porte et le fais rentrer en vitesse. Il jette un œil autour de lui, appréciant la déco, ou plutôt l'absence de déco. Je lui propose un café. Il accepte mais précise qu'il serait ravi si celui-ci était un peu... chargé. Je comprends l'allusion et fouille parmi les quelques bouteilles d'alcool en ma possession. J'ai du Porto. Je ne sais pas si ça se marie bien avec le café mais ça a l'air de lui convenir.
On s'installe dans ce qui fait office de salon. Je devrais être un peu gêné de le recevoir dans un tel bordel mais si tel était le cas, ça voudrait dire que son avis est important. Or, je veux vraiment qu'il sente que j'en ai rien à foutre de lui et de sa présence. Il ne mérite pas que je fasse des efforts. Je suis chez moi. Je ne l'ai pas invité. C'est mon bordel. Je m'y sens bien et je l'emmerde.
Et soudain, son sourire s'efface. Il m'annonce qu'il souhaite me recruter. Il veut en effet lever une armée. Contre l'Entropie ? Oui ! Contre l'Entropie. Je repense à la rumeur qu'a fait courir NeinUnd sur le Net et me demande s'il ne serait pas en lien avec le chef. Et si oui, sait-il qu'il est mort ? C'est le bon moment de m'en remettre à ROHUM pour savoir ce que Trevor a dans le crâne. Et il s'avère qu'il n'est pas en lien avec le chef. Ils ne se connaissent pas mais Trevor appartient à une organisation plutôt opaque. Il n'est donc pas exclu qu'il s'agisse d'une sous-cellule secrète montée par Black Rain. Ce serait même assez le genre. Dans ce cas, Trevor roulerait pour Black Rain, dans le cadre du projet dont a parlé NeinUnd mais, finalement, sans même savoir qui l'a recruté lui-même. Et il viendrait pour me recruter justement. J'ai presque envie de rire mais je me contrôle. Je fais semblant d'écouter ce qu'il me dit, me concentrant plutôt sur ce qui, dans ses pensées, tendrait à confirmer qu'il serait en train de me faire une proposition afin d'intégrer une sous-cellule de... Black Rain ! C'est un comble. Mais il pense aussi à son peuple. Je sais vaguement qu'il est divisé en castes. C'est un système rigide et intolérant. Je crois le voir venir. Il s'agirait non seulement de combattre l'Entropie mais aussi, et peut-être même surtout, les hautes castes de son pays. C'est presque tentant. Je ne sais pas ce que Lewis-Maria sait de Trevor. Je ne sais pas s'il se méfie vraiment de lui, ni pourquoi, mais je suis tenté de penser que si l'homme-porc joue un double-jeu, c'est peut-être qu'il est manipulé, sans le savoir, par Black Rain. Le chef l'aurait donc recruté dans le cadre de son opération militaire contre l'Entropie. Pour autant, je ne lis pas dans les pensées de Trevor quoi que ce soit qui fasse le lien entre l'Entropie et les hautes castes Soars. Cela aurait pourtant pu être un levier pour le convaincre. En tout cas, il me confirme que l'organisation pour laquelle il souhaite me recruter a des objectifs similaires à ceux de la petite association qu'ils ont fondé avec Lewis-Maria. C'est juste que là, il y a moyen de taper plus fort. Alors, est-ce que j'en suis ? Je botte en touche en demandant un temps de réflexion. Il accepte mais je le sens un peu déçu.

Je repense à l'offre de Trevor. Et si je me plantais ? Et si son organisation n'avait rien à voir avec ce que je crois être les plans secrets du chef ? Dans les deux cas, ce serait l'occasion d'en apprendre plus sur ce qui se trame. Mais je repense aussi au chef. Au chef... mort. A priori, personne n'est au courant de son décès. D'un autre côté, comme tout le monde m'a oublié à Black Rain, ce n'est certainement pas moi qu'on préviendra en premier, sauf si on me considère comme suspect.
Je me connecte et une rapide recherche me fait reconnaître le lieu de ma vision. L'Ossuaire de la Zona. C'est glauque. Toute la déco semble faite en ossements humains. Pas étonnant que cela puisse être un lieu de rituel. Je serai curieux aussi de savoir si on trouverait pas là-bas une rune Hshl. Ce qui m'étonne, par contre, c'est qu'il s'agit d'un lieu public. Un corps aurait donc dû être découvert rapidement. Donc, soit on ne l'a pas encore découvert, ce qui serait surprenant ; soit on a fait disparaître le corps discrètement, ce qui le serait moins et témoignerait des moyens à disposition du meurtrier. Et là, me vient l'idée que cette vision n'est peut-être pas une vision du passé mais de l'avenir. Si tel est le cas, ça veut dire que j'ai une chance de sauver le chef. Outre une bonne action, ce sera aussi l'occasion de redorer mon blason au sein de Black Rain. Et il en a vraiment besoin.

Le métro me dégueule non loin de la cathédrale abritant l'ossuaire. Rentrer est facile, il suffit de payer. Mais une fois à l'intérieur, c'est autre chose. L'air de rien, il y a des guides et des gardiens. La question n°1 est de savoir si j'ai une ouverture. Et la réponse est oui ! Maintenant, la question n°2 : vais-je être capable de saisir cette opportunité et me rendre dans l'ossuaire sans qu'on me remarque ? Là, c'est autre chose. Je me frotte le bras, espérant un coup de pouce de la mycose. Je me frotte plus fort. Ça me gratte. Ça fait mal, en fait. Je relève ma manche. La mycose est toujours là mais elle n'est pas seule. Qu'est-ce que c'est que ces boutons ? Ça fait mal ! Putain ! Un zona ! J'ai chopé un zona ! Est-ce que cette saloperie m'aurait infecté ? Ça fait hyper mal ! Je regarde autour de moi. Personne ne semble n'avoir remarqué. Je crois comprendre. Ce ne sont pas les gardiens qui vont m'empêcher d'accéder à l'ossuaire. C'est la mycose. Cette saloperie a déclenché cette maladie pour m'empêcher d'entrer. Pourtant, je dois rentrer là-dedans. Comment tromper cette mycose qui ne me quitte jamais ? Corso a dit qu'il pouvait quelque chose pour moi. Il ne sait plus qui je suis mais peut-être qu'il m'aidera quand même. Si je lui envois un mail...

Je quitte la cathédrale précipitamment et rentre dans le premier cybercafé que je trouve. Là, j'envoie un mail à Corso et je lui explique qui je suis et ce qui m'arrive. Je lui rappelle aussi que, malgré son amnésie, il avait promis de m'aider. Et je finis en lui disant que j'ai vraiment, mais vraiment besoin de lui pour me débarrasser de cette saloperie. J'hésite un instant à divulguer cette information mais peut-être que ça l'aidera à se décider. Alors, je lui laisse entendre que le chef court peut-être un grand danger.
Je fonce ensuite chez moi, espérant que Corso aura répondu durant le trajet. Et c'est le cas. Corso ne se rappelle toujours pas de moi mais accepte quand même de m'aider. Par contre, il veut en savoir plus. Pas de problème de ce côté là. Il ne s'en souvient pas mais nous sommes amis. Je lui demande de venir chez moi. Je lui redonne l'adresse qu'il a certainement oublié aussi. Je l'attends. Qu'il vienne aussi vite que possible.
Corso aura pris son temps mais j'en aurai profité pour me reposer. J'en avais vraiment besoin. Je le fais entrer. Je le vois observer les lieux. Il ne semble vraiment pas reconnaître mon appart. Je le fais s'asseoir et lui propose un verre qu'il accepte avec réticence. A-t-il peur que je ne l'empoisonne ? Je relève ma manche et lui montre la mycose. Il regarde mon bras avec circonspection. Je lui rappelle qu'il m'avait dit pouvoir faire quelque chose. Il confirme avoir une idée mais ne se rappelle évidemment pas m'avoir promis quoi que ce soit. Il se cale dans mon fauteuil et, avant toute chose, exige que je lui raconte tout. Alors, je lui explique être une Mouche mais que quelqu'un a fait en sorte que tout le monde m'oublie à Black Rain. Je lui raconte avoir chopé cette saloperie qui me ronge le bras en mission à Millevaux. Millevaux est ou serait une variante de l'Entropie, comme Antéros et Shub-Niggurath. D'ailleurs, je pense que Millevaux n'est rien d'autre qu'un avatar de Shub-Niggurath connu, parfois, sous le nom de Titan-Millevaux. Bref, je lui raconte avoir également été suivi, lors d'un voyage à l'intérieur d'un WereWorld, par ce que je pense être un Horla. Une espèce de serpent fait d'ombre, de plumes et d'herbe. J'ai confié le WereWorld à un cafard travaillant en lien avec un groupe de Soars. Ils affirment combattre eux aussi l'Entropie mais au moins l'un d'entre eux joue un double jeu dans le sens où il veut mettre à mal le système de castes des Soars. Je lui explique aussi qu'une rumeur sur le Net affirme que Black Rain mettrait au point une opération militaire et que je soupçonne le chef d'être au courant. Aussi, je crains que ma vision concernant sa mort ne soit liée à cette activité là. Ne sachant pas si ma vision est une vision du passé ou du futur, il y a peut-être encore une chance de sauver notre chef. Alors, je demande à Corso si notre chef est encore de ce monde. Mais, à ma grande surprise, il refuse de me répondre. J'insiste, en vain. Je ne comprends pas ce qu'il veut me cacher. Bon, qu'il s'occupe au moins de mon bras et me débarrasse de ce truc.
Corso sort alors de son sac du désinfectant, du fil, un bistouri mais aussi quelques runes. Il se lance alors dans un mix de rituel magique et d'intervention chirurgicale. Je ne sais pas ce qui fait le plus mal entre la lame du scalpel ou les réactions de la mycose qui s'accroche littéralement à mon bras. Corso ne dit rien quand j'avale de grande goulées d'alcool. En vérité, l'intervention ne dure que quelques minutes mais cela m'a semblé beaucoup plus long. Je suis crevé et j'ai vraiment très très mal au bras. Mais au moins, la mycose n'est plus là et le zona non plus.
Le zona ! L'ossuaire ! Je préviens Corso qu'il faut y retourner au plus vite. Je songe d'ailleurs qu'il y a peut-être là-bas une rune Hshl. Et si le chef est mort mais que son corps a disparu, c'est peut-être par-là qu'on l'a évacué. Il faut absolument y aller. Corso m'aide à me relever. Je comprends qu'il ne me dira rien mais, au moins, il va venir avec moi.

Et alors qu'on allait sortir de chez moi, j'ai une idée. Et si, au lieu de prendre le risque de se faire repérer, voire pire, à l'ossuaire, on utilisait les runes de Corso pour faire un repérage depuis la dimension du Voyeur ? Corso demeure impassible mais ne s'y oppose pas. J'ai l'impression qu'il pense que ce n'est pas une bonne idée mais qu'il s'en fiche puisque c'est moi qui irais dans la dimension du Voyeur. S'il se souvenait que nous sommes amis, il tenterait sans doute de m'en dissuader.
Corso prépare son espèce de pentacle et commence à disposer les runes. Il me demande ensuite sous la « protection » de quel ancien je préfère me placer. Je n'en ai aucune idée mais comme tout ça ressemble de plus en plus à une histoire de fou, je choisis Xel'lolath. Corso effectue ensuite les diverses phases du rituel et un petit scorpion vert à trois pattes apparaît. Il se réfugie alors rapidement à l'autre bout de l'appart afin de ne pas se trouver dans l'aire d’explosion de la créature. Un flash de lumière m'aveugle. Quand j'ouvre les yeux, tout est en noir et blanc.

« J'pense qu'on devrait pas enterrer les morts.
La terre les dévore ou les vomit.
On devrait pas faire de messe non plus.
Çà les fait revenir. »


Qui a dit ça ?! Je regarde autour de moi. Il n'y a personne. Je suis dans un sous-sol. Il n'y a plus un bruit. Je ne sais pas pourquoi mais je suis soudain pris de panique à l'idée de tomber sur quelque chose de... mort ! Je suis pourtant venu ici pour observer un ossuaire et, peut-être, trouver le cadavre de mon chef de service. Mais, est-ce à cause de cette voix que je viens d'entendre, la perspective de tomber sur quelque chose de mort me remplit d'effroi. Pourtant, il va bien falloir que j'avance et trouve une fenêtre sur l'ossuaire.
À mesure que j'avance dans l'éblouissante obscurité de ce monde en négatif, je me rends compte que je dois être dans le sous-sol d'un bâtiment en ruine. Ça et là, les murs envahis par la mousse se sont écroulés et je vois de la terre et des racines. Plein d'une soudaine angoisse dont je ne saisis pas l'origine, je m'attends, à tout moment, à tomber sur une fenêtre sur l'ossuaire. Je n'ai qu'une peur, c'est que là, ces os prennent vie ou que le cadavre du chef reprenne vie lui aussi et s'en prenne à moi. Il ne m'aime pas, je le sais. Il est déjà si difficile de contenir ses inimitiés quand on est vivant, mais comment contenir ses pulsions quand on est mort ? Corso y arrive mais ce n'est pas un mort comme les autres.
Ces sous-sols sont obscurs. Mais dans ce monde en négatif, j'y vois plutôt bien. Je cherche une fenêtre ou une porte d'où je pourrais espionner notre monde. Je cherche aussi une rune Hshl et, pourquoi pas, un passage vers l'ossuaire ou ailleurs. La dimension du Voyeur offre des fenêtres vers les autres mondes mais, après tout, une fenêtre, ça se brise. Alors ?
Alors, c'est bien ça ! Corso n'a pas été assez loin dans son exploration. Il s'est contenté d'espionner les autres mondes, un peu comme Lewis-Maria se contente de violer les mémoires des pensionnaires de son petit zoo. Mais, partout où il y a une fenêtre, il y a aussi un accès vers un ailleurs. D'ici, je ne peux pas seulement observer, je peux aussi me déplacer. Il n'y a évidemment aucun moyen de vérifier cette hypothèse mais, en l'absence de rune Hshl autour de moi, j'en viens à me demander si cette dimension n'est pas une rune en soi. Et en cela, elle sera donc une formidable porte vers ailleurs, vers partout. Est-il vraiment possible que Corso l'ignore ? Ou alors, n'est-ce qu'une folie inspirée par Xel'lolath ? Et si cette angoisse soudaine pour la putréfaction était aussi une blague que me ferait la divinité de la folie ?
Je finis quand même par trouver une ouverture sur l'ossuaire. Je commence par observer tous ces éléments de décoration taillés dans des os humains. Je m'attends à les voir bouger, s'assembler en une créature monstrueuse et se diriger vers moi mais il n'en est rien. Pourtant, il me semble quand même percevoir un tressaillement, une vibration. Je reste prudent et observe. Je me penche, à la recherche du corps du chef. Il y a bien un mort ici, mais ce n'est pas mon chef. D'ici, je ne le reconnais pas mais je reconnais quand même cette silhouette. Pas de doute, c'est un Soar. Trevor ? Oui ! Que fait-il là ? Pourquoi fait-il mentir ma vision ? L'espace d'un instant, je me surprends à penser que Trevor et le chef sont en réalité la même personne. Existe-t-il un sortilège qui aurait permis au Soar de prendre l'apparence du chef et diriger notre cellule de Black Rain ? Les Soars peuvent-ils faire ça ? Dis-moi, ROHUM. Et ROHUM me dit que non. Les Soars peuvent projeter des visions dans la tête de leurs cibles mais générer une telle illusion et la faire durer, c'est trop dur. Alors, s'agit-il d'une forme dénaturée de la magie Soar ? Après tout, Trevor est un dissident par rapport à son peuple. Mais tout cela n'est peut-être là encore qu'une folie inspirée par Xel'lolath.
Je détourne le regard. Je ferme les yeux et réfléchis. Je ne suis plus sûr du tout de pouvoir me fier à mes sens ni à ma raison. Tout cela a-t-il encore le moindre sens ? Et si j'acceptais l'idée que les plans secrets de Black Rain le restent ? Et si j'acceptais l'idée de ne plus me préoccuper de cette rumeur colportée par NeinUnd sur le Net ? Et si je faisais tout simplement mon job et rien de plus ? Mais quel est mon job ? Quelle est ma mission ? Recueillir des données relatives au meurtre de l'Hommonde. Combattre l'Entropie sous toutes ses formes, qu'il s'agisse d'Antéros ou des Horlas issus de Millevaux. Millevaux, la dimension du Voyeur est une forêt ou au moins elle a été réduite en ruine par la forêt. Cette dimension est rongée par Millevaux et peuplée de Horlas. Je ne l'entends pas mais je sais que quelque chose ricane dans l'ombre. Non, c'est l'ombre elle-même qui ricane. Et elle se moque d'autant plus de moi que c'est moi qui l'ai attiré en invoquant ROHUM. Le serpent d'ombre, d'herbe et de plumes a retrouvé ma trace. Ce truc va me bouffer. Est-ce que la lance du type en vert peut m'aider ? Aucune idée ! Je ne veux pas prendre le risque. Je regarde à nouveau dans l'ossuaire et cherche une rune Hshl. Je la vois ! Il y a donc un portail de l'autre côté. Vers où ? Je m'en fous !
Je brise la fenêtre entre la dimension du Voyeur et l'ossuaire. Une fois de l'autre côté, c'est à toute vitesse que je cherche, au hasard un portail. J'espère juste être plus rapide que le Horla. Je tâtonne les murs et trouve. Je saute !

Où suis-je ? Quel est ce monde ? Est-ce une faculté propre aux Mouches, je n'en sais rien mais j'ai comme une compréhension instinctive de cet endroit. Peut-être que je suis déjà venu mais que je ne m'en rappelle pas. Je sais que c'est un monde plein de vie. Ici, les proies ne manquent pas. On trouve facilement de la nourriture. Il y a des humains, ou du moins une forme de vie qui y ressemble. Ne souffrant pas de la faim, elle s'est développée pour vivre en paix. Il y a des villages et des villes. L'artisanat est mieux vu que la guerre. La dextérité et la finesse sont mieux considérées que la force brute. On admire plus quelqu'un pour le raffinement de son art que pour sa brutalité et les relations d'entre-aide et d'amitié l'emportent sur les rivalités. On dirait que je suis tombé dans un monde plutôt sympa. J'espère ne pas le pourrir en y attirant ce Horla d'ombre.

Et je découvris alors que j'avais une vie dans ce petit monde idéal. J'y suis connu comme un agriculteur avisé. On me connaît. On me respecte. J'ai des amis. Louis-Marie, l'éleveur et Ange l'apothicaire. Tout le monde ici vit en bonne intelligence. Il n'y a pas de guerre entre clan. Le taux de criminalité frôle le zéro. Personne n'a jamais entendu parlé d'Internet ou de téléphone portable mais tout le monde semble s'en moquer éperdument. C'est une sorte d'univers médiéval fantastique, fantastique non pas parce qu'il y aurait des créatures magiques ou des sorciers mais fantastique parce qu'on dirait bien qu'il a évolué en ignorant tout de la guerre et de la bêtise. Que donnera ce monde dans cinq ou six siècles ?
Les gens d'ici ont bien vu que quelque chose clochait avec moi. J'ai expliqué avoir été dans les bois et ne me rappeler que d'une chute sur la tête. Cela a suffit à Ange pour me diagnostiquer une amnésie et tout le monde est aux petits soins, souhaitant que je recouvre la mémoire au plus vite. Une crainte toutefois ne me quitte pas, que le Horla, serpent d'ombre, de plumes et d'herbe ne m'ait suivi. Si oui, on pourra bien dire que j'ai introduit le ver dans la pomme.
Et déjà les ennuis arrivent. Une partie de mes réserves viennent de partir en fumée. Ou plutôt, en pourriture. En une seule nuit, personne ne sait comment, la majeure partie de mes réserves a pourri. Je ne peux voir là que l'influence du Horla. Il est bien là. Il m'a suivi et il semble bien décidé à me pourrir la vie au possible.
Les conséquences de cette « sorcellerie » ne se font pas attendre. Malgré le soutien de mes amis, certains s'inquiètent pour leurs propres réserves de nourriture. Ils craignent que le même mal ne les frappe et ils m'en tiennent pour responsable. Mon amnésie m'interdit de leur opposer quelque argument valable que ce soit et, dans mon dos, on se demande ce qu'il m'est vraiment arrivé dans les bois. Ma position est clairement menacée. Ce petit paradis n'en est un que tant que tout va bien. En cas de problème, je crois comprendre qu'ils sont ici prêts à tous les extrêmes. Ils n’hésiteront pas à s'amputer d'un membre gangrené.
Toutefois, mes « vrais » amis me restent fidèles. Louis-Marie me propose une alliance commerciale de circonstance afin de redonner confiance au reste de la population. Le contrat qu'il me propose est honnête. Il ne profite pas de la situation. Et qu'il négocie ce contrat avec moi montrera aux autres que lui, au moins, n'a pas peur d'une contamination de son troupeau par mes stocks. Je l'en remercie. Mais, malgré ça, j'ai peur que le Horla ne se lance dans une attaque plus directe.
La peur que ce Horla ne s'en prenne à ce monde qui avait l'air si charmant avant que j'arrive me met mal à l'aise. Aussi, alors que je repère une rune Hshl en me promenant dans les bois, je me mets en quête de trouver un passage vers... n'importe où en espérant que le Horla m'y suive...

Quel est ce nouveau monde ? On dirait une ville abandonnée. Il fait sombre. L'air est humide. Parfois, les murs effondrés font place à des plaques de métal ou du grillage. C'est pareil pour le sol. Alors, le grillage laisse apparaître de profonde abysses. Je fouille mes poches. On dirait que j'ai récupéré mon arme. Et j'ai aussi fait le plein de munitions.
J'erre dans ces rues sans trop savoir où je vais. Je perçois au loin, parfois, des ombres bizarres et je préfère ne pas m'approcher. J'entends des bruits étranges aussi et des cris. Je rase les murs, l'arme au poing. Puis, je le vois, Corso. Il erre là, lui aussi. Je l'appelle. Il me reconnaît et court vers moi. J'ai beau savoir que ce n'est pas le Corso de mon monde d'origine, ça me fait plaisir de le voir. Je lui explique être arrivé ici en empruntant un passage près d'une rune Hshl. Je lui explique avoir fui un Horla. Je lui dis aussi que je ne sais pas où je suis. Lui non plus ne sait pas vraiment où il est. Il a seulement répondu à l'appel de cette ville : Silent Hill. La ville est déserte, uniquement peuplée de créatures bizarres lui rappelant de mauvais souvenirs. Je lui propose de rester avec moi. Évidemment, il accepte.
Dans le brouillard, une ombre au loin finit par se dessiner. On dirait une femme. Elle titube. J'accélère, mais Corso me retient. Il lui paraît plus prudent de ne pas se précipiter. Il a eu une très mauvaise surprise. Il laisse échapper un nom : Edes. Ça ne me dit rien. Je n'insiste pas. J'avance quand même. Je reconnais la Reine. Que fait-elle ici ? De loin, à la voir comme ça, on dirait qu'elle est blessée. Je la rattrape et me rends compte qu'elle est pire que blessée. Elle ne ressemble plus vraiment à la Reine, non. Elle est nue. Ou plutôt, on dirait qu'elle est recouverte d'une seconde couche de peau flasque et translucide qui masque ses traits et les détails de son corps. Il n'y a qu'une seule ouverture, au niveau de son sexe d'où s'échappe un tentacule verdâtre. Qu'est-ce que cette saloperie ? Je la braque avec mon arme. Pour autant, elle ne me menace pas. Je crois qu'elle ne sait même pas que je suis là, coincée dans cette seconde peau. Corso me rattrape et me demande si je la reconnais. Oui, évidemment mais... Je sens la pression de sa main sur mon épaule. Il doit se dire que ce serait un acte charitable de l'abattre mais je ne peux m'y résoudre. A-t-on un but dans ce monde ? Corso pense que oui mais il ne le connaît pas.
Une sirène se fait entendre. La silhouette de Corso s'efface. La Reine s'agite sur elle-même puis disparaît elle aussi. Et autour de moi, tout n'est plus que métal rouillé. Et quelque chose dans ma tête me dit que tout cela est un formidable mensonge. Que ce monde est un mensonge. Mais de quel monde s'agit-il ? De celui que je viens de quitter ou de celui où je viens d'arriver ?
Et en parlant d'arriver, qu'est-ce que c'est que ce truc qui arrive vers moi ? Un cafard géant ! Sur deux pattes ! Il n'a pas l'air hostile. Lewis-Maria, sauf qu'il n'est pas à l'intérieur d'un de ses hôtes. Il se passe quelque chose de bizarre. Autour de lui, une araignée ne cesse de tisser une toile suintant un liquide vert. Et plus il s'approche, plus j'ai l'impression que le cafard bouge bizarrement. Ces gestes sont saccadés. J'ai même l'impression, par moment, qu'il clignote ou qu'il se téléporte sur des distances courtes. Pourtant, comme pour le Reine, je n'ai pas l'impression que ce monstre me veuille du mal.
Le cafard s'approche et semble rire. Enfin, je crois que ce cliquetis de touche de vieille machine à écrire est une sorte de rire. Avant que je ne puisse faire quoi que ce soit, il est tout près de moi et me prend par les épaules. Il m'entraîne avec lui. Nous marchons dans les rues métalliques et rouillées de cette nouvelle version de Silent Hill. Je lui demande ce que je fiche ici. Il me regarde avec ce que je crois être un regard lourd de sens. Il me dit que je suis quelqu'un d'intelligent, de réfléchi, que c'est là une de mes qualités principales et qu'elle me sauvera la vie. Je dois, affirme-t-il, continuer à me poser des questions car ce sont les réponses que je trouverai, les plus capillotractées soient-elles, qui me permettront de me sortir de cette spirales d'illusions et arriver, peut-être, à une sorte de réalité. On est à Silent Hill parce qu'on a des choses à se reprocher, me dit-il. On a tous quelque chose sur la conscience. Et quand c'est trop lourd, Silent Hill nous appelle et nous donne l'occasion d'y réfléchir et d'alléger un peu notre fardeau... ou de mourir. On a le choix.
Loin de moi l'idée de penser que je suis irréprochable mais je n'ai entendu aucun appel. Je suis arrivé ici par hasard en empruntant un passage à proximité d'une rune Hshl. Dans ce cas, me dit le cafard, Silent Hill n'est pas la fin de mon voyage. Ce n'est qu'une étape. Et le but de ma visite ici ne serait donc, pour l'instant, que de trouver la sortie. Mais, aucun doute selon lui, un jour la ville m'appellera. Alors, il me laisse là et repart dans le brouillard.
Je reprends mon errance dans ce Silent Hill altéré où tout n'est que métal rouillé. Et je tombe sur une nouvelle scène complètement dingue. C'est Corso que je vois se battre, ou plutôt se débattre, avec une femme. Une jeune femme blonde. Elle a l'air complètement dingue. Elle a des ailes dans le dos. Mais pas des ailes d'oiseau. Ses ailes sont faites de bois et de feuilles. Et elles saignent. Au début, je n'arrivais pas à déterminer qui avait le dessus mais vu la tournure des événements, c'est clair que Corso l'emporte. Mais il est en train de l'emporter d'une façon qui ne me convient pas du tout puisqu'il est en train de déshabiller son adversaire. Je sors mon flingue et, sans vouloir faire de mauvais jeu de mot, tire un coup en l'air. Corso s'arrête immédiatement. Il a l'air effrayé. Je sais que ce n'était pas dans son intention d'aller aussi loin. Il n'est pas comme ça. Qu'est-ce qui a pu le pousser à de tels actes ? Subit-il lui aussi l'influence de Xel'lolath ? Choisir le dieu de la folie pour invoquer le petit monstre ouvrant les portes de la dimension du Voyeur était peut-être la plus grosse connerie de la journée. Pourtant, dans ce chaos, je me surprends à garder mon sang-froid. Je ne possède rien. Je n'ai que ce que je suis. Et je suis, parait-il, un homme avisé, réfléchi et doté d'une solide volonté. C'est le moment de faire la preuve de tout ça. Je m'approche de mon ami tout en rangeant mon arme. La femme - l'ange ? - à côté de lui se rhabille et arbore un air dédaigneux. Elle s'appelle Edes, me dit-il. Et, comme lui, c'est un ange. Et, comme lui, elle a été abandonnée quand Dieu a fui Shub-Niggurath et Millevaux. Je crois qu'il y a une confusion. Ce n'est pas mon Corso. Je ne comprends rien à ce qu'il me raconte. Mon Corso est un mort-vivant, pas un ange. Et Dieu n'a pas fui face à Millevaux puisque Millevaux n'a pas envahi notre monde et que Dieu... n'existe pas. C'est un autre Corso, venant d'un autre monde, qui me prend pour un autre Haze. Je lui mens. Je lui dis que je sais, que je comprends. Je tente de l'apaiser pendant que la femme, cette Edes, reprend une certaine contenance tout en nous regardant avec méfiance. Corso se sent mal après ce qu'il a fait à Edes. Il veut lui demander pardon, il me dit. Mais il n'ose pas la regarder. Il me parle. Il déverse toute sa culpabilité sur moi comme si elle n'était pas là. C'est lui qui parle et c'est moi qui la regarde. Je ne sais absolument pas comment ils en sont arrivés là tous les deux mais j'espère qu'elle va lui pardonner. Même si ce qu'il s'apprêtait à faire est impardonnable. Je me rappelle ce que Lewis-Maria m'a dit au sujet de Silent Hill et ce Corso en a gros sur la conscience. Cette scène a certainement déjà eu lieu quelque part et aucun Haze n'était là pour l'arrêter. Pauvre fille...
Et soudain, la terre se met à trembler ! Les plaques de métal constituant le sol se tordent et se fendent. À travers, de la lave commence à s'écouler. Corso et la femme restent immobiles, figés. Elle a l'air apaisée. Corso voudrait bouger mais quelque chose le retient. On dirait que sa culpabilité le retient aimanté aux plaques d'acier. Il lutte contre lui-même pour échapper à cette coulée de lave qui a déjà atteint Edes dont les ailes commencent à se consumer. Corso est toujours immobile. Les traits de son visage trahissent sa lutte intérieure. Il pourrait bouger et s'enfuir s'il le voulait vraiment. Il veut vivre mais il sait qu'il ne le mérite pas. Sa mort va être horrible. Alors je sors mon arme et abrège ses souffrances.
Je cours. Je repense aux mots du cafard. Normalement, on arrive à Silent Hill après avoir fait quelque chose de salement dégueulasse, comme ce que Corso a fait à cette Edes. Mais là, j'ai l'impression d'avoir fait quelque chose de dégueulasse après être arrivé. Même Silent Hill déconne quand il s'agit de moi. Je dois me tirer d'ici avant que la lave me rattrape. Je finis par déceler une rune Hshl. Vers quelle réalité ce passage va-t-il m'emmener ? Réalité, ce mot a-t-il encore un sens ? Les mondes s’enchaînent et s’enchaînent. Mon point de départ est-il vraiment la réalité ? Et si ce n'était qu'une étape dans le grand voyage de quelqu'un d'autre ? Moi, je n'aurais finalement fait que prendre le train en marche. Un trou dans un mur. Des chaînes en barrent le passage. Il y a même un cadenas. Mais cet ensemble est suffisamment lâche pour que je puisse passer. Il n'y a là aucune difficulté. C'est sans doute une métaphore...
Je rampe dans ce souterrain, cet espèce d'égout. Au bout d'un moment, je finis presque par me sentir à l'aise là-dedans, comme un rat, comme un cafard.

« On pense à moi ? »

Lewis-Maria ! Que fait-il ici ? Il m'attendait, il dit. Et moi, je lui dis que je pensais que ce trou allait me conduire vers un nouveau monde. Et c'est le cas, il me le confirme. Lui aussi pense que j'ai fait une connerie en choisissant Xel'lolath mais il pense aussi que j'ai ce qu'il faut de volonté pour garder l'esprit droit dans les situations les plus tordues. Il pense que j'ai un don pour la rationalisation, un don pour faire sens. Et c'est ce don qui me permet de ne pas craquer et de m'en sortir. C'est un don précieux, il me dit. Je dois le conserver et m'en servir. Et avant de me libérer le passage, il me dit quand même qu'il n'est pas sûr que j'ai bien agi avec Corso mais il se garde bien de me dire ce que, selon lui, j'aurais dû faire. Là, il m'agace. Je me faufile vers un nouveau monde barjo et je l'entends ricaner derrière moi.
Je ne sais pas dans quel monde je vais débarquer mais j'espère quand même avoir réussi à semer le Horla qui me poursuivait. Puisse-t-il brûler à Silent Hill. Ça aura au moins servi à ça !

Oh merde ! Pas la peine de me demander où je suis. Je suis dans Millevaux. Tout ça pour finalement atterrir dans la forêt maudite, en plein cœur de l'avatar de Shub-Niggurath, du domaine des Horlas, du Horla que je cherche à fuir. Ce monde n'est pas rongé par l'Entropie, il est l'Entropie qui ronge les mondes.
Je suis à l'entrée d'un bunker envahi comme il se doit par la végétation. D'épaisses racines percent le béton et le lierre court partout sur les murs. Le soleil se couche et une tempête se prépare. Le destin me tend la perche. Je vais devoir me jeter dans la gueule de ce loup. Je fais un pas et m'arrête. J'ai l'impression d'oublier quelque chose de très important mais je ne sais absolument pas quoi. Est-ce l'influence de cette succession de sauts entre les mondes ? Est-ce l'influence de cette forêt ? J'ai l'impression que ma mémoire est devenue un gruyère. Ou plutôt, que c'est moi qui suis devenu un gruyère. J'ai l'impression d'être plein de trous. On dit que les voyages nous enrichissent mais mes voyages me donnent plutôt l'impression d'avoir laissé à chaque fois un petit bout de moi. Je ne sais plus vraiment d'où je viens. Si, la RIM, l'ossuaire de la Zona. Mais je me souviens à peine de ce que j'y faisais. Je me rappelle vaguement avoir eu une vision du chef, mort. Je me rappelle de l'éventualité selon laquelle Black Rain monterait une opération armée contre l'Entropie dans le dos même de ses agents. Je me rappelle qu'on m'avait oublié à Black Rain et que je ne savais pas pourquoi. Puis, le tourbillon des mondes. Et maintenant, le pire des mondes où je pouvais tomber. Les égouts du multivers. Millevaux !
Je ne suis pas un gruyère. Je suis une ruine. Comme ce bunker, je tiens bon mais je suis érodé par la tempête et envahi par Millevaux. Le bunker est concrètement envahi par la végétation. Moi, c'est à l'intérieur. Millevaux me ronge. Et à travers elle, c'est toute l'Entropie qui me consume. Antéros m'a menti. Il a abusé de moi dans tous les sens du terme. Quand j'ai accepté son marché dégueulasse, j'ai cru qu'il allait laisser notre réalité en paix mais c'était faux. En fait, il m'a contaminé. Il m'a pourri de l'intérieur. Ce bunker, c'est moi. Enfin, je veux que ce soit moi. Je veux être ce qui tient bon alors même que les éléments se déchaînent contre lui. Mais, si je rentre dans ce bunker, c'est que je vais rentrer en moi-même. Que vais-je trouver ?
Le vent souffle fort. La pluie commence à tomber. Je prends une profonde respiration. J'entre.
À l'intérieur, j'entends le bourdonnement des mouches. Je souris. Je suis une Mouche. Une mouche à merde, un fouille-merde. Mais là, je crains que ces mouches ne soient occupées par un sinistre cadavres. Un corps mort repose dans un coin, un coin de ma mémoire ? Je repense au chef que j'ai vu dans ma vision. Et au Soar aussi que j'ai trouvé dans l'ossuaire. S'agissait-il vraiment de Trevor ? Trevor-l'homme-porc, ça rime. Je m'approche. Bien que très ressemblant, ce cadavre n'est pas humain. Ni Soar. Qu'est-ce que c'est que ce truc ? On dirait un... cafard ? Lewis-Maria ? Mais avec un truc en plus. On dirait que, par parties, il a été redessiné par Giger ou Druillet. Je compte cinq tuyaux à l'aspect biomécanique sortant de son abdomen. Et de ces tuyaux dégoulinent... de la viande. Des saucisses de viande. Et je vois les mouches se nourrir de cette viande pourrie. Et comme je suis une mouche, je me vois me nourrir de cette viande pourrie. Cette image s'imprime dans mon crane et me file la nausée. Qu'est-ce que ça veut dire ? Je recule. J'ai vraiment la gerbe. Je me réfugie dans un coin et vomis tout ce que je peux. C'est à dire pas grand chose finalement puisque je ne sais plus de quand date mon dernier repas. Je secoue la tête pour chasser cette image de mon esprit. Je me retourne vers le cadavre du cafard. Et je me vois encore, à quatre pattes, en train de bouffer les saucisses sortant des tuyaux biomécaniques du cafard. Je vomis de nouveau. Dehors, la tempête fait rage. Je ne peux pas rester là, ni sortir. Je m'enfonce...
Et si cette vision m'avait lancé un message ? C'est vrai que je ne sais plus depuis combien de temps je n'ai rien mangé. Et là, j'ai faim. Ce n'est pas seulement ma tête, mémoire ou mon être qui se vide. C'est aussi mon estomac. Et, très concrètement, je n'ai rien à me mettre sous la dent. Pour autant, je ne peux pas me résoudre à faire demi-tour pour me nourrir de ces saucisses de cafard. Impossible ! Je crois que je préférerais... En fait, je ne sais pas ce que je préférerais. Mais j'ai de plus en plus le sentiment, alors que je m'enfonce dans ce bunker, que je me désagrège, autant physiquement que moralement. Vais-je devenir un nouveau cadavre dont se repaîtront les mouches ?
Je crois avoir percé le secret, le but de toute cette histoire. Me perdre ! Il s'agit de me perdre. L'amnésie me concernant qui a frappé Black Rain ne doit rien au hasard. C'était le début. Le début de ma perdition. Perdu aux yeux de l'organisation qui m'emploie, je me suis jeté à corps perdu dans cette quête de mémoire. Savoir quoi ou qui leur avait fait perdre la mémoire. Leur faire retrouver la mémoire. Revenir dans leur mémoire. Retrouver ma place dans l'organisation. Ma place dans l'histoire. Et je me suis perdu moi-même. Perdu dans une succession de mondes. J'ai finalement perdu des bribes de moi-même à force de glisser d'un monde à l'autre. Des bribes de mémoires. J'y laisse maintenant ma santé physique et même mentale. Je me suis perdu dans les réalités et je me perds maintenant dans cette métaphore de moi-même qu'est ce bunker envahi par Millevaux. La végétation s'est répandue autant à l'intérieur qu'à l'extérieur du bunker comme de moi-même. Dehors, la tempête fait rage. Et dedans, c'est le noir, des ténèbres gardées par le cadavre d'un cafard. Et moi, dans tout ça, je continues à réfléchir. Je tourne en rond à la recherche d'un quelconque sens à tout ça et je crois que je suis arrivé au bout de ce dont je suis capable. Je n'ai plus rien à part cette lance que m'a donné l'homme peint en vert. Je sais à peine qui je suis. Je ne sais plus trop si je suis la mouche qui dévore le corps du cafard ou le cafard qui se fait dévorer par les mouches. Je ne suis plus chez moi. Je suis dans un monde maudit. Je suis perdu entre les mondes, perdu en moi-même. Je me désagrège lentement. Et alors que j'ai l'impression de me perdre et de filer droit vers le néant et l'oubli je me dis que... j'ai oublié !
J'arrive au fond de moi-même. Là, dans le noir, je sens une paroi molle, souple. À travers, je perçois un peu de lumière. Je repense à Fight Club, ce moment du film où le personnage joué par Norton se retrouve dans sa caverne intérieure et où un pingouin lui dit « Glisse ! »
Alors, je glisse moi aussi... Un léger Vertige me fait chanceler et... Et je passe, encore une fois, de l'autre côté.

Une foule ! Une foule m'acclame ! Où suis-je ?
J'ai la tête en bas. Je suis scotché à ce qui semble être le sommet d'une vaste sphère de métal. En hauteur, ou en bas, je ne sais pas, une foule bizarroïde d'êtres mutants et foutraques hurlent. Certains hurlent mon nom. D'autres hurlent ceux de Corso et Lewis-Maria. D'autres encore acclament la Reine. Trevor est là, lui aussi. On est tous là. Enfin, presque... Presque, non dans le sens où il manquerait un de mes compagnons mais plus dans le sens où chacun de mes compagnons est presque celui que je connais.
La foule crie soudain plus fort. Une porte s'ouvre. Le Horla d'ombre, d'herbe et de plumes ! Mais en plus grand. Tellement plus grand ! On va tous crever !
Outsider. Énergie créative. Univers artisanaux.
Ma page Tipee.
Avatar de l’utilisateur
Pikathulhu
Dieu d'après le panthéon
Messages : 3018
Inscription : dim. août 22, 2010 7:26 pm
Localisation : Morbihan
Contact :

Re: [CR] Millevaux et autres jeux Outsider

Message par Pikathulhu »

Commentaires de Thomas :

A. Peut-on avoir un lien vers les rêves d'Anton Vandenberg ?

B. Pour avoir un aperçu du Millevaux d'Afrique Noire, voir le compte-rendu de partie d'Inflorenza Afromilval.

C. On n'a plus de nouvelles de la Reine ?

D. « Elle inclurait Corso bien sûr mais peut-être, aussi, Lewis-Maria. Ce cafard n'est peut-être pas aussi pourri qu'il en a l'air. »
Un homme-mouche, un ange et un homme-cafard. On n'est pas loin de l'équipe des Gardiens de la Galaxie :)

E. Si l'homme-cafard a le pouvoir d'explorer les mémoires, ça peut faire de lui quelqu'un d'assez puissant dans Millevaux, car là-bas, la mémoire c'est le pouvoir :)

F. Le fait que les agents de Black Rain oublient notre héros alors qu'il est toujours dans les registres ressemble fort au syndrome de l'oubli de Millevaux : une attaque dirigée ?

G. L'histoire de cet agent flanqué de sa mycose intelligente commence à ressembler à un buddy movie :)

H. « Je vois... une forêt... et un arbre aux branches calcinées. Quand j'en fais le tour, je vois un miroir incrusté dans le tronc. »
J'aime beaucoup l'image.

I. « À mesure que j'avance dans l'éblouissante obscurité de ce monde en négatif » :
L'ossuaire est un passage vers les forêts limbiques, elles-même je suppose un nœud vers Millevaux ?

J. « Je ne l'entends pas mais je sais que quelque chose ricane dans l'ombre. Non, c'est l'ombre elle-même qui ricane. »
J'adore :)

K. Comment tu génères les différents mondes que visite la Mouche ?

L. « Elle est nue. Ou plutôt, on dirait qu'elle est recouverte d'une seconde couche de peau flasque et translucide qui masque ses traits et les détails de son corps. Il n'y a qu'une seule ouverture, au niveau de son sexe d'où s'échappe un tentacule verdâtre. »
Très sympa cette description. Elle te vient d'où ?
De façon générale, tu as un jeu de rôle pour générer du Silent Hill, ou ça te vient juste de ta culture du jeu vidéo ? Je précise au passage, que ces aspects techniques m'intéressent de plus en plus, car je projette de plus en plus sérieusement d'écrire un roman ou une série de romans Millevaux en me servant de jeux de rôles comme base d'écriture, ce que tu fais déjà depuis un moment en somme.
[Note, février 2022 : un de ces romans a déjà été écrit, Dans le Mufle des Vosges, voir ici article Le jeu de rôle, un outil pour l’écriture de roman]

M. « Mais, si je rentre dans ce bunker, c'est que je vais rentrer en moi-même. Que vais-je trouver ? »
Très intéressant que la Mouche, dans son voyage dans le multivers, débouche dans une entrée de Millevaux qui est aussi une entrée sur son propre inconscient.

N. « La foule crie soudain plus fort. Une porte s'ouvre. Le Horla d'ombre, d'herbe et de plumes ! Mais en plus grand. Tellement plus grand ! On va tous crever ! »
Très sympa la fin en cliffhanger !

O. Peux-tu m’expliquer ce qui vient de The Good Society ? Peut-être le premier univers idyllique dans lequel débarque la Mouche ?


Réponse de Damien :

A. En fait, il n'y a pas un lien particulier, il les poste sur sa page FB.

B. Merci ^^

C. Alors ça dépend où tu en es. Ce perso aura finalement joué un rôle plus important que celui auquel je pensais au départ mais elle aura aussi fini... bizarrement ^^

D. Je n'y avais pas pensé 0_0 avec une pincée de Millevaux on a un Groot du feu de dieu !

E. A condition qu'il y ait encore quelque chose à se rappeler dans la tête de celui dont il pille les souvenirs mais... ça pourrait le faire oui de jouer les races de la Crasses dans Millevaux.

F. Ça, c'est dans le cadre d'une sorte de Vertige Logique. En fait, plutôt que de faire un personnage qui aurait oublié j'ai fait un monde qui aurait oublié le personnage. Et là, je l'ai limité à Black Rain.

G. cela aurait pu mieux tourner ^^

H. Typiquement, c'est le genre de scène issue d'une pioche de mot-clé ^^ mais je trouve que ça rend bien alors je continue ^^

I. J'aurais tendance à dire que l'ossuaire est un passage vers... un peu n'importe où. En vérité, rien n'est vraiment tranché, définitif ni gravé dans le marbre à ce sujet.

J. De rien ^^

K. Au pif ! C'est vraiment selon l'intuition, ce qui me vient à l'esprit à ce moment là ou suite à un tirage de mots-clé.

L. Pour Silent Hill, j'utilise l'aide de jeu écrite par Remy Broknpxl. C'est vraiment bien foutu et c'est topable à partir d'ici
On m'a dit aussi que mes CR ressemblait à des fanfics mais ce n'en est pas. Cette impression vient de ce que j'écris pas tout ce qui est technique. Je n'écris que l’histoire, pas les jets de D ou les tirages de cartes comme je l'ai fait pour un Millevaux justement. On est pas du tout obligé de jouer en solo comme ça. On peut juste se faire l'histoire dans sa tête sans prendre aucune note. Après tout, quand je jouais en groupe, je n'en prenais quasiment jamais. Mais pour moi, en solo, l'écrit remplace l'oral. Mais je me suis dit qu'un jour je me ferai une partie sans prendre de note justement, sans PC ni rien du tout. Ça me fera bizarre ^^

M. D'une part, j'aime bien faire de Millevaux un élément récurrent de mes parties, même si c'est juste anecdotique. L'air de rien, c'est là, j'aime bien. Et puis, ce que j'aime bien aussi dans le fait de jouer à partir de mots-clé, en mode cut-up et en faisant du méta-jeu, c'est la possibilité que ça offre de se prendre la tête pour faire sens. Tout ou presque devient symbolique et j'aime bien me casser la tête avec tout ça. C'est ce qui me manquait dans les parties tradi. En solo, je suis servi ^^

N. Pour être franc, je ne bosse pas du tout la forme de mes CR. Je ne les relis pas, c'est « brut » quoi. Donc, si quelque chose rend bien... c'est vraiment un coup de bol ^^

O. J'ai bien aimé la structure narrative de ce jeu, son alternance de scène entre une résolution d'action, les ragots, la réputation et l'écriture d'une lettre. Avec le solo, je m'intéresse de plus en plus aux jeu dont les règles ne servent pas tant à simuler les actions des personnages qu'à construire un récit bien particulier. The Wicked One est intéressant pour ça aussi et je m'en inspire pour Mantra.


Réponse de Thomas :

E. On pourrait imaginer que le Cafard arrive à retrouver les souvenirs enfouis… Mais tout simplement, le peu de souvenirs qu’il peut piller ici et là fait de lui quelqu’un de riche. Et donc de puissant.

M. Puisque tu aimes le jeu symbolique, tu es mûr pour La Clef des Nuages. J’ignore comment adapter ce jeu en duo vers le solo, mais je suis sûr que tu trouverais comment faire :)


Damien :

E. Cela pourrait être drôle s'il avait accès à des souvenirs que l'hôte a oublié.

M. Et hop ! Dans mes favs !
Outsider. Énergie créative. Univers artisanaux.
Ma page Tipee.
Avatar de l’utilisateur
Pikathulhu
Dieu d'après le panthéon
Messages : 3018
Inscription : dim. août 22, 2010 7:26 pm
Localisation : Morbihan
Contact :

Re: [CR] Millevaux et autres jeux Outsider

Message par Pikathulhu »

VESTIGE

Retour sur la plus grosse session des Sentes ! Tout un week-end d'amour et d'anarchie !

(Au passage : il reste des places pour la session Hiver Nucléaire, le 12 mars à Ambon, Morbihan)

(temps de lecture : 17 min)

Le jeu : Les Sentes, drames forestiers dans une réalité sorcière (jeu de rôle et GN)

Joué les 7-8-9 Janvier au domaine de La Genestrie à Le Gâvre (44)

Image
photo : (C) Laureen Keravec

La page descriptive de la session


Photos :

Photos (C) par Laureen Keravec + quelques extraits sur mon compte Flickr.

Photos CC-BY par Arnaud Nono Lanoix


Vidéos :

Le premier trailer du projet de film/reportage immersif sur Vestige par Bezkad Kalan
Le deuxième trailer du projet de film/reportage immersif sur Vestige par Bezkad Kalan


Mon retour personnel :

Vestige est une session des Sentes particulière à bien des titres. C'est d'abord la première où je ne suis pas le lead orga, puisque cette session a été à l'initiative d'Ashling, Guénic et Alice, trois joueuses de la session Valerrance qui avaient envie de remettre le couvert, ce qui fut fait sous la bannière de l'association Eikona. J'ai rejoint le navire en tant que co-orga, mais je n'ai pas fait grand-chose. On a eu deux réunions en vocal et quelques échanges par discord, mais c'est l'association Eikona qui a fait le gros du travail : travail d'écriture supplémentaire (contexte, écriture de nouvelles communautés), repérage, location et décoration du site (un gros travail puisque l'équipe a décoré un château et une salle des fêtes), coordination des bénévoles.

Image
Une équipe orga de folie ! Photo : (C) Laureen Keravec

C'était aussi la plus longue session des Sentes à ce jour. ça commençait le vendredi soir (bon, vendredi aprem pour les orgas ^ ^ ) et ça terminait le dimanche 14 H (et plus pour l'équipe démontage bien sûr ^^ ) avec dortoir sur place, toute la cuisine gérée par Carl et son équipe (un très grand merci pour l'équipe d'avoir accepté ma demande que tout soit vegan). ça faisait un peu colo-GN en gros avec la soirée du vendredi pour faire connaissance, faire la fête et se calibrer avant que le jeu commence le lendemain.

C'était enfin la session où de loin nous avons été le plus en nombre. 10 orgas et 50 joueuses à vue de nez, et encore nous aurions été pas mal plus s'il n'y avait eu autant de désistements (covid, cas contacts, on était en plein dans la cinquième vague).

Image
photo : (C) Laureen Keravec

Déjà, force est de constater que ça MARCHE. 50 joueuses en impro et (presque) sans coordination, et bien ça tourne. Le jeu s'avère robuste malgré le grand nombre de participant.e.s. On remercie quand même aux passages les orgas quand ils ont pu donner la bonne idée qui débloque (Ashling qui explique en RP aux Recycles qu'ils doivent déménager leur camp soumis aux intempéries) et aux délégué.e.s (je pense que ces réunions étaient plus importantes que jamais). Il faut souligner au passage l'effort exceptionnel qui a été fait pour scénographier les lieux, par la déco et par l'emploi de « papiers ambiance », deux idées que je tâcherai de réinvestir.

Je ne prétends pas que la session a été exempte de problèmes, il y a eu un certain nombre de couacs individuels, tout le monde n'a pas trouvé un jeu à la mesure de ses attentes, et côté orga il y a eu du surmenage sur certains postes alors qu'on voulait être vigilant.e.s là-dessus. Bref, on repart avec l'envie d'améliorer encore des points, mais c'est déjà très satisfaisants de pouvoir monter un GN impro et collaboratif à cette échelle, je pense que ça aurait monstrueusement plus de boulot pour les orgas si ça avait été un GN classique.

Image

Je dois aussi dire un mot sur l'effet de masse que je n'avais jamais expérimenté à ce point (Vestige étant mon plus gros GN tout court). Passé le délicieux vertige de voir autant de monde en costume (l'effet immersif est garanti), il faut admettre qu'il y a une vraie difficulté à trouver de l'intimité. C'était difficile de jouer une scène avec seulement une ou deux personnes sans être interrompu, et parfois brutalement. Heureusement, l'asso avait prévu le coup et la salle des fêtes était parfaitement aménagée pour le jeu intime avec des espaces cloisonnés par des tentures et une ambiance propice à l'introspection. C'est surtout sur les gros temps forts collectifs où il fallait avoir la foi pour poursuivre du jeu intime sans intrusion. Ceci dit, ça n'est pas obligatoirement un défaut. Un GN de cette ampleur emprunte au langage narratif de la fresque. Il y a beaucoup de personnages, certains sont introspectifs, d'autres sont des trublions qui mettent les pieds dans le plat. On est dans un mélange des genres un peu shakespearien. Et donc, même si c'est parfois dur à vivre sur le moment, j'ai aimé que des rituels sérieux ou des déclarations d'amour soient interrompus par des fêtards. Cela fait totalement partie de l'expérience, ou plutôt des expériences qu'offre le GN à beaucoup, et Les Sentes a en réalité pas mal préprogrammé ça, avec un choix de communautés, de missions de vie et de rituels qui varient du tragique au comique. Mais disons que je suis curieux de retourner à des sessions plus modestes, ce qui sera le cas d'Hiver Nucléaire ce 12 mars (20 personnes) avant de reprendre les sessions ambitieuses prévues en automne (Le dernier chemin de Compostelle, Ambon 56, 10-11 septembre + La ZAD des Tréfonds, Treillères 44, 8-9 octobre).

Image

J'ai joué deux personnages. Le premier, Ruine, était un apôtre de la dépression. J'avais littéralement BESOIN de jouer ce personnage, c'était assez cathartique pour moi et le temps très pluvieux de la première journée était parfait pour ça, mais par contre c'était vraiment pas le meilleur perso pour un orga, car il était dans la désunion. J'ai aussi pu constater que je ne suis pas bon pour le jeu en communauté, j'ai été en grande partie responsable de l'éclatement de la mienne, et j'ai systématiquement échoué à tenir mes promesses de jeu vers ma communauté, me concentrant sur les objectifs relationnels de mon personnage. J'en tire la leçon qu'en tant que perso-orga, je suis bien meilleur quand je suis hors-communauté, comme ce fut le cas sur Hiver Nucléaire ou sur Valerrance

Ruine a fini par devenir un horla et s'est fait trucider, et le lendemain j'ai improvisé un nouveau perso, Lumière, un horla chômeur de longue de durée complètement à l'ouest, soûlant mais sympa, qui avait le pouvoir d'apaiser les douleurs morales et physiques. ça m'a fait du bien de jouer ce personnage après Ruine, ça en a complété l'effet cathartique en gros.

Image
Ruine, un personnage tout en feelgood. Photo : (C) Laureen Keravec

Je crois qu'on a toustes traversé quelque chose d'énorme à travers Vestige. On n'en ressort pas indemne et c'est ça qui est beau.

A noter que ce GN a entraîné pas mal de retours. Déjà énormément de photos par Arnaud Nono Lanoix et Laureen Keravec, mais aussi des poèmes et des nouvelles qui racontent le passé ou le vécu de certains personnages, des mèmes, des chansons, un article d'analyse, des projets de GN, un projet de film... Il y a eu aussi 2 ou 3 rencontres post-Vestige qui témoignent des retombées de cette expérience communautaire. ça donne beaucoup de force pour programmer de nouvelles sessions des Sentes, en axant toujours plus sur le meilleur ratio efforts/résultats et sur l'expérience collaborative.


Image
Crédits affiche : Crédits © www.laurentmichelot.com ; Tuomas Puikkonen ; Jonathan E. Shaw ; Terry Heiser / USFWS ; Joachim Aspenlaub Blattboldt


Créations a posteriori par la communauté

Les Sentes, des GN permaculturels, sur Electro-GN, un retour par Pierre-Olivier Blondont, orga sur Vestige

L'Ours Rouge, chanson consacré au personnage Aleksei, par Altar of Madness

Le regard droit, chanson consacré au personnage Lyov, par Altar of Madness

Image
photo : (C) Laureen Keravec


Retour de joueurs et joueuses (je mets ici les noms de leurs personnages)

Silène :
Je viens de rentrer chez moi! Merci à tous c'était vraiment top! Peace and love mes frères!

en souvenir de Ruine, j'aurai voulu la chanter pour son enterrement mais on a pas pu le faire T__T : Zaz / Le jardin des larmes

Anonyme :

Je viens de rentrer également, merci pour ce week-end, c'était très dépaysant ... et plusieurs belles scènes en souvenirs 😄

Essence :
Merci pour ce week-end très chouette 💜

Moineau :
Merci à toustes, c'était un chouette jeu 🙂 J'ai ramené Moineau dans mes bagages mais pour celleux qui voudraient un petit rab de vieille poésie jetée au visage, je renvoie à cette lecture en musique du Coup de dés qui a été une super source d'inspiration.

J'ai picoré vos jeux comme un petit oiseau, et je me suis fait mon petit banquet. J'ai vu éclater les sorcyènes, j'ai fait des rites païens dans la forêt, j'ai donné des émotions à des pros du domaine, j'ai récupéré un vieux livre en faisant le gros forceur, je me suis fait posséder par un affreux horla dédié à sa tourmente... Et puis j'ai fait plein de trucs pas tout à fait décents avec les chères membres de ma communauté, même en gardant une sorte de position de vilain petit canard.

Merci à toustes !

Image
Photo CC-BY par Arnaud Nono Lanoix

XIII :
je voulais aussi vous remercier tou.te.s pour ce week-end magnifique, parfait pour reprendre le GN après deux ans d'arrêt forcé. Merci particulier aux orgas et bénévoles, merci à tou.te.s celleux avec qui j'ai eu la chance d'interagir !

Image

Herne :
et une musique qui, hormis le genre, colle assez bien à Herne (et aux merveilleuses sorcyenes) pour vous dire au revoir 🥰 : Sarah Hester Ross / Savage Daughter

Harpie :

Je suis allée déposer le bâton de Harpie là où vous lui avez rendu un dernier hommage. Merci pour le jeu, les émotions, merci à celleux qui ont accepté la quête fedex d'emporter ma carcasse aveugle d'un point A à un point B, merci à toustes celleux avec qui j'ai partagé de la chouine intense et merveilleuse (big up aux Sorcyènes [Sahar, Espoir/Renouveau, Baume, Hurle, Faux-fil], les 3 sœurs Griffe Silène et Capsule, Moineau, Herne, Jourdain...), merci à toustes les autres pour avoir construit cet univers passionnant et passionné et incarné vos personnages par la force de votre imagination. Nous servons le GN et c'est notre joie 8D
Signé : Harpie aka « Mamie »... ou était-ce le contraire ???

Image
Photo CC-BY par Arnaud Nono Lanoix

Espoir :

Oh les ami.es, ici le spleen de fin de GN s’abat lentement. Qui suis je, où cours je, et dans quel état j’erre... Avec Kismera et Hurle on essaie de se réconforter à grands coups de fondue savoyarde et de vin blanc ! Merci, merci, merci à toustes, pour cette expérience incroyable, ces joies, ces peines, et la violence des sentiments… J’ai vécu une expérience incroyable et in-oubli-able (😉). Au plaisir de vous retrouver dans le monde réel ou dans les sentes.

Cat :
Cat des Saltimpunks est rentrée sans encombre avec son acolyte Beuze et Monique et c'était pas gagné vu sa poisse légendaire...
Elle pose enfin son cul sur son canapé..... Mais il ne ressemble en rien à celui du CANAPISTAN
Merci à toustes pour vos jeux et vos scènes.
Merci aux Zorgas 🍀
CANAPISTAN LIBRE

Image
Photo CC-BY par Arnaud Nono Lanoix

Capsule :
Hey, c'était super cool, merci pour ce petit moment d'évasion au milieu d'une période pas méga chouette qui dure depuis trop longtemps (Nique Ton Covid, whoop whoop !)
Cimer tout le monde, c'était un plaisir de vous (re)croiser pour ces beaux moments de jeu (et aussi d'hors jeu d'ailleurs, parce que mine de rien ce GN c'était aussi l'occaz' de recroiser des potes pas vu·es depuis à peu près une éternité 😄 )
J'vais reposer la crête et la voix, et continuer de bosser la gratte pour être capable de tenir un rythme sur le prochain GN pour arrêter de faire grincer les dents de ce connard de Canette (ou pas)
Des bises, au plaisir de rejouer avec vous

Jourdain :

Salut, ici Jourdain, le réceptacle de l'Esprit-Chèvre 🐐 (et de tant d'amouuuur) ! C'était super cool de rejouer après de si nombreux de mois. Merci à tou.te.s pour cette magnifique parenthèse, tant sur l'expérience que sur votre chaleur humaine. Merci à toute l'organisation et aux divins concepteurs des cookies réparateurs ! Je vous retrouverai, au choix, dans le monde réel, dans un monde imaginaire ou dans les Sentes.
You know it. Trust the GOAT !

Image
Photo CC-BY par Arnaud Nono Lanoix

Dutch :

Quelle belle parenthèse en ces temps complexe. C'est un bonheur de pouvoir jouer intensément en toute bienveillance

Capricorne :

Merci à tout le monde d'avoir rendu ce week-end aussi fantastique. C'était mon deuxième GN et demi et j'avais bien peur avant de commencer, mais la forêt et ses habitants m'ont portée et apporté beaucoup d'émotions que je n'oublierai pas 🙂
Merci Ashling et Thomas Munier d'avoir permis cet entre-temps,
Merci les Saltimpunks, vous étiez sublimes !! J'ai pas beaucoup joué avec vous mais j'ai adoré vous voir jouer. Quelle classe ultime, le Canapistan ❤️
Merci à toutes et tous pour tout ce que vous avez fait, c'était fou 🙂

Zéphyr :
Qu'est-ce que c'était cool de rejouer. Ça m'a fait oublier le temps maussade aussi bien niveau météo qu'au niveau de l'actualité virale. Bcp bcp de personnes que je ne connaissait pas sur ce GN ça m'a permis de belles rencontres notamment dans mon groupe de Bisounours défoncés. Gros câlins à vous toutes et tous.

Image
Le château de Dédale. Photo CC-BY par Arnaud Nono Lanoix

Carl (orga) :

Salut ! Carl de la cook-team. Merci pour votre enthousiasme culinaire ! 🙂 Ça fait super plaisir de nourrir 70 personnes avec des plats simples et végan, et que ça passe. (bien, apparemment) Je transmets vos remarques à la team : ça leur fara plaisir ! 🙂
Pour les cookies, le secret est dans le beurre de cacahuète !
Malheureusement pas assez de temps/énergie pour venir plus jouer avec vous, mais vous étiez beaux ! GG à la team orga pour avoir mis ça en place !

Mon retour personnel :

Je suis en descente tranquillement ! Un grand merci à la team orga et à toutes les joueuses et jours pour avoir rendu cet événement possible ! C'était très cool de pouvoir refaire une session des Sentes d'une telle envergure si rapidement après la précédente ! On se retrouvera peut-être pour une prochaine session des Sentes, il y a pas mal de choses encore sur le feu pour 2022 ! Force à vous toutes et toutes, ne cédez pas à la tentation du désespoir ! Et tout est lié !
Johny Cash / Hurt

Image
Photo CC-BY par Arnaud Nono Lanoix

Ashling (orga) :

j'arrive chez moi, ça y est le GN Vestige est fini et j'ai laissé un petit bout de mon cœur dans la Boîte.
Merci !
A bientôt

Image

Réponses à Ashling :
Silène :
La salle préférée de Silène! (Sauf quand il y avait des horlas ^^)
Jourdain :
Quelle salle, quel jeu !

XIII :
Mon cœur est enterré quelque part dans la forêt avec une plante magique de Sorcyène. Merci encore, un million de fois, pour ce jeu sublime

Image
Photo CC-BY par Arnaud Nono Lanoix

Viggo :
Merci d'avoir créé et porté cette idée, ce moment et ce jeu, avec toutes les personnes qui t'ont accompagné !
De nombreux souvenirs resteront en mémoire !

XIII :
je disais donc
les horlas
ils sont JONTILS

Capsule

C'est ce que j'avais dit sur Dusk River
Z'ont pas voulu me croire

Espoir :
Sur dusk river vous étiez absolument les pires

XIII :
êtres de peu de foi 😞

Espoir :
Vous m’avez complètement traumatisé.e

Silène :
LES HORLAS SONT VILS

Image
Photo CC-BY par Arnaud Nono Lanoix

Jourdain
MANIF -> PANCARTE -> « Les horlas ne passeront pas ! »

Capsule :
Mon perso avait juste raté 2-3 codes sociaux. Mais était pétri de bonnes intentions, en vrai. Mais faut bien manger, hein ! 😝

XIII :
contre-manif ! NON A L'OPPRESSION DES HORLAS ! L'ANTIHORLAISME DOIT TOMBER !

Capsule :
No future, no horla xD

Aleksei :
Ouais mais si les horlas ils sont gentils, on décapite qui après ? 🤔

Image
Photo CC-BY par Arnaud Nono Lanoix

Griffe :
Bah écoutez Griffe est enfin rentré chez elle donc après ces tractations sur les droits des Horlas (qui sont vraiment pas les pires, regardez Aleksei) je vais prendre une douche

Silène :
Parle en à ma famille que l'amant de ma sœur a décimé!

Aleksei :
Vas-y, essaie 😛

XIII :
i did
ça s'est pas bien passé

Griffe :
J'étais tellement prête à croire que c'était pas volontaire en plus T.T

XIII :
en même temps j'avais que mes mains et une brouette
la décapitation à la brouette ça marche pas trop bien

Silène :
ça après c'était sujet à interprétation et point de vue

Capsule :
chiche

Image
Photo CC-BY par Arnaud Nono Lanoix

Silène :
le horla aurait pu avoir eu peur et juste envie de se défendre. Ou juste être vile de base
pour Silène il était vil

Griffe :
exactement

XIII :
y a des connards partout

Silène :
c'est sur

Capsule :
OUAIS

XIII :
à la Milice, aux assédics, chez les Horlas

Silène :
et des monstres chez les humains aussi

Griffe :
mais surtout à la Milice

Capsule :
DANS LE CANAPÉ

XIII :
vouala

Silène :
zieute du côté du rouge

XIII :
Herne était full ready à défoncer les saltimpunks si vous touchiez à Rark
bon malheureusement j'ai pas entendu quand on m'appelait à l'aide 😂

Capsule :
C'est pas faute d'avoir essayé hein !

XIII :
ça aurait pu faire une super belle scène
j'aurais adoré jouer Herne qui se vnr

Capsule :
Cette scène où on a enfin trouvé Rark était... improbable, n'empêche
On venait de finir de littéralement improviser une sérénade sur l'air de Mad World à la guitare parce que l'autre tocard de Beuze osait pas avouer ses sentiments à la fille du général de la milice. A peine le temps de finir que l'alpha putois apparaît. Je jette ma guitare à Cate, je charge, et je me prends un tir de sarbacane. Cartoon GN

XIII :
😂 😂 😂

Canarchy (ex-Canavar etre-punk)
un coup de pistoDodo

XIII :
c'est ce que j'ai adoré dans ce GN : l'alternance de scènes ultra drama, infiniment belles et à pleurer de rire

Image
Photo CC-BY par Arnaud Nono Lanoix

Griffe :
(Vraiment après la dernière scène avec le Horla de Griffe, je remercierai jamais assez Lyov d'être allé se balader avec moi dans les bois ça m'a permit de souffler)

Capsule :
(J'adore ton renommage Canarchy xD)

Aleksei :
Clairement ! Tu passes du rire aux larmes en 10 secondes top chrono. J'en veux pour preuve l'instant où Lyov, le sous-off de la Milice, rentre de sa douche avec toute l'innocence du monde, pour retrouver le lieutenant colonel baignant dans du sang de Horla. Sa seule réaction, aller chercher de quoi nettoyer la scène de crime, avec le plus grand des calmes, comme si c'était juste une procédure de routine, tandis que l'autre andouille se barre en hurlant de rire avec le cadavre sous le bras. Lyov, tu m'as absolument achevé sur ce coup-là xD

XIII :
excellent 😂

Griffe :
j'y ai assisté, je confirme

Image
photo : (C) Laureen Keravec

XIII :
pour moi c'était l'enchaînement entre la scène du renversement de Sahar par Espoir avec de la douleur et des larmes et de la rage à Lumière qui vient nous parler de chômeurs longue durée et d'assédic

Aleksei :
L'enchaînement a du être bien brutal... ^^

XIII :
d'autant plus difficile que le personnage de Herne n'y comprenait strictement rien (pendant que sa fouine ravalait un fou rire tout à fait épique)
je crois que j'ai fixé Thomas Munier avec des grands yeux exorbités et une expression vaguement terrifiée pendant bien cinq minutes
bref, je vous ai dit que vous étiez tou.te.s absolument magnifiques et incroyables ? voilà

Hurle :
Merci à toustes pour votre créativité et vos personnages hauts en couleur. Et merci aux orgas pour leur fantastique travail ! 🖤

Griffe :
Je suis tellement désolée pour heu
l'attaque surprise de la vieille

Hurle :
Nah c’était trop cool ! Faut pas regretter des trucs comme ça haha, ça contribue à l’intensité du jeu ! 🐥

Image
photo : (C) Laureen Keravec

Aleksei :
Bon, camarades et voyageurs de tous horizons, je crois qu'il est temps de faire un message de remerciement en bonne et due forme ! Merci à tous de vous être investis dans vos personnages comme vous l'avez fait, merci d'avoir fait des costumes de malade (je tire mon chapeau aux Recycles, à Silex et aux Saltimpunks dans ce domaine, vous étiez magnifiques), merci d'avoir donné et apporté autant. C'est ce que disait Thomas, les Sentes c'est des ronds concentriques dans une mare, même les événements qu'on ne voit pas finissent par nous atteindre. C'est un tissu vivant, c'est organique, c'est fort, c'est extraordinaire.

Bien évidemment, je vais aussi remercier du fond du cœur les joueureuses de la Milice, mes chers camarades, avec qui j'ai adoré jouer. Merci de m'avoir supporté et d'être entrés dans le délire ! Une pensée pour Pictos, Laureen et le troisième mémographe, vous voir évoluer en jeu (et vous prendre à parti quand j'en ai eu l'occasion) était bien kiffant aussi. Merci Griffe pour la scène de torture et pour ta qualité de jeu, merci Philippe pour nos quelques discussions, merci Igor et Grishka pour les plombs que vous m'avez fait péter... Bref, la liste est longue.

On ne peut pas finir sans demander un tonnerre d'applaudissements pour la team orga, les bénévoles, pour Carl, pour Ash et Thomas, car organiser un GN dans une période pareille relève du tour de force, et je pense que le défi a été relevé avec un brio tout particulier. A bientôt pour une prochaine édition des Sentes, sur d'autres GN ou dans le monde réel, prenez soin de vous !

Ashling :
Arnaud nous partage son merveilleux album de photos du GN :

« Avant que que nos souvenirs ne s'échappent, gardez tous une trace de l'histoire de notre rencontre à Dédale... j'ai cadré quelques brefs instants de vos vies à tous, alors diffusez ces archives, conservez les, montrez les, c'est les seules traces indélébiles de nos si temporaires existences... mais dépêchez vous avant qu'un Horla ne surgisse »
Kineo, archiviste-mémographe

Jourdain
Un immense merci !


Image
Photo CC-BY par Arnaud Nono Lanoix

La mémoire de Griffe :

Tu es Griffe, ou en tout cas c'est le nom que tu as prit. Tu as dit que tu avais choisi le nom de ce qui avait mit fin à ton ancienne vie. De toute façon, tu ne t'en souviens pas bien.
Il y avait des mains jointes aux tiennes, et des voix chantantes, et des images de vols d'oiseaux.
Il y avait aussi quelqu'un de caché, ou de secret, dont les mains étaient jointes aux tiennes.
Il y avait ça, puis il y a eu du sang. Des cris. De la douleur sur ton visage, une chaleur poisseuse.
Tu n'as jamais eu aussi mal, tu as cru mourir. D'une certaine manière, tu es un peu morte.
Tu étais seule et ne parlais plus qu'aux bois quand quelqu'un est venu. En tout cas, il te semble. Il parlait le même langage que toi, quand il t'a prit tes souvenirs, ou qu'il les a volés, ou qu'il t'a convaincu de lui donner. Tu ne te rappelles pas.
Celle que tu étais avant a disparu en même temps que les mains qui tenaient les tiennes.
Tu as oublié jusqu'à comment on ressentait la joie, il n'y avait plus la place pour ça en toi.
Tu as perdu beaucoup de tes émotions, une à une, et tu n'as gardé que la rage. Tu es furieuse, tu as peur, tu es acculée dans un coin et prête à mordre et à lacérer. Tu veux venger celle que tu étais avant.
Mais la chaleur des mains qui tenaient les tiennes te manque. Le secret de ton ancienne vie te manque, même si tu ne sais pas comment le récupérer.
Tu es seule, et tu deviens chasseur. Tu ne parles pas le langage des hommes, tu ne penses plus à ce que tu ressens : tu survis. Tu te défaits des lambeaux de ta vie d'avant comme autant de vêtements inutiles.
Ton visage a changé à la fin de ta vie d'avant, tu l'as vu dans un ruisseau. Les longues plaies sur tes joues ne se sont jamais refermé, elles suintent la même chaleur poisseuse qu'au premier jour, peu importe à quel point tu les laves et les recouds à l'aiguille et au gros fil. Qui t'a appris à le faire ?

[PARTIE 2]

Et un jour ils arrivent. Ceux qui sont comme toi : hideux, difformes, étranges. Ils te font comprendre que tu as ta place parmi eux
Tu manges quelque chose de chaud, entourée de visages qui semblent compatissants.
Et tu dors en sécurité, prête à faire un bout de route avec eux.
Tu deviens leur Chair : tu n'as plus tous tes souvenirs, mais tu les empêches de perdre les leurs. Dans la douleur et le sang, tu graves à même la peau l'histoire de vie de chacun. Tu la fonds en encre ou la coupes en scarification. Tu es la gardienne de leurs histoires de vie.


Image
Photo CC-BY par Arnaud Nono Lanoix

La mémoire de Jourdain :

“Là où le mouton fait défaut, la chèvre est appelée Majesté.”
Proverbe Turc

Je sais qui j’étais avant. Un professeur d’histoire, quelque chose comme ça.
Les livres d’histoire dans ma mallette de cuir en attestent.
Malheureusement, il n’en reste rien.
Le feu les a tous consumé, au fur et à mesure des nuits et des repas.
Cela fait-il longtemps ? Je n’en sais rien. Je perds le fil, jusqu’à un certain point.
Pourtant, tout s’assombrit, puis s’éclaircit en un instant.
Les ténèbres, c’est ce jour où je t’ai perdu.
Nous sommes entourés de verdure et je crois qu’il fait beau ce matin. Un parc ? Un jardin ?
Je marche à tes côtés. Je revois le collier autour de ton cou scintiller dans la lumière du jour qui se lève. C’était celui que je t’avais offert ce jour-là, quand nous avions décidé de…
Je tombe au sol, mes chevilles entravées. J’ai le souffle coupé. Ma vision se trouble.
Je te vois devant moi, toujours debout.
Je me sens tiré vers l’arrière, entraîné.
Je suis incapable de voir ce qu’il m’arrive.
Je croise ton regard lorsque tu fais demi-tour d’un bref mouvement d’épaule.
Et je vois tes yeux se remplir de crainte. Je te vois me tourner le dos et t’enfuir en hurlant.
Les souvenirs de ton visage s’estompent dans ma mémoire depuis quelque temps.
Depuis ce jour-là, je rêve.
Je rêve et j’arbore un visage mutilé.
Je rêve plus que je ne vis.
Je ne sais ce qu’il s’est passé.
Quelque chose pousse en moi.
Ou bien est-ce moi qui grandis, qui pousse.
Une partie de moi souhaite sortir de mon propre corps.
J’ai toujours rêvé, aussi loin que je m’en souvienne
Mais pas des rêves comme ça.
Dans mes rêves, il y a toujours un bouc, ou une chèvre.
Il y a d’autres personnes, parfois connues, mais il y a toujours une chèvre.
L’esprit-bouc façonne l’avenir de l’humanité.
Je rêve pour le groupe, pour les groupes, pour tout un chacun.
Plus je rêve, moins je vis.
Plus je raconte mes rêves, plus les gens se remettent à vivre.
Viendra le jour où je ne me souviendrais plus de rien de moi-même, je serai le dernier vaisseau.

Je suis passé de l’ombre à la lumière, par la Mère nourricière.
De bénéfices, la chèvre est promesse.
Corne d’abondance, succession, pulsion sexuelle, renouveau.
Aix, Aios, Kornbocke, l’Oracle de Delphes est né de la danse des chèvres.
C’est le corps de la Chimère, une morale refoulée.
Les chiffres: 51.63.81.97.99
Les Titans avaient peur d’elle.


Un poème consacré au personnage de Sadb :

Sous la pluie, les gouttes et mes larmes se lient.
Une fois recueillie, je cherche tatouage
Auprès de Chaires pour m'éviter le naufrage,
Limiter l'oubli pour celle qui est trahie.

Une froide présence, je deviens furie !
J'attaque, j'aboie sur l'odieux personnage !
Il veut un souvenir de la sauvage,
Le secret, j'oublie ; je me venge, c'est fini.

Bienveillance, toute puissance, méfiance,
Et la main du deuil entre dans la danse.
Erreur fatale. Rideau sur Dédale.

A la croisée, je rencontre une communauté.
Les Affranchis apprivoisent l'animal,
La pluie s'est enfin arrêtée, tout est lié.

Image
Outsider. Énergie créative. Univers artisanaux.
Ma page Tipee.
Avatar de l’utilisateur
Pikathulhu
Dieu d'après le panthéon
Messages : 3018
Inscription : dim. août 22, 2010 7:26 pm
Localisation : Morbihan
Contact :

Re: [CR] Millevaux et autres jeux Outsider

Message par Pikathulhu »

L'AVERSEUSE

Premier test du jeu de rôle Hantise autour d'un enfant qui fait un bruit de montre et d'une vieille femme à la fois guérisseuse et sorceleuse. Un récit par Claude Féry

(temps de lecture : 3 min)

Joué le 16/11/2019

Le jeu : Hantise, un jeu de rôle poétique par Claude Féry pour vivre et faire vivre des envoûtements dans la forêt sorcière de Millevaux

Image
Bernd Thaller, cc-by


Effectif pour cette session quatre personnes : Alex, Gabrielle, Xavier et moi-même.

Suite de la partie L'horlogiste jouée avec Sève, la durée du oui

Nous avons joué un peu plus d’1h30 de fiction en utilisant les personnages définis lors de notre dernière session et en y adjoignant Le Vagabond , joué par Gabrielle.

Fiction :

Nous avons découvert en observant la forêt qui pousse autour des pierres tombales en périphérie de notre Venise fantasmée un trou qui a attiré l’attention d’Albert.

Le Vagabond a tout d’abord rassuré le jeune gamin puis l’a inquiété un peu plus en évoquant des chouettes qui guetteraient leurs proies depuis leur terrier du monde d’en bas.
Déjà que Petite et Léo posaient des questions bizarres sur les fantômes, la mort, le temps qui arrête le cycle de la vie, il n’en faut pas plus pour qu’ Albert se convainque que le comportement de Léo qui tic-taque sans cesse est pour le moins suspect.
Albert craint que Léo ne soit possédé par une résurgence de l’ horlogiste et qu’il cherche à son tour à lui boustifailler le ciboulot, à le maravouter. En chuchotant, il sollicite l’aide du Vagabond et de Petite , la vieille Averseuse étant hors de vue.
Le Vagabond est dubitatif et seule Petite semble préoccupée. Mais elle se ravise et bientôt considère que c’est le Albert qui est un peu détraqué.
Lorsque l’ Averseuse , chargée d’entretenir le pacte avec les Castors qui protègent la ville s’en revient enfin, ils l’interrogent.
La vieille impose un bâillon au garnement afin de réduire au silence son incessant tic-tac.
Puis, elle s’enquiert du mal que ressent le petit Albert . Elle somme le sorcier qui habite Léo et se dernier se récrie qu’il n’est pas sorcier. Après un silence, les gamins supposent que la sorcière responsable de l’envoûtement n’est autre que la vieille Averseuse .
Tous se carapatent au cœur de la forêt. Il tête la sève d’un vieux saule, récite une vieille poésie exhumée de leurs souvenirs rancis et agitent leur badine de sourcier.
Mais, ce n’est qu’à contrecœur que Petite s’est résolue à boire la sève et chacun entonne une formule différent si bien que l’envoûtement les prend.
Le Vagabond est bien conscient qu’ils sont désormais condamnés à errer en ermites, tous les quatre, sans pouvoir se comprendre. Albert est terrorisé par les chouettes, Léo tic-taque de plus belle et est devenu un horlogiste en second, tandis que Le Vagabond a perdu la foi en les méandres de l’esprit humain que symbolisait son seul trésor, sa rose des vents, et la pauvre Petite s’évertue à rassurer ce pauvre petit monde.

Image


Bilan provisoire :

Nous avons débuté la session sur le mode Sève, la durée du oui sans concertation préalable particulière.
Dans ma seconde instance j’ai introduit la suspicion d’envoûtement et nous avons basculé sur le mode de jeu Hantée, suivant sa procédure au sein de nos instances respectives de Sève, la durée du oui.
Cela a fonctionné.
Les joueuses ont ressenti la tension grimper entre les personnages et je fus bien surpris de découvrir que Léo n’était pas le sorcier mais la hantée tout comme nous autres.
De bons moments liés à l’interprétation des personnages, des jeux de mots, de la poésie aussi, ont émaillés la montée en puissance du charme jeté par la sorcière.
Nous nous sommes spontanément réfugié plus profondément dans Forêt qui Avance pour lui opposer sa puissance et nous préserver des maléfices de la vieille menteuse.
Peine perdue, nous avons tiré la mort parmi nos quatre lames et ensuite nous avons, Xavier en premier assez spontanément, puis moi conté notre perte. Gabrielle a clôt le récit en intégrant un poème et un choix musical d’accompagnement.
Ce fut une très agréable partie.

Image


Commentaire de Thomas :

A. «  des chouettes qui guetteraient leurs proies depuis leur terrier du monde d’en bas. » > vraiment une super image
B. J'aime beaucoup aussi le photomontage avec la maison qui surplombe un reflet aquatique de forêt, qui nous renforce dans l'idée de forêts limbiques comme étant un monde souterrain, inversé, aquatique. J'avais d'ailleurs déjà présenté les forêts limbiques de cette façon dans une partie de Marchebranche, La fille au ruban rouge
C. La lecture du CR donne peu d'éléments propres au contexte vénitien : est-ce que c'était exploité durant la partie ?


Réponse de Claude :

C. J'ai utilisé une instance en décor. Nous avons évolué dans un cimetière reconquis par Forêt qui avance. Nous avons spontanément considéré que c'était la lisière de la forêt limbique.
J'ai évoqué également que les Castors entretiennent les canaux d'eau douce pour la préservation de la cité

Image
Outsider. Énergie créative. Univers artisanaux.
Ma page Tipee.
Avatar de l’utilisateur
Pikathulhu
Dieu d'après le panthéon
Messages : 3018
Inscription : dim. août 22, 2010 7:26 pm
Localisation : Morbihan
Contact :

Re: [CR] Millevaux et autres jeux Outsider

Message par Pikathulhu »

LE PONT DE LA DISCORDE

Suite de la méta-campagne auvergnate pour une double table orchestrée avec kF autour d'un pont en construction et de deux clans en guerre larvée... Une situation aussi explosive que la partie fut difficile.

(temps de lecture : 29 minutes)

Le jeu : Écorce, par Thomas Munier. Aventures extrêmes dans les forêts maudites de Millevaux. Viscéral. Survivaliste. A l'ancienne.

Joué le 26/05/18 au Gîte Millevaux, près de la forêt de Rennes.

Image
Theo G N, cc-by-nc-nd

Personnages : Magaïv, Vihèyekarne, Griffe, Feuille, Muffin, Maru-Aru, Varenne

Partie également débriefée par kF et Eugénie au début du podcast scrutateur : Expériences de l’échec, sur la chaîne youtube de kF

Parties précédentes de la méta-campagne Auvergnate :
1. L'ennemi sans visage


Le contexte :

Autant prévenir à l'avance que la partie fut difficile. On peut même parler d'échec. Et c'est justement pour cela que ce compte-rendu va vous intéresser. Il est très riche d'enseignements et rappelle, s'il en est besoin, à quel point il est important de connaître des échecs.

Lors du Gîte Millevaux, je m'étais ouvert à kF de ma réticence à animer une partie de jeu de rôle de longue durée, car je devais faire le taxi pour les invité.e.s. kF, qui avait déjà joué à Écorce avec moi, m'avait alors proposé de faire co-MJ. Au départ, l'idée était qu'il prenne le relais lorsque je m'absentais pour faire le taxi. On avait limité les places à 6 joueuses en plus de nous. Au final, le jour J, les choses se sont passées différemment. Je n'avais personne à véhiculer de la soirée, et donc l'assurance d'être toujours présent. Nous avons accepté une joueuse de plus, et d'une partie à deux MJ, nous avons dévié vers un concept de double table.

J'étais assez impatient de tester un concept inspiré par kF : le groupe de personnages organisé autour d'une carte, en l’occurrence une carte IGN réelle de la région de Noirmont-Ferrand, que je compte utiliser pour toute ma campagne tournante auvergnate.

Depuis la partie à laquelle kF avait pris part, le jeu avait subi quelques évolutions. J'ai manqué de temps pour en instruire kF et lui-même a manqué de temps pour lire mon brouillon au préalable. Au final, nous avons brainstormé moins d'un quart d'heure avant la partie. Nous voulions garder la carte. J'ai proposé l'idée d'une petite caravane, limitée à 12 figurants + les personnages, et scindée en deux : le cortège de tête, les nantis, serait équipé de la carte, le cortège de queue, les laissés pour compte, n'aurait pas la carte (mais la convoiterait). Ce serait une toute petite caravane, sans véhicule à moteur ni même de traction animale (je pensais à des chaises à porteur pour les nantis, et à des gueux entrechoquant des noix de coco pour imiter le trot des chevaux, comme dans Monthy Python : Sacré Graal). Mais cette idée a été abandonnée pour une simple raison : dans Écorce, ce sont les joueuses qui disent l'objectif du groupe. Cela me paraissait donc abusif de dresser un tel portrait de départ. J'avais également un autre concept en tête, un groupe qui mine dans les forêts limbiques et l'autre qui rapporte le fruit du minage dans le monde réel, avec possibilité d'allers et venues continuels entre monde réel et forêt limbique. Mais ce deuxième concept sera mis de côté pour les mêmes raisons et aussi parce que kF, fatigué, préfère éviter le vertige logique, et c’était aussi la requête d’autres joueuses ( Avec du recul, je pense pourtant que ça nous aurait simplifié la vie : on aurait eu un moyen simple de justifier la communication et le déplacement facile d’un groupe à l’autre). Fatigué de même, j'acquiesce.

On réunit donc les joueuses autour de la carte. En préparation, j'avais éloigné les tables de deux mètres, puis je les avais rejointes, pour que tout le monde voit la carte, en me disant qu'on les séparerait à nouveau. Tout le monde est de très bonne humeur, le Gîte Millevaux bat son plein. De trop bonne humeur. L'ambiance est potache. A ce stade de mon développement, je vise un briefing court (dix minutes) qui insiste sur le fait que tout se découvre en jeu. Mais j'ai le sentiment qu'aussi court soit-il, ce briefing est peu écouté. J'ai distribué les personnages en même temps et je me demande si la découverte des personnages n'accapare pas un peu trop l'attention des joueuses.
Le groupe se met d'accord sur le concept suivant : le chantier de construction d'un pont au-dessus d'un gros bras de rivière escarpé. Du pont, il n'y a qu'une structure mais un pont de cordes permet des passages d'hommes d'une rive à l'autre. De chaque côté, deux clans rivaux campent : les Mousseux et les Rivemolle. Ils se sont mis d'accord pour bâtir le pont ensemble mais c'est la seule chose qui les empêche de se faire la guerre [Apparemment, c’est ma vision à moi : d’après les retours à froid, du côté joueuses, on pense surtout que les clans s’entendent mal mais pas au point de se faire la guerre]. Les joueuses proposent de se disposer d'un côté ou de l'autre de la table en fonction de leur clan. kF fera jouer les Mousseux (Muffin, Maru-Aru, Griffe) tandis que je ferai jouer les Rivemolle (Magaïv, Varenne et Vihèyekarne, un personnage récupéré de la partie précédente, mais je ne brieferai pas le joueur sur les exploits passés de ce personnage) et leur otage Mousseux : Feuille. Nous manquons de place et en tant que MJ nous nous retrouvons à gérer depuis le bout de table (alors que nos équipes respectives sont disposées tout en longueur) ou, pire, dans le dos des joueuses.

Feuille, un personnage du clan des Mousseux est laissé en otage chez les Rivemolle en gage de bonne foi. On omet de mettre un otage de l'autre côté. Je sens en briefing que Feuille a grave envie de se faire la malle, et que c'est facile parce qu'elle est libre de ses mouvements. Je sens que déjà, Feuille ronge son frein pour s'évader. Je demande à chaque joueuse de décrire un figurant, tandis que kF et moi complétons ce casting pour avoir six figurants prédéfinis sur chaque rive. Le joueur de Feuille me décrit Cendre, son Fils, resté chez les Mousseux, qui se met en danger pour sauver sa mère. J'annonce alors au débotté que si Feuille revient chez les Mousseux, c'est un casus belli. [Précision à froid de la joueuse de Varenne : « On trouve ce compromis ensemble : le joueur de Feuille est parti pour jouer en PvP (otage retenu contre son gré, enlevé ou monnayé), la joueuse de Muffin et moi annonçons que nous ne voulons pas jouer une opposition frontale entre les clans (otage proposé pour sceller une alliance, vivant en égal parmi le clan adverse). Un problème de départ ici : on trouve une solution immédiate (le casus belli) mais aucun de nous ne dévie de son imaginaire de départ. Ça a rendu les choses compliquées ensuite. »]


Figurants du clan des Mousseux :
Gromorgor, élagage solitaire, suspecté, pourquoi pas bouffé ? Famille
Celui dans les ombres, monte la garde, on le devine mais on ne le voit pas
Maman : sorcière, qui écoute, accompagne. Compte sur...
Cendre : fils de Feuille, peut allumer et éteindre le feu, d'un simple regard, se met en danger pour sauver son père
L'Ours, viande rouge, -1 PV mais souvenir : bunker
Les sapins agressifs, aiguilles putrides, âmes des amis du pont, guidés par le Grand Pin


Figurants du clan de Rivemolle :
Docteur Chestel, miasmologue émérite
Kinder, chasseur de fées (squelettes en cage)
Le Prince, enfant du chef du village, héritier perdu dans la forêt limbique, apparaît dans les miroirs, sourit et nargue les villageois en évoquant la présence d'un pont limbique déjà terminé.
L'ancien chef, devenu dépressif depuis la fugue de Cendre (Varenne assure l'intérim)
Clouterie, le menuisier (vidé de sa mémoire par la cheffe des Visages Blancs)
Besse, sœur de Varenne, bas de plafond, costaude, du genre à porter des planches.
Chep, fille de Magaïv, 11 ans, très intelligente [Précision à froid de la joueuse de Varenne : en fait d’après les joueuses, c’était une blague. Chep était d’une intelligence normale, c’est juste que son idiot de père la trouvait brillante. Mais pour ma part, j’ai vraiment compris que Chep était une sorte de génie].


L'histoire :

Les événements se passent au mois de Charnier. C'est l'aube. La rivière est prise en glace, elle adopte des formes étranges et circonvolutives. Les deux camps, formés de baraquements de fortune, se font face, séparés par le pont qui n'est encore qu'un squelette de bois.

Vihèyekarne aperçoit le reflet de Prince au fond de la rivière glacée, qui lui fait signe, mais elle se fait violence pour ne pas le suivre.

Magaïv est un idiot, mais Chep, sa fille est un génie. Ce matin, elle s'est installée en position du lotus dans la neige et fixe le pont avec insistance. Magaïv lui demande ce qui lui prend, mais impossible de lui décrocher la moindre réponse [J'ai tiré comme péripétie une énigme. Je décide que l'énigme est la suivante : l'infrastructure du pont est fragilisée et il faut le renforcer rapidement avec des planches. Seule Chep est assez intelligente pour voir ce problème, mais elle est tellement concentrée dessus qu'elle est incapable de parler. La véritable énigme, c'est de réussir à faire parler Chep.] [Retour à froid de la joueuse de Varenne : Là pour moi il y a déjà quelque chose de pas correct : la proposition de départ c'est « vous construisez un pont ». J'aurais attendu du début de partie que tu poses un décor qu'on puisse manipuler : quel espace, comment est foutu le chantier, qui est sur place, qu'est-ce qui nous manque, ce genre de choses. Histoire qu'on puisse commencer à évaluer notre objectif et à prendre des initiatives pour avancer vers ça. Au lieu de ça, tu nous demandes de regarder ailleurs (vers un PNJ qui ne parle pas) et se poser des questions sur ce qu'il a/veut. Et c'est à nous d'aller vers lui pour chercher à savoir, sinon nous serons pénalisés par la chute du pont, qui annihile notre objectif de toute la partie.]
Varenne et sa sœur Besse, ainsi que Vihèyekarne et Feuille partent en forêt ramasser des planches. Magaïv, qui a une ouïe sur-développée, entend des craquements de bois [il fallait comprendre que c'était la structure du pont : aurais-je du davantage le préciser ?] [Retour à froid de la joueuse de Varenne : non c’était clair, mais on ne voyait pas quoi faire de cette information]. Magaïv fume des herbes qu'il a en sa possession. Il a une vision : un souvenir du futur (je lui ai permis de le noter en souvenir) : il voit Chep perdre du sang par le nez et les oreilles, elle fait une attaque. Pour Magaïv, c'est clair, l'intelligence de Chep va causer sa perte. Il plonge la tête de Chep dans la neige. Chep se décoince alors : « Il y a un problème avec le pont ! » (dans ma tête, on pouvait continuer à tenter de décoincer Chep, elle aurait alors expliqué qu'il fallait renforcer avec des planches). Le groupe revient de la forêt sans les planches, pressé parce que quelqu’un a crié (Chep ou son père).
Il y a quelques échanges avec les Mousseux, mais concrètement plus aucune initiative n'est prise. [Retour à froid de la joueuse de Varenne : Ma lecture de ces 15 première minutes de jeu c'est : - regardez mon PNJ plutôt que votre objectif ;- si vous vous éloignez de mon PNJ pour avancer sur votre objectif, je lui fais arriver quelque chose de grave pour vous obliger à revenir vers lui ;- le PNJ ne dit que ce que vous savez déjà, et ne propose pas de nouvel objectif.Ma boussole de joueuses est cassée : à partir de là, je n'ai aucune idée de ce que tu attends de nous, de ce que je suis sensée jouer.
]
Ensuite, il y a une scène assez ubuesque où je ne sais plus quel problème éclate avec Feuille. Vihèyekarne et Magaïv [qui ont tous deux 6 en Crâne / Intelligence] veulent résoudre ce problème par la violence. Varenne [que les deux autres joueurs ont pourtant désignée comme cheffe du clan !] leur donne un ordre contraire mais ils ne l'écoutent pas. Elle tire une rafale de mitraillette en l'air (grillant ses dernières cartouches) mais ils ne l'écoutent pas et donc une empoignade commence. [Dans D&D1 comme dans Écorce, il n'y a pas de règles pour trancher les litiges sociaux entre PJ, hormis les sorts de charme. J'ai alors décidé de laisser l'équipe s'arbitrer d'elle-même. Je crois que ça aboutit sur une friction, alors que j'aurais pu arbitrer en faveur de Varenne qui avait plusieurs arguments dans sa besace : elle était fictionnellement la cheffe, elle a vidé un chargeur de mitraillette... Je pense que j'étais simplement trop saturé de bruit pour avoir la présence d'esprit de le faire, et aussi que c'était la première fois qu'une telle situation de conflit social en PvP se présentait. [Retour à froid de la joueuse de Varenne : C'est pas ta faute, amha, on était tous en mode « régression totale »… à part une pause et un brief carré pour bien poser les choses à plat, dire à quoi on joue exactement et comment, je ne crois pas que tu aurais pu infléchir cette dynamique-là
]
[Autre chose : dans toute cette partie, et ce cas de figure l'illustre bien, je pense qu'on a été embêtés par les scores de 6 en Crâne / Intelligence de Magaïv et Vihèyekarne... Les joueurs ont tenu à interpréter la bêtise de leur personnage, mais du coup ça les poussait à se comporter de façon anti-tactique et antisociale... Je pense qu'on aurait dû faire un point pour discuter de cette interprétation et voir comment on aurait pu mettre de l'eau dans le vin. Le tirage aléatoire des caractéristiques pose des défis d'interprétation qui méritent peut-être d'êtres résolus collectivement et non individuellement.]

Varenne part du côté des Mousseux par le pont de corde, et Magaïv la rejoint en volant (c'est un Corax). Sur place, il va lui arriver des bricoles.

Le pont se disloque !
Chestel le miasmologue et Kinder le chasseur de fées entreprennent de consolider le pont avec des planches, aidés par Feuille qui a des crochets fixés dans le corps et peut les tenir. ça se passe assez mal, à un moment Kinder tombe, Feuille le retient de justesse avec les tripes d'auroch qu'elle a dans son équipement.

De l'autre côté du pont, ça s'agite. Cendre a disparu, on suppose qu'il veut tenter un énième plan de sauvetage de son père. Feuille a promis à Varenne que dans son clan ils peuvent soigner la gamine. Muffin et Varenne se sont retrouvés à la moitié du pont pour en parler. Varenne a proposé de les aider à découvrir et éradiquer ce qui pue chez eux en échange de soins pour Chep.
Les Mousseux, accompagnés par Varenne, suivent les indications de leur Corax qui repère les lieux, jusqu'à une forêt de pins putrides qui semble conspirer la chute du pont pour nuire aux humains. Ils y mettent le feu. Une grosse masse de fumée noire et visqueuse s'écoule de la forêt. Malheureusement les vents la dirigent vers le campement mousseux et le pont. Les Mousseux ordonnent l'évacuation du campement.

Varenne ordonne à Magaïv de voler prévenir les Rivemolle que les Mousseux vont traverser le pont en masse pour évacuer et qu'il faut les accueillir. Magaïv comprend de travers et vole pour prévenir les Rivemolle de se préparer à repousser l'invasion. Avec l'accord de Varenne, Muffin tire sur le Corax qui chute. Varenne le sauve en se tranchant un bras et en le lui transmettant. Il ne volera plus, mais il est vivant.


Une fée avec des ailes de libellule et un corps en fourrure se pose sur l'épaule de Vihèyekarne. Elle lui dit de s'arranger pour que Kinder, le chasseur de fées tombe du haut du pont. En échange, les fées répareront le pont : les fées sont très douées pour ça. Vihèyekarne préfère tuer la bestiole. Elle reçoit alors un de ses souvenirs. La fée se penche sur une autre fée prise dans un des pièges de Kinder. A défaut d'être capable de la sortir de là, elle lui promet de s'arranger pour causer la perte du chasseur.

Feuille harangue le reste du clan pour qu'ils s'activent à réparer le pont. Une petite dizaine de personnes s'affaire dans les cordages pour remettre des planches. Parmi eux, Besse, la sœur de Varenne. Besse tombe en criant : « Planche ! » et son corps s'écrase sur la rivière gelée. [Plusieurs problèmes ici. Le joueur de Feuille s'étonne que les Rivemolle - dont j'ai omis de donner le nombre - ne prennent pas l'initiative de réparer le pont. A ce stade, je suis bien embêté. D'une parce que j'ai le sentiment, fondé ou non, que les personnages se sont tous désintéressé du pont alors que c'est quand même censé être l'objectif du groupe fixé par les joueuses [Retour à froid de la joueuse de Varenne : C'est vrai. En même temps, les joueuses tentent de bien faire : la gamine va mal, pour la soigner il faut aider les autres, donc on y va, tant pis pour le pont. De leur côté, ils identifient une menace plus loin, ils y vont, tant pis pour le pont. Un problème est peut-être que les péripéties elles-mêmes n'ont pas de lien avec la construction du pont ?] - ou alors c'est juste qu'il y a l'air de se passer trop de trucs du côté des Mousseux [retour de la joueuse de Varenne : Il ne se passait pas quand grand-chose en réalité, mais ils avaient l'air de savoir quoi faire, quoi jouer, et ils ne se criaient pas mutuellement dessus.], avec la fumée maléfique et tout, et du coup la tentation est trop grande d'y aller alors que du côté Mousseux, personne ne vient me voir vu que je suis plutôt focalisé, comme à mon habitude dans Écorce, sur des événements picaresques, des péripéties pas du tout spectaculaires vu de loin. A ce stade du jeu, je suis également trop submergé pour trouver de mon côté des prétextes à faire venir des personnages de l'autre rive... On a manqué d'un prétexte intéressant pour faire changer les personnages de table [Retour à froid de la joueuse de Varenne : On en avait un (construire un pont) mais on a joué autre chose dès le début], comme on aurait pu en avoir un si on avait, par exemple, des personnages switchant du monde réel aux forêts limbiques, quitte par ailleurs à faire des switchs forcés comme dans mes doubles tables Millevaux Mantra ou Cœlacanthes. Bon. Grosse digression pour dire qu'à ce moment-là, Feuille se retrouve carrément à être le dernier personnage à ma table. Le joueur se retrouve à devoir gérer la crise du pont alors que son personnage aurait peut-être plutôt intérêt à ce que le pont soit définitivement compromis. Sans parler du fait que ça peut être frustrant de se retrouver en tête à tête avec l'arbitre. Le joueur me demande : « Combien il y a de figurants dans le clan ? Pourquoi y'a que Kinder et Chestel qui viennent aider à retaper le pont ? Ils sont occupés à quoi les autres ? » Et là je suis embêté. Parce que je sais pas gérer les grands nombres et aussi parce que la solution la plus logique - les figurants gèrent le pont puisque les personnages ne le font pas - me paraît antiludique. Du coup, j'ai perdu la possibilité de challenger l'astuce du joueur, puisque les figurants prennent le relais. Alors je passe sur la roue de secours prévue dans ce genre de cas : le jeu karmique. J'applique la même règle que dans Millevaux Choc en retour : si les personnages accomplissent quelque chose d'important, il y a une contrepartie négative. J'aurais pu aussi le faire comme dans Inflorenza Minima, annoncer une contrepartie négative et laisser le choix. Je crois, de mémoire, que j'ai fait un truc entre les deux, ce qui me paraît le mieux pour Écorce, en disant : « Tu peux laisser les figurants gérer l'affaire et passer à autre chose, mais c'est à leurs risques et périls. » Je rends pas le personnage prescient, mais je donne quand même un indice que ça peut mal tourner. Et sur ce, j'annonce la chute et la mort de Besse.
J'aurais bien fait chuter un figurant qu'appréciait Feuille, mais le seul qu'il apprécie, c'est Cendre et il est ailleurs. Alors je choisis la sœur de Varenne. Et en même temps, ça triangule, c'est intéressant. J'applique la règle suivante : je demande à la joueuse de Varenne si elle tenait à sa sœur. Elle hésite, jette un dé20, obtient un 20 naturel, alors elle répond oui. Alors je lui inflige une perte de PV (choc mental) contrebalancée par le gain d'un souvenir (le souvenir de voir mourir sa sœur). Varenne arrive à 0 PV. Jet de survie. Et le hasard veut qu'elle perde juste le souvenir qu'elle vient de gagner. D'un côté, c'est intéressant, c'est cruel, mais je crois que la joueuse a été frustrée. D'une parce qu'elle était assez accaparée par les événements de la brume, ça lui a été difficile de switcher sur la mort de sa sœur, vue depuis l'autre côté du pont. De deux je pense qu'elle aurait voulu pouvoir jouer l'impact, pas faire du jeu intérieur, et cette situation était très difficile à jouer en mode extraverti (puisqu'après tout, Varenne ne s'est pour ainsi dire pas rendu compte de la mort de sa sœur. Elle a subi une lésion mentale sans rien en comprendre de l'origine !). Et ça c'est compliqué. J'ai envie que les jets de survie soient l'occasion de jouer l'impact : les coups font mal aux personnages, parfois ils se relèvent, mais ils n'en sortent jamais indemnes. Et si d'un côté, je trouve assez fort le fait de perdre des souvenirs comme impact, de l'autre j'admets que c'est difficile à roleplayer. La question que je me pose, c'est est-ce que ce roleplay par le vide est intéressant et représente une façon légitime de jouer l'impact ? Ou est-ce que c'est juste du jeu intérieur, voire du non-jeu, qui n'a qu'un sens méta (les joueuses observent la déliquescence de la mémoire de leur perso) ? Ceci dit, la perte d'un souvenir est censée avoir de l'impact : elle crée du manque, de la douleur, et c'est assez précisément simulé par l'état « au supplice » atteint à 0 PV. Mais peut-être que l'état « au supplice » est trop multifactoriel. Causé par des blessures physiques, mentales et mémorielles, il en revient peut-être à être sans cause. L'autre problème, c'est que l'état « au supplice » ne trouve vraiment sa saveur qu'au travers des jets de craquages. Et en l’occurrence, je n'ai eu le temps de n'en demander qu'un durant toute la partie. A nouveau, Écorce montre toutes ses limites en one-shot. C'est un jeu en campagne ou même des choses comme le roleplay doivent être travaillées sur plusieurs séances, à partir de l'observation du système, des mécaniques, et des debriefings. De trois, il y a un gros quiproquo dans cette scène, car en fait, à ce moment-là, contrairement à ce que je crois, Varenne n’est pas sur la rive pour voir sa sœur chuter : elle est dans la forêts de pins maléfiques. Donc une scène qui tombe à plat et pour tout dire qui ne pouvait même pas avoir lieu !]

[Retour à froid de la joueuse de Varenne : Je n'ai aucun intérêt pour ce PNJ que j'ai créé à la volée. Tu m'interromps (alors qu'un autre joueur s'adresse à moi en roleplay et que mon PJ n'est pas du tout sur les lieux) pour me demander si j'y tiens, tu me fais lancer des dés plusieurs fois pour des raisons que je ne comprends pas, et au final retour à la case départ (mon PJ a oublié l'info que la sœur est morte) comme si cette interruption n'avait jamais eu lieu.
À ce moment-là, il n'y a pas de jeu pour moi, ni intérieur ni extérieur. Je ne cherche pas à jouer l'impact ou à roleplayer, pour être honnête je mets toute mon énergie à reconstruire ma suspension d'incrédulité qui vient d'être pulvérisée. Si, à rebours on peut trouver une justification dans la fiction (la traumatisme, la perte d'un souvenir, les liens familiaux...), dans ma perception du jeu sur le moment c'est juste une énorme dissonance.
Cette situation est un bon exemple de la rupture qu'il y a eu entre la réalisation de la partie (par nous toustes) et la promesse que représente un jeu OSR pour moi (qui a fait office de contrat social implicite en l'absence de brief). Dans ma compréhension des choses, l'OSR ne sert pas exactement à raconter des histoires : créer un PNJ qui m'est proche, me demander de décrire mon perso ou de lui imaginer un background, penser des relations en dehors de celles qu'on tisse pendant la partie, le drama « injecté », tout ça ne colle pas avec ce que j'attends d'une partie OSR, et du coup je le vis un peu comme une baston tactique au milieu de Monsterhearts : frustration et brouillage de repères.]


Feuille n'a guère le temps de se remettre de ses émotions qu'un cortège arrive de la forêt. Mené par un palanquin porté à bras et des gardes qui entrechoquent des noix de coco pour rappeler le bruit de sabots des chevaux qu'ils n'ont pas. La meneuse est une femme énigmatique vêtue de rouge, le visage fardé de fiente de corbeau. Elle prétend être la sœur du chef des Rivemolle, et elle-même cheffe du clan des Visages Blancs. Elle prétend que son frère de chef lui a promis que le pont serait géré par les deux clans. Elle vient constater l'avancée des travaux. Comme les travaux sont plus qu'au point mort, elle exige un tribut en réparation. Ce fameux chef est dans un état dépressif grave depuis la disparition de son fils Prince dans les forêts limbiques : il est hors d'état de mener les négociations. La cheffe par intérim, Varenne est partie sur la rive mousseuse gérer le brouillard putride. Feuille décide alors de mener les négociations [là, j'ai encore un souci, après tout elle n'est qu'une otage et le joueur s'occupe de se souci pour tromper l'ennui, ça aurait dû être à un figurant de le faire. Ou alors on se dit que Feuille fait exactement ça pour les mêmes raisons - tromper l'ennui - et on peut aussi trouver un intérêt au revirement de situation - l'otage qui finalement préside à la destinée du clan qui le détient.]. Constatant l'état du pont, la cheffe exige une contrepartie financière pour le retard qu'ont pris les travaux, et donc pour le manque à gagner sur les taxes que son clan aurait fait prélever aux voyageurs. Elle désire être payée en souvenirs. Les souvenirs de tout un homme. Feuille désigne Clouterie, un des charpentiers. Les autres membres du clan protestent un temps, arguant que Feuille n'est pas du village, qu'elle devrait plutôt se sacrifier elle, mais Feuille rétorque que sa valeur en tant qu'otage chuterait alors en flèche, ce qui représenterait un casus belli avec les Mousseux. Les Rivemolle se résignent alors à livrer toute la mémoire de Clouterie, qui se fait donc vider la tête comme une truite et devient une sorte de zombie amnésique, incapable même de retenir ses selles dans son fondement.

Les Mousseux s'offusquent de la présence de ce troisième clan. Feuille sert de porte-parole et arrange le coup. Pour la récompenser, la cheffe des Visages Blancs lui fait une scarification mémorielle. Elle lui grave elle-même la chair pour y inscrire un de ses souvenirs. Feuille a alors une vision d'elle dans le passé, brûlant la véritable cheffe des Visages Blancs pour s'emparer de son identité. Son sbire se plaint de l'odeur de brûlé, elle lui répond : « C'est l'odeur de la vérité » (citation tirée dans l'Almanach qui m'a aidé à construire ce souvenir, lui-même amené par le tirage aléatoire d'une récompense, en l’occurrence cette scarification mémorielle). Feuille sent qu'elle grave vraiment en y mettant tout son cœur. Elles se dévisagent et s'embrassent.


Feuilles de personnages :

Magaïv
Image
Gerd1967, cc-by-nc & Jamie Woolsey, cc-by
Nature : Corax
Penchant : Ambivalence
Malédiction : Hantise
Force : ouïe sur-développée
Handicap : Stupide (mais drôle)

CARACTÉRISTIQUES
VIANDE : 10
OS : 11
NERFS: 8
CRÂNE : 6
TRIPES : 15
GUEULE : 12
PV : Max : 4 / Actuel : 0

COMBAT
Bonus d’attaque : 0
Couenne : 10

Traits distinctifs : les ennemis ont +1 difficulté pour résister à mes sorts

OBJETS, SOUVENIRS & SORTS

Parchemin de chasse infructueuse : Lors d’une nuit sans lune, vous devez parvenir à chasser deux lièvres sur le territoire de chasse de votre ennemi. Si vous y parvenez, l’ennemi est maudit, ses chasses seront désormais infructueuses
Un bocal d’urine avec une étiquette portant le nom d’Howard Hugues
tubercule de forme humanoïde recouvert de mousse
Souvenir : je suis en train de vomir des choses immondes [perdu en jeu]
Une bouteille d’eau très foncée, la capsule est bombée, il est écrit « eau de mémoire »

[Glané en jeu] Souvenir du futur : ma fille a une attaque

Servant : Ma fille, Chep, âgée de 11 ans, super-intelligente

Vihèyekarne
Image
sheenyie & docman, cc-by-nc
humaine, sauvage, idolâtrie
Force : Hyper-vision (+empathie forêt de Lastic)
Handicap : Maladroite (+borgne)
CARACTÉRISTIQUES
Jet de sauvegarde : 15 (+2 contre poison et paralysie, +3 contre la douleur)
les ennemis ont +1 difficulté pour résister à mes sorts
VIANDE : 13
OS : 9
 NERFS: 12
CRÂNE : 6
TRIPES : 15
GUEULE : 8
PV : max 2, actuel 1
Bonus d’attaque : 0
Couenne : 10 (12 avec armure)
Armes : Fourche à fumier 1d6 dégâts
Armures : cage thoracique de lianes mortes-vivantes (perte de 1d6 PV si on la retire) – poids 25 kilos
OBJETS, SOUVENIRS & SORTS
SORT : Consolament cathare : Trouver une source d’eau naturelle, la purifier en y mêlant son sang (perte de 1d6 PV) ou celui d’un fidèle, passer une nuit en prière, on peut ensuite baptiser des fidèles dans cette source : ils deviennent innocents en perdant tous leurs souvenirs, lavés par l’eau consacrée
Heymu, musaraigne mutante hermaphrodite (glanée en cours de route)
Perdu en jeu :
une pierre d’ambre avec des cheveux et un papillon à l’intérieur
Souvenir : je suis ligotée à un arbre par un sorcier qui veut se nourrir de ma peur
Glané en jeu :
Souvenir : Prince chante : « je veux danser avec la pluie pourpre »
Souvenir : sauver le fils

Griffe
Image
United States Marine Corps Official Page, cc-by-nc
Quadra sèche, léger sourire carnassier
Nature : Corax
Penchant : Ambivalence
Malédiction : Tuerie
Force : peut donner à son visage les traits d’un autre animal
Handicap : tuberculeuse
Jet de sauvegarde : 14 (+1 contre la soif et la fatigue, + 3 contre l’oubli)
VIANDE : 10
OS : 11
NERFS: 11
CRÂNE : 9
TRIPES : 7
GUEULE : 12
Points de vie Max : 3 / Actuel 2
COMBAT
Bonus d’attaque : 0
Couenne : 10
OBJETS, SOUVENIRS & SORTS
+ Une coupe de tronc d’arbre fossilisée, on voit les sillons de l’âge de l’arbre, il y a des drôles d’impuretés
+ Parchemin non identifié où il est question d’inceste
+ Mousses et herbes reliées à une masse d’humus souple et solide comme du cuir
Perdu en jeu :
Un colt tout rouillé avec une encoche sur la crosse
Glané en jeu :
terre de cimetière


Muffin
Image
Eric.Parker, cc-by-nc & ssubbotin, domaine public
Nature : humanité
Penchant : ordre
Malédiction : sorcellerie
Force : as de la gâchette (+3 en tir)
Handicap : crédule
VIANDE 6 os 9 nerfs 15 crâne 15 tripes 5 gueule 16
Sauvegarde : 15 (+2 contre la douleur, +1 contre l'emprise, l'égrégore, l'oubli et la soif), -1 contre le froid
PV : Max 5, actuel 5
Bonus d'attaque : -1 au corps à corps, +1 à distance, +4 en tir)
Parchemin d'envoûtement : placer des amorces faites avec des crottes de loup, du sang de jeune fille et des dents de horla autour de la demeure d'une personne. Elle aura alors le mauvais œil et on pourra lui vendre un désenvoûtement lent, coûteux, inefficace.
Animal : l'ombre d'un lièvre
Véhicule : un tracteur enjambeur de vigneron avec son pulvérisateur de pesticides (autonomie en essence : deux quarts de route)
Perdu en jeu :
terre de cimetière
Glané en jeu :
Un colt tout rouillé avec une encoche sur la crosse
Essence, augmente l'autonomie du tracteur de deux quarts de route

Image
joueuse de Muffin, par courtoisie, Eric.Parker, cc-by-nc


Maru-Aru
Image
zoriah & gmeador, cc-by-nc
Nature : Maletronche (fait de lianes et de racines, sensible au feu, langue-liane étrangleuse)
Penchant : ambivalence
Malédiction : idolâtrie
Force : terreur des morts-vivants (+3 pour les repousser)
Handicap : os fragiles (-3 OS, os pété sur 1-3 à chaque blessure physique)
Viande 10 os 12 nerfs 13 crâne 7 tripes 15 gueule 13
Sauvegarde 15 (+3 contre l'emprise, +1 contre la soif, l'égrégore, la folie, la faim)
Objets, souvenirs et sorts :
Repousser les morts-vivants
Asservir les morts-vivants
Souvenir : J'ai été victime d'une passion dévorante pour une personne qui m'avait envoûtée en plaçant une écorce en langue putride sous mes pas.
Véhicule : une vieille ambulance (autonomie essence : 6 quarts de route, mais réservoir siphonné, autonomie est descendue à 4 quarts)
Rituel : sculpter une grande croix de bois, s'y faire crucifier ou y crucifier quelqu'un d'autre (si réussite, jet de sauvegarde contre l'emprise), permet d'obtenir d'importantes révélations sur l'Âge d'Or
Parchemin de sort : un rouleau fait avec l’entièreté de la peau d'un humain, qui parle de changement de corps
Perdu en jeu :
une orchidée suave et suintante

Image
Joueur de Maru-Aru, cc-by-nc


Varenne
Image
aftab, cc-by-nc
Nature : humanité
Penchant : sauvage
Malédiction : idolâtrie
Force : marathonien(ne)
Handicap : folie (aime la barbe à papa)
viande 9 os 6 (descendu à 3) nerfs 10 crâne 9 tripes 9 gueule 10
sauvegarde 15 (+3 contre la douleur, -1 contre la fatigue, +1 contre le froid et l'égrégore)
PV Max 1, actuel 1
Objets, souvenirs et sorts :
Sort : asservir les morts-vivants
Rituel : la prière de Lavazza. Trouver du café et une cafetière. Faire du café. Savourer. Avoir un flash mystique de l'Âge d'Or
Boisson : bave de pitbull
Véhicule : une moto avec un side-car aménagé en niche à chien (autonomie essence : trois quarts de route)
Objet hanté : 1 mitraillette Thomson ayant appartenu à Wolfgang Amadeus Mozart (3 balles restantes)
Objet hanté : écorce gravée en langue putride

Feuille
Sale, recouverte de mousse, qui voit mon visage MEURT
Nature : humanité
Malédiction : Sorcellerie
Force : squelette en adamantium (+6 OS)
Handicap : déteste les armes à feu (et les tout petits chats)

Viande 9 Os 9 (15) Nerfs 8 Crâne 8 Tripes 15 Gueule 11
Sauvegarde 15 (+3 contre l'oubli - avec l'armure, +3 contre la douleur, +1 contre le froid, la fatigue et la faim, +2 contre l'égrégore)
PV Max 2(3)
Couenne 10 (14 avec le squelette en adamantium)

parchemin de sort : une VHS maudite du Mime Marceau tachée de sang, qui permet d'apprendre une technique de combat à distance et sans armes. Il faudrait un magnétoscope...
Altération corporelle : des pitons et mousquetons incrustés dans la chair (+3 en combat dans les arbres et dans les hauteurs)
Relique : une seringue de mémoire cellulaire avec un dépôt douteux
Objet de valeur : intestins d'auroch bouffe-tout
Armure de papier-journal : accorde un jet de sauvegarde + 3 contre l'oubli à chaque perte / vol de souvenir
Glané en jeu : Scarifications mémorielles (qui viennent du cœur) : souvenir : la fausse cheffe brûle la sœur du chef des rives molles (son sbire se plaint de l'odeur, elle répond : « c'est l'odeur de la vérité »)


Retour du joueur de Feuille :

+ Mon ressenti est négatif.
+ En tant qu'otage, j'avais pas le droit d'aller de l'autre côté. C'était une mauvaise idée.
+ Le problème, c'est qu'il y avait des péripéties du côté des Mousseux et qu'il ne se passait rien de mon côté.
+ J'ai eu une belle scène avec la fausse sœur du chef des Rivemolle, mais c’était juste en face à face PJ-MJ.
+ Mes possibilités de jeu se sont fermées, du coup j'ai pris des décisions illogiques.
+ Le système est vraiment pas pour moi.
+ Tu me demandes de faire des jets et je sais pas quel résultat je dois faire. C'est lié au fait qu'on ait pas eu un briefing insuffisant.


Joueur de Magaïv :
+ J'adore l'univers mais je déteste Donjons & Dragons.
+ En général, je déteste les jeux qui me disent pas le vrai nom de la carac.
+ Avec deux tables, je loupais plein de trucs. C'était chaotique et le handicap stupide... m'a vraiment handicapé.
+ Comme on avait droit à un jet de survie une fois à 0 PV, je pensais que j'allais pas mourir, du coup ça manquait de tension pour moi.


Joueur de Vihèyekarne :
+ Je n'ai pas été très convaincu par la mécanique de double table, sauf le début.
+ J'ai été déçu par les règles, qui sont une trahison de l'OSR à mes yeux.
+ Je suis très peu convaincu par le jet de survie, et par le fait qu'on ne nous révèle pas les règles.
+ Je n'ai pas eu l'impression que le player skill était valorisé.

Joueuse de Varenne :
+ J'avais jamais fait de double table mais je n'en referai jamais : quand il y a deux conversations à suivre en même temps, mon cerveau n'entend rien. [Joueur de Feuille : c'était dû au fait que les deux groupes étaient en face à face sur la même table]
+ J'ai été déçue qu'on ait eu une belle carte qu'on utilise pas.
+ Ma parole était tout le temps coupée.
+ Les persos peuvent pas fonctionner en groupe vu les traits qu'on a sur nos feuilles (sauvage, idolâtrie, stupide, folie, etc.). On ne peut pas construire un groupe, car l'antagonisme était trop poussé. Les autres persos m'avaient nommée cheffe mais je pouvais pas me faire obéir.
+ On me fait jeter des dés sans que je sache à quoi ça correspond.
+ Je n'ai pas compris ce qu'on était censés jouer.
+ La scène de rencontre sur le pont avec Muffin était cool.

Joueur de Maru-Aru :
+ Je suis très partagé.
+ Par exemple, j'ai beaucoup aimé l'ambiance double table. La cacophonie et le chaos étaient conformes à l'histoire. Mais je comprends que ce soit ardu.
+ Ce qui m'a surpris, c'est que je n'ai lancé qu'un seul jet de dé. J'ai passé l'essentiel de la partie sur la narration. J'ai usé de la feuille pour mon matériel une fois et ce recours a été très punitif.
+ J'ai pioché dans ma feuille les choses qui me donnaient envie de jouer. J'ai pas joué l'idolâtrie car ça aurait fait de l'anti-jeu.
+ Le peu d'utilisation des dés a été lié au nombre de joueurs.

Joueuse de Muffin :
+ Le bruit, c'était compliqué. J'ai du bouger pour entendre.
+ Mais le bordel était diégétique, y'avait de la bonne humeur.
+ Est-ce que les prétirés étaient faits pour ce scénario ou les uns pour les autres ? [réponse de Thomas : non]. C'est pas mon usage habituel. Les persos étaient disparates, ça manquait de cohésion.
+ Le personnage ne raconte pas d'histoire, n'a pas de cohérence interne.
+ C'est compliqué de savoir qui je joue mais ça a du sens par rapport à la folie de l'univers, mais c'est compliqué de produire de l'histoire avec.
+ J'avais la sensation d'avoir aucun indice face à l'adversité.
+ Chez les Mousseux, on avait une bonne communication de groupe, on a pu faire pas mal de trucs pour avancer sur les problèmes mais c'était à l'aveugle.
+ C'est pas came de jeu, du coup je ne sais quoi penser.
+ C'était plutôt marrant malgré la fatigue
+ J'en garderai pas de souvenir
+ Je sais pas trop ce qu'apporte l'OSR pour Millevaux

Joueuse de Griffe :
+ J'ai passé une soirée sympa
+ Une bonne dynamique de groupe.
+ On est allé chercher l'action au forceps. J'ai l'impression que je devais prendre le pouvoir sur la parole pour valider mon action mais ça venait aussi de la configuration sonore de la table.
+ Il aurait fallu deux mètres d'écart pour séparer les deux tables. [C'est ce qui était prévu au départ, et puis on a changé d'avis, et la configuration actuelle s'est maintenue sur une proposition d'un joueur que les deux clans se fassent face à face].
+ Ce qui embrouillait, c'est qu'on pouvait arriver de la rive opposée et trouver les autres alors qu'ils étaient partis dans la forêt deux kilomètres plus loin.
+ C'était sympa de gribouiller la carte mais j'ai eu l'impression d'être la seule à le faire.
+ Niveau univers, j'ai retrouvé mes souvenirs de Millevaux d'il y a dix ans.
+ Le premier prétiré que j'ai eu m'avait mise en malaise profond [note de Thomas : il s'agit de David Goldenberg, un personnage de la partie précédente, L'ennemi sans visage], du coup je te l'ai signalé et tu m'as donné le choix entre deux autres personnages. Mon nouveau personnage m'a beaucoup mieux convenu car il était vierge, je pouvais me l'approprier. [note de Thomas : je suppose aussi que le personnage de David Goldenberg est vraiment trash dès le départ, ça n'a pas du aider]
+ Moi j'ai juste fait deux jets de dés, j'ai pas eu l'impression de faire de l'OSR
+ J'ai passé globalement une bonne soirée, avec une densité que j'apportais moi-même.

kF (co-MJ) :
+ Y'a eu des moments de jeu assez sympas.
+ Cela a été dur à jouer pour tout le monde.
+ Si lors de la première heure de jeu on avait fait une pause, on aurait pu redresser la barre.
+ J'attendais pas mal de cette partie, ça ressemblait dans une certaine mesure à ce que j'attendais, mais ça n'a pas fonctionné. Il y avait un problème de configuration de table et de situation initiale.
+ Je m'attendais à ce que ça soit un joyeux chaos ambiant.
+ Par moments il y avait des moments OSR mais c'était disparate au milieu du chaos. Je trouve ça un peu triste.
+ Moi, je voulais jouer le chaos mais on s'est pas concertés.
+ Sur les règles, la partie qu'on avait faite (Le Sacrement de la Glaise) était assez proche et tournait super bien, avec le truc saillant de perdre des PV quand on tue un autre être humain. [note de Thomas : ou un monstre ou un animal].
+ Il manque une élégance, pour qu'on maîtrise tout rapidement.
+ Les jets de dés sont basés sur des jets de sauvegarde pour éviter les jets sous carac, mais c'est plus opaque.



Thomas :

+ La partie était difficile. J'étais fatigué.
+ On avait envie de cette double table mais le jeu a enflé en complexité depuis le test précédent avec kF.
+ On a manqué de coordination en préparation de la partie
+ Je voulais qu'on joue avec la carte, mais du coup il y avait besoin que les deux groupes soient physiquement proches pour y avoir accès. Et du coup, les conditions sonores étaient épouvantables.
+ Le système tout comme le level design étaient totalement inadaptés pour du double table.

Joueur de Maru-Aru :
+ Si les joueurs étaient expérimentés, ce serait à double tranchant. Ils seront pas noyés, mais ils verront plus vite les failles.
+ Il y a trop de choses d'un seul côté alors que la carte crée l'envie de se déplacer.

Joueuse de Muffin :
+ Un double table entièrement improvisé, ça ne peut pas bien se passer (encore moins avec de l'OSR qui me semble à l'opposé de ça).

Joueuse de Griffe :
+ Ce qui est indispensable pour un double table, c'est l'autonomie (il y en avait ici) et la communication

Joueur de Vihèyekarne :
+ L'intérêt, c'était le PVP, les problèmes extérieurs n'étaient pas intéressants.
[retour à froid de la joueuse de Varenne : Parce qu'ils n'étaient pas liés à notre objectif de départ amha]

Joueur de Feuille :
+ Les figurants étaient trop passifs, inactifs, ce n'était pas crédible [réponse de Thomas : j'en viens à une difficulté récurrente dans ma maîtrise : gérer les grosses communautés pour qu'elles aient des comportements, qu'ils soient crédibles, et que la communauté ne fasse pas tout à la place des personnages et ne serve pas non plus d'inépuisable réservoir de ressources. Mais ça m'est compliqué. Je crois que pour l'instant, je m'en bornerai à des micro-communautés, 6 figurants c'est bien.]

Thomas :
+ Le problème, c'est que le game design était trop éloigné de vos attentes. Pour autant, j'assume encore le fait qu'il n'y ait pas de briefing méta sur l'explication des règles, ça prend trop de temps et ça supprime l’apprentissage en cours de jeu.

Joueur de Feuille :
+ Tu peux ajouter dans le briefing : « Soyez conscients que beaucoup de choses viennent de vous. »

Joueuse de Griffe :
+ En fait je réalise qu'on reproche aux MJ beaucoup de choses qui était en fait laissées à notre responsabilité de joueuses : la situation de départ, le concept du groupe, l'agencement physique autour de la table... tout ça c'est nous qui l'avons déterminé.


Retour de Thomas, à froid :

Suite à ce debriefing sous forme de feu roulant de critiques qui aurait pu être assez éprouvant (j'ai pris sur moi de l'accueillir sans passion), j'ai ensuite débriefé un quart d'heure avec kF. De leur côté, les joueuses, afin de se préserver un souvenir positif de la partie, se sont racontées entre elles leurs anecdotes les plus drôles de l'aventure.

Quelle est la part de responsabilité exacte du jeu, de nous deux MJ et des joueuses dans le fait que cette partie ait déçu les attentes d'un certain nombre ? Cette responsabilité est certainement collective, à la fois dans nos (im)préparations, nos improvisations, notre implication (mélange d'enthousiasme et de fatigue) et aussi nos attentes (le paradoxe étant qu'on avait tous faits de mémorables parties l'après-midi qui avait précédé). Avons-nous ensuite péché par excès de confiance ou excès d'attentes ?.

Je pense que la double table aurait dû être mieux préparée, qu'on aurait gagné à brader un peu la liberté des joueuses à fixer les objectifs pour faire nous MJ une proposition plus pertinente au dispositif de double table. Peut-être même que le jeu est tout simplement inadapté au double table. En tout cas, nous aurions été nettement plus confortables avec une ou deux joueuses de moins et un jeu avec co-MJ plutôt qu'une double table.

Concernant les remarques sur le game design du jeu, je vais en retenir certaines, mais beaucoup d'entre elles ont en fait tendance à me rendre anti-fragile : plus je reçois de rejet de ma position de game design, plus ça me donne envie de persister dans cette voie. J'ai le sentiment qu'un certain nombre de joueuses présentes ne sont tout simplement pas le public pour Écorce, et c'est pas grave vu que j'ai pléthore d'autres jeux Millevaux à leur proposer. Et même les personnes plus intéressées à l'old school renaissance, je pense qu'elles se situent dans des chapelles OSR différentes de la mienne. Ainsi, demander à ce que les personnages meurent une fois descendus à 0 PV semble être un fondamental de l'OSR, mais en fait certaines chapelles le jouent tout autrement. Des MJ ont tendance à sauver facilement les personnages, des jeux qui sont des « hits » de l'OSR tels qu'Into the Odd et The Black Hack (dont je tire mon jet de survie) tapent dans les caractéristiques et autres une fois le personnage descendu à 0 PV. Et dans Swords & Wizardy, le rétro-clone le plus proche d'OD&D, il est précisé qu'on peut attendre que le personnage soit descendu à -5 PV pour le faire vraiment mourir... En l’occurrence, mon choix de faire jouer des personnages de niveau 1 mais avec ce filet de sécurité du jet de survie qui troque une mort immédiate contre une mort possible ou un amochement est cohérent avec ma volonté de faire jouer des grognards aux pieds d'argile.

L'autre souci, hélas assez systémique dans mon développement, est qu'Écorce est un jeu à campagne, avec un apprentissage progressif des règles et de l'univers, et que le tester en one-shot peut s'avérer désastreux si les joueuses veulent à tout prix comprendre tous les paradigmes dès le départ.
[Retour à froid de la joueuse de Varenne : Comme je l'ai mentionné ailleurs, je pense qu'en tant que joueuse, sur une partie OSR j'ai besoin de savoir sur quelles évidences je peux m'appuyer pour trouver des solutions et pour anticiper/comprendre les problèmes (que ces évidences soient les codes du genre, les règles, les réflexes de ce type de partie ou autre).
Dans un univers poétique comme Millevaux, les codes sont différents. Les évidences ne sont pas partagées ni tangibles. Dans cette optique-là j'ai du mal à comprendre pourquoi vouloir comprendre les paradigmes dès le début serait un désastre.
J'associe mes parties d'Écorce à un fort sentiment de dirigisme, et ça a été inattendu vu tes autres jeux et ton positionnement habituel. Ce CR semble confirmer mon sentiment, que ce soit sur cette question de l'opacité (découverte en jeu des règles, de l'univers, des logiques internes) ou que ce soit par ce drama dirigé que tu nous fait jouer. Est-ce que tu confirmes que c'est ton propos avec Écorce ?]
[réponse de Thomas : Oui je confirme et en même temps je me dois de reformuler. L’approche d’Écorce est à mettre en parallèle avec d’autres jeux OSR comme Into The Odd, A Red and Pleasant Land, Veins of the Earth, où l’univers est étrange et meurtrier, et où on n'a pas toutes les clés dès de la départ, où la compréhension va se faire au fur et à mesure, et peut-être au prix de la vie de quelques personnages. Quand au sentiment de dirigisme, je pense qu’il y a un quiproquo. C’est certes plus guidé qu’un Inflorenza joué sans MJ, mais pour autant Écorce reste un jeu qui laisse la part belle aux initiatives des persos. Néanmoins, il est rythmé par les péripéties extérieures (une toutes les trois heures en narratif) et les craquages des persos (pareil, possiblement un toutes les trois heures). Ces péripéties n’ont pas forcément une solution unique et toute bonne idée de joueuse devrait aboutir à une solution, mais parfois les solutions ne sont pas évidentes. J’ai le sentiment d’un amalgame entre péripétie difficile et péripétie dirigiste, à solution unique. C’est un amalgame difficile à trancher en dehors du debriefing, puisque pendant le jeu, l’arbitre a intérêt à garder son jeu masqué pour des raisons de solidité du monde fictionnel. Je pense à nouveau que le jeu ne fonctionne que dans une alternance briefing / jeu / débriefing, et c’est bien sûr une dynamique impossible à restituer en one-shot.]

Le véritable défi qui se présente à moi pour le développement futur d'Écorce va être de décrire efficacement ma proposition de jeu (tactique-esthétique) de façon à éviter ce genre de maladie, et qu'Écorce rencontre son public ou le convertisse.
Outsider. Énergie créative. Univers artisanaux.
Ma page Tipee.
Avatar de l’utilisateur
Pikathulhu
Dieu d'après le panthéon
Messages : 3018
Inscription : dim. août 22, 2010 7:26 pm
Localisation : Morbihan
Contact :

Re: [CR] Millevaux et autres jeux Outsider

Message par Pikathulhu »

LE VIEIL HOMME ET LA FEMME AUX CICATRICES

Deux parties marquées par la présence du voyage et des thèmes de Millevaux. Un récit par Nimaël

(temps de lecture : 2 min)

Joué le 29/08/20

Le jeu : Oriente, perdre ses repères en traversant la forêt de Millevaux

Image
miranda nelson, cc-by-nc


On a joué à Oriente avec mon pote, et c'était très très bien ! On a fait deux parties d'affilée, la première avec une joueuse, et la seconde avec un joueur

Dans la première Oriente était un vieil homme pas complètement humain, qui était censé nous amener à la sortie de la forêt, mais qui surtout fuyait des chasseurs de monstres pour protéger sa fille (ou une enfant qu'il avait enlevée) qui se transformait en horla.
Dans la seconde Oriente était une femme couverte de cicatrices, qui devait nous amener à la blanche cité d'Angelius. Même si elle en connaissait le chemin, c'est une cité qu'elle n'a jamais pu trouver car Angelius ne se montre qu'à celleux qu'elle juge digne. Finalement, nous sommes arrivés trop tard et n'avons trouvé que les ruines de la ville.
Dans les deux parties, on a vraiment déroulé un voyage. Je ne sais pas si c'est toujours le cas, mais là on avait vraiment des étapes, des évènements, et une avancée dans la forêt (c'est un point que je reproche au jeu de base Pour la Reine : on est toujours dans une sorte de flou où l'on construit la Reine, sans vraiment avoir cet aspect « voyage », alors même que nos personnes sont bien sur la route). Je ne sais pas si tu as construit ça volontairement, mais en tous cas c'était super pour les deux parties :)

On a eu quelques questions qu'on avait du mal à saisir. Souvent parce que ce n'était pas clair si le « vous » que désignait la carte était la joueuse ou le groupe (moi je considérais que c'était toujours la joueuse).

Je pense que ce serait difficile de jouer à Oriente en ayant absolument personne qui ne connaît l'univers de Millevaux. Les premières cartes sont un peu trop synthétiques pour qu'on ait le temps d'intégrer tout. Et parfois des termes sont amenés sans explication (c'est quoi un horla ?). Mais par contre les questions amènent particulièrement bien les thèmes :)

Voilà voilà, en résumé ces deux parties nous ont énormément plu, merci pour Oriente, c'était cool !


Thomas :

A. Salut ! Je suis super content que tu aies testé le jeu (j'ai donc été inspiré de le laisser en libre-service lors de la convention où tu l'as joué) et je te remercie beaucoup pour ce retour !

D. Oui, j'ai essayé de marquer les différentes étapes d'un voyage en forêt donc c'est très cool que tu l'aies remarqué.

E. Y'a un parti-pris de laisser une grande marge d'interprétation aux joueureuses. C'est pour cela que mes « vous » peuvent aussi bien désigner le personnage que le groupe, c'est à vous de voir. C'est aussi pour ça que les fondamentaux de Millevaux sont assez peu expliqués, pour les horlas, c'est juste écrit « Les horlas se tiennent tapis près de vous. »

F. En effet je crois que je me suis débrouillé pour que chaque question reflète au moins un des thèmes :)
Outsider. Énergie créative. Univers artisanaux.
Ma page Tipee.
Avatar de l’utilisateur
Pikathulhu
Dieu d'après le panthéon
Messages : 3018
Inscription : dim. août 22, 2010 7:26 pm
Localisation : Morbihan
Contact :

Re: [CR] Millevaux et autres jeux Outsider

Message par Pikathulhu »

LA PEAU DU BLAIREAU

Une mini-partie axée sur une étrange rencontre animale et marquée du sceau de la parano :)

(temps de lecture : 6 min)

Le jeu : Écorce, par Thomas Munier. Aventures extrêmes dans les forêts maudites de Millevaux. Viscéral. Survivaliste. A l'ancienne.

Joué le 22/06/18 lors de la Tournée Paris est Millevaux 7, chez l'habitant

Image
James F Clay, cc-by-nc


Suite de la campagne Auvergnate

1. L’ennemi sans visage
Premier épisode de la Chronique d’Auvergne, une campagne en table ouverte basée sur une vieille carte IGN abandonnée aux informations douteuses. (temps de lecture : 16 min)

2. Le pont de la discorde
Suite de la méta-campagne auvergnate pour un double table orchestré avec kF autour d'un pont en construction et de deux clans en guerre larvée... Une situation aussi explosive que la partie fut difficile. (temps de lecture : 29 min)


Personnages :

Malarine, Déclin, Roque


Objectif du groupe :

Trouver un feu éternel. Cherchent un volcan en activité, s'orientent vers les plus hauts puys


L'histoire :

Le mois de Péril. 0 degrés. Il pleut des cordes, des hallebardes, des tombereaux.

Malarine, Déclin et Roque escaladent une colline sous les coulées de boues. Le sol est recouvert de monceaux de branches cassées et spongieuses, gorgées d'eau. Les arbres eux-mêmes semblent comme morts, spongieux. En hauteur, les coulées de boues sont plus rapides, ils découvrent un blaireau qui semble avoir été emporté par une coulée et s'est reçu sur un gros rocher, ce qui lui a visiblement cassé la patte. Il geint. Ses poils mouillés sont regroupés par paquets et du coup on voit par sa peau par endroits. Elle est rapiécée par du tissu cicatriciel. Malarine, qui pense (ou est réputée) être nécromancienne de son état, se demande s'il s'agit d'un mort-vivant. Mais ses yeux normaux et ses cris ne ressemblent pas à un râle d'agonie. Ils ne ressemblent pas non plus a de vrais cris de blaireau. Plutôt une imitation. Elle repère alors comme une ouverture dans le pelage au niveau de l'anus de la bête et voit un arrière-train rose.

Roque, une femme avec un éternel bonnet vissé sur la tête, de nature prudente et dégoûtée à la vue des animaux sauvages, demande que quelqu'un fasse un repérage. Déclin, une personne qui cache sa nature de maletronche pourissant.e sous un costard défraîchi qu'il affecte de porter comme s'il sortait du tailleur, s'approche du blaireau, par l'arrière pour éviter qu'il ne panique et ne donne des coups de griffe. Iel utilise son objet mémoriel, un corset de maman, pour faire une attelle à la bête (préférant économiser le peu de bois sec trouvable dans les environs pour un futur feu). Avant d'installer le corset, iel en prélève le souvenir qui y est stocké. Iel se retrouve dans un corps d'enfant, en train de lacer le corset d'une maman, qui dégage une odeur de lait. On voit son visage dans le reflet d'un bouclier poli. Par la fenêtre de la chambre, on voit des branches. Iel profite du souvenir pour prendre la maman dans ses bras. Cela lea réconforte et lui redonne de l'énergie.

Une fois le blaireau soigné, il semble beaucoup s’attacher à Déclin. Il faut dire qu'iel inspire naturellement la confiance, bien qu'iel n'en soit pas forcément digne.
Malarine lui signale la curiosité physique du blaireau. En le caressant, Déclin constate à son tour que l'animal a quelque chose de pas net. C'est comme si c'était une sorte de limace qui aurait pris refuge dans une peau de blaireau. Iel le fixe dans les yeux, mais les pupilles de la bête changent constamment de taille et sa sclérotique de couleur, entre le noir, le rouge et le blanc.
Déclin marque alors ses distances avec cet animal qui s'est désormais attaché à iel.
Quant à Malarine, il ne supporte plus le froid de la pluie. Il envisage un temps de trouver refuge dans la peau du blaireau, mais préfère se blottir contre sa servante, la Glaiseuse, qui goûte fort peu cette proximité.
Malarine teste son baromètre à émotions. Pointé vers la Glaiseuse, il indique le dégoût. Pointé vers le blaireau, il indique un cœur brisé.

Bon an mal an, l'équipe se dirige vers le sommet de la colline, bravant les coulées de boues. Les bouleaux sont étranges, énormes et la base de leur tronc garnies d'excroissances sinistres qui méritent à peine le terme de branche. Le crépuscule couvre tout d'une lumière rousse. Du haut de cette colline, on aperçoit le ciel, dégoulinant de traînées d'averses, et une montagne en face, noire et verdâtre de forêt, d'où dépassent des grandes banderoles moisies et déchirées flottant au vent, à l'effigie de Valéry Giscard D'Estaing.

Les voici aux portes de Vulcania.


Feuilles de personnage :

Malarine
Description : femme, 40-60 ans, a la réputation d'être une nécromancienne.
Humanité
Ambivalence
Idolâtrie
Force : ne perd jamais conscience
Handicap : ne sait pas esquiver

Viande 14 Os 15 Nerfs 9 Crâne 14 Tripes 15 Gueule 10
PV 7

Rituel : repousser les morts-vivants
Rituel : asservir les morts-vivants
Rituel : Déni Gnostique : Se baigner dans un étang d'eau glacée, manger du verre pilé et se fouetter avec des branches chaudes = immunité à la faim, au froid,aux dangers de la forêt et aux horlas pendant 1d3 jours (mais avant : jet de sauvegarde contre le froid (risque perte 1 PV), jet de sauvegarde contre la douleur (risque de perte d'1 PV)
Objet hanté : Un baromètre à émotions
Armure : Brassière en fil de fer garnie de camés protecteurs : score en sauvegarde contre l'oubli passe à 5, peut demander un jet de sauvegarde à chaque perte de souvenir.
Relique : Un polaroid représentant un jeune enfant dans la forêt près d'une auberge.
Servant : La glaiseuse, une sculptrice qui fait des statues d'humus auxquelles elle ajoute des yeux de verre : permet d'observer les alentours. (en cours de jeu, son score de loyauté descend à -2)

Image
Ric Pogan, par courtoisie

Déclin
Description : Costard tout pourri
Maletronche : Pourrissante.e : -1PV à chaque fin de crépuscule, (ne) peut manger (que) des aliments pourris
Sauvage
Idolâtre
Force : Inspire la Confiance
Handicap : Lâche

Viande 15 Os 10 Nerfs 13 Crâne 10 Tripes 15 Gueule 13
PV : 5

Rituel : Asservir les morts-vivants
Rituel : Découvrir la forêt où se trouve un loup pendu à un arbre. Manger son cœur pour obtenir l'aide de l'esprit limbique du loup.
Outil ou objet de maraude : Tout un nécessaire de rasoirs
Objet mémoriel : un corset de maman
Souvenir : L'emplacement d'un puits de pétrole
Arme : une machette

Roque
Humaine
Ordre
Sorcellerie
Force : Immunité aux maladies
Handicap : Main gauche faible

Viande 9 Os 6 Nerfs 11 Crâne 15 Tripes 12 Gueule 5
PV : 2

Parchemin de sort : Capture de fée. Faire un piège avec une cage à oiseaux, un œuf Kinder et une fleur récupérée dans un cercueil. Permet de capturer une fée et de l'asservir.
Caps : 6d6 x 10
Boisson : une bouteille de sève contenant un tout petit arbre
Relique : une plaque de médicaments contre les démangeaisons


Commentaires :

Durée :
20 min briefing + 1h de jeu + 1/4 h debriefing

Défis :
A la demande d'une personne de l'équipe, on a joué non-violent, c'est-à-dire que les personnages avaient interdiction d'agresser physiquement des humains, des monstres ou des animaux, et mes figurants (humains, monstres et animaux) avaient également interdiction de commettre des agressions physiques. En revanche, les végétaux pouvaient agresser physiquement les personnages : j'avais donc droit aux arbres carnivores et tutti quanti. On n'a pas cherché a apporter une justification narrative, on a juste convenu que dans l'espace de cette partie, les agressions physiques seraient absentes. C'était un défi intéressant à jouer, car ça nous obligeait tous à aller chercher autre chose. Étant non-violent dans la vraie vie, ça m'intéressait aussi de l'expérimenter en JDR. Au final, j'aurais apprécié de tester la formule sur une séance plus longue.

Mise en jeu :
+ Quand tout le groupe est aux abois, ce qui est le cas toujours au début d'une campagne, je suis censé donner une information fausse tous les quarts (car
Roque n'a pour ainsi pas agi dans la partie, parce que son joueur a joué le penchant « Ordre »
du personnage comme étant très prudent, se méfiant de tout ce qui est sauvage, et laissant donc les deux autres personnages tâter le terrain, se contentant de commenter et de donner des ordres. Je pense que le joueur a joué également, je crois que son temps de parole était assez proche des autres, mais c'était vraiment un jeu sur l'arrière-garde. Si on avait joué plus longtemps, possible qu'il aurait été amené à s'impliquer davantage physiquement. Par exemple, je lui aurais fait faire le prochain jet de craquage.

Joueur de Roque :
Envie de découvrir plus. Mais la frustration fait partie du gameplay.
On a surtout vu l'univers, moins la mécanique
J'étais content d'avoir vécu le moment avec ce bernard-l'hermite-blaireau
Frustré mais content.
J'aurais aimé voir le système à l’œuvre.

Joueuse de Déclin :
C'était très court mais on le savait.
J'aimais bien l'esthétique, c'est ça qui m'a fait venir.
Vu qu'on est des persos vierges, j'ai eu du mal à savoir comment réagir, c'est compliqué en one-shot.
J'ai aimé le côté pourrissant.

Retour personnel :
J'ai bien aimé la contrainte de non-violence, qui m'a forcé à me renouveler dans les dangers. Je voulais mettre des arbres carnivores, mais le hasard du jet de péripétie en a décidé autrement. J'avais tiré « récompense » et ce blaireau changeforme avait été placé là pour devenir le familier de quiconque accepterait de lui venir en aide. Je voulais également jouer dans Vulcania (c'est moi qui ai proposé que les personnages cherchent à s'y rendre), mais nous avons largement manqué de temps pour y rentrer. En fait, cette première péripétie a vraiment duré beaucoup plus longtemps que je ne l'avais prévu. Je penserais qu'on aurait le temps de jouer au moins deux péripéties. Mais c'est ainsi. Quand les joueuses jouent le jeu, on peut dire qu'elles jouent de façon parano, et donc vérifier que tout est clean, ça prend du temps. D'autant plus quand en réalité, il n'y a pas vraiment de piège.

Suite à quelques parties un peu problématiques (attendus des joueuses très différents de ce que le jeu propose), j'ai essayé de polir mon briefing. J'ai réexpliqué notamment ce qu'était la létalité et le player skill dans les jeux OSR. Si ce briefing m'a assuré que tout le monde soit au diapason, il m'a néanmoins coûté du temps dans un créneau de jeu déjà fort réduit par le retard de mon train.
Outsider. Énergie créative. Univers artisanaux.
Ma page Tipee.
Avatar de l’utilisateur
Pikathulhu
Dieu d'après le panthéon
Messages : 3018
Inscription : dim. août 22, 2010 7:26 pm
Localisation : Morbihan
Contact :

Re: [CR] Millevaux et autres jeux Outsider

Message par Pikathulhu »

LA MAISON DES FEUILLES (ou comment Barnabé nous sauva)

Un épisode de maison hantée dans le versant limbique d’une Venise inondée. Un récit et un enregistrement par Claude Féry

(temps de lecture : 8 min ; temps d’écoute : 34 min)

Joué le 17/11/19

Le jeu : Sève la durée du oui, gamins du bois confrontés aux beautés et aux horreurs du sauvage, par Claude Féry

Lire / télécharger les enregistrements de partie : début de partie / bilan


Image
jbfh, libre de droits

Suite de la campagne vénitienne :

1. [Sève la durée du oui] L'horlogiste

2. [Hantise] L'averseuse


Dix-Septième jour de Vomembres

Nous avons joué la suite de notre précédente session, à deux joueuses, avec Sève la durée
du oui
, pour un peu plus d’1h30 de fiction .
Xavier joue Léonard Tic-Tac et je joue Albert Tripier.

(les photos suivantes sont de Claude Féry, par courtoisie)


Fiction :

Albert et Léonard se tiennent sur le seuil de la Maison des Feuilles . Ils attendent Vladimir et Barnabé . Ils sont missionnés par l’ Averseuse pour recouvrer une fusée afin qu’elle puisse crever la nue et que ruisselle la pluie saine sur la cité.
Albert est inquiet. Barnabé et Vladimir sont partis chercher de quoi les protéger lors de leur exploration et ils tardent à revenir.
En attendant, les deux gamins absorbent l’élixir d’invisibilité confié par la sorcière et s’ennuyant, tirent les cartes d’un tarot de l’oubli déniché dans les ruines qui marquent la lisière de la Maison des Feuilles . Albert y lit un présage. Ils seraient menacés par des oiseaux de mauvaise augure qui voudraient s’emparer de leurs ciboulots et la lame tirée par Léonard , (rebaptisé Toc-Toc le cinoque ), le bateleur, les enjoint à pénétrer dans l’antre de la Maison des Feuilles sans plus attendre. Léonard affirme qu’il convient d’attendre encore. Léonard offre à Albert l’appeau qu’il a ramassé pour le rassurer.
Celui-ci lui demande à quoi ça sert. Léonard lui explique que cela permet d’attirer des petits canards. Albert s’y essaie sans trop de succès, puis se ravise tout à coup inquiet.
Ce sont des volatiles, et les oiseaux sont hostiles. Léonard tente de le rassurer. Albert reprend l’ustensile, à nouveau à l’envers, et en sort une longue plainte. « J’vais attirer l’une de ces bestioles et j’vais en faire mon dîner ! »
Puis, en jouant des notes très aiguës et sans rapport avec l’appel des canards, Albert se rapproche du seuil.
Albert demande à Léonard s’ils doivent encore attendre les deux autres.
Selon lui, « l’ Barnarbé le courage l’aura fui » et ils sont là à attendre pour rien.
Il ajoute pensif : « M’est avis que si on s’emparait de la fusée pour lui crever l’bidon à la sorcière, le sort serait levé et nous aurions à nouveau notre liberté. Ce serait alors un prêté pour un pendu, lui rendre la monnaie de sa liesse, en quelque sorte, à la vioque ! Qu’en penses-tu ? »
Après un bref silence, Léonard lui confirme qu’il partage les mêmes vues.
En tenant la main de son ami Léonard , Albert entre prudemment à l’intérieur.
Dans la première pièce qui s’offre à eux, comme pour confirmer les doutes émis par Albert , Silhouette, l’écureuil de Léonard , après avoir englouti goulûment une pleine poignée de noisettes, se coule au bas d’un tas de gravats, dans un trou obscur, hors de la vue des gamins.
Léonard se sent triste.
Mais la voix tremblante de crainte et d’excitation mêlée d’ Albert le distrait de son sentiment de perte. Il lui désigne un tag, au dessus de la porte devant s’ouvrant sur une volée de marche.
Léonard affirme aussitôt que c’est un signe de danger.
Albert affirme, quant à lui, que ce bonhomme gravé dans la mousse figure de ses vertèbres les marches qu’il leurs faut emprunter. C’est sûr c’est un message qu’ils se sont laissés à eux-mêmes pour savoir où aller.
C’est vraiment inquiétant au-delà. Les murs suintent d’humidité. De grosses canalisations de cuivre courent le long des murs et leur servent de rampes. Des racines émergent entre les murs et les marches. Partout grouillent des insectes. L’eau ruisselle sur les murs et les marches moussues des escaliers qui descendent dans les profondeurs de la terre. Des grenouilles et des crapauds chassent avidement les insectes imprudents.
« J’suis sûr qu’c’est par là ! C’est un message qu’on s’est laissé, j’te dis ! » Pour se donner du courage, car il n’en mène pas large quand même, il souffle à nouveau à l’envers dans l’appeau et une plainte étrange en sort. Une longue plainte qui se même à la multitude de bruits qui bruissent autour d’eux. Il fait froid maintenant. La moiteur rassurante de Forêt qui avance est loin derrière eux.
Ils se donnent la main et avancent très précautionneusement. Albert sursaute au moindre bruit.
Albert déclare sur un ton docte pour donner le change « C’est bizarre on voit ici, alors qu’on est sous terre, hors de vue du soleil.
Le Vagabond ...et bien y m’a montré un champignon tout jaune. Il l’a posé bien à plat, et avec son couteau, il l’a coupé en deux tranches fines. Et là... et bien, l’intérieur tout bleu, il a viré au vert, un vert lumineux. Les moisissures sur les murs elles doivent faire pareil. »
Autour d’eux les planchers craquent, l’eau ruisselle au dedans des canalisations. Ça glougloute sans cesse. Seule le chant d’étranges oiseaux ou des batraciens couvrent les bruits du lieu.
Le froid est devenu mordant maintenant. Le tonnerre retentit, au loin, mais ils sursautent tous les deux. « C’est un orage » déclare Léonard pour les rassurer.
« Mouais, mais un orage sec » précise Albert .
Albert torse poil, grelotte.
- « Dis... t’aurais pas que'qu'chose pour me réchauffer ? »
- « Si bien sûr, voilà une veste de cuir ! »
Albert s’en empare, mais elle reste suspendue entre ses doigts. Il est blême et tremble de la tête aux pieds.-« ah, ça broie mon regard ton truc. Ta veste elle a quelque chose. Ça me soulève mon cœur. Je vois plus que la ténèbre. »
Albert se tourne et jette au loin la veste.
-« Tu vois pas, la silhouette, pas Ta Silhouette , une silhouette là, derrière ?
Ça nous suit...vite, on s’tire ! »
Ils dévalent quelques marches.
-« Oh regard’ ça », dit Léonard « une ampoule ».
-« ça m’donne une idée, réplique aussitôt Albert , si une bête mauvaise et bien elle s’approche trop près de nous, tu la brise et boom tu lui plante les piquant et le verre dans la gorge. D’accord mon copain ? Allez on y va. Faut r’trouver c’te foutue fusée... Ou tu préfères qu’on s’tire ? »
-« Pas sans Silhouette, j’préfère mourir mille morts que partir sans lui. »
-« Bon, bah comment on va l’trouver ? On l’appelle ? Silhouette !
-« Non on continue ! »
-« Je sais j'ai qu’a jouer de l’appeau. Et il joint le geste à la parole.
À nouveau le tonnerre retentit.
Bientôt ils entendent des gargouillis qui semblent parvenir de l’intérieur de toute la Maison des Feuilles .Albert hasarde « J’crois que c’est la maison qu’est vivante et qui va nous bouffer. Faut qu’on sorte de son ventre ! Qu’est-ce que t’en dit ? »
-« oui, elle a du dévorer Silhouette .
Les enfants prennent peur et dévalent quelques marches.
Albert butte sur un caillou poli. C’est le caillou fétiche de Barnabé . Ils conviennent tout
deux que leur ami est passé avant eux et que c’est lui qui a gravé le bonhomme.
Barnabé ! Barnabh...Il doit être digéré maintenant. Allez on se sauve ! »
« Mais comment retrouver le chemin de Forêt qui avance ?
« Eh, regarde un bébé taupe ! Dis tu veux bien nous conduire au dehors. On te donnera plein de trucs à manger ? »
La petite taupe trottine devant eux maintenant et les deux gamins voyagent un moment avec elle avant que Léonard ne débusque un Pandas Rouque.
En échange de belle, celui-ci accepte de les guider.
Les bruits de se rapprochent
Albert brise l’ampoule et la rend à Léonard. Albert suggère qu’il faut libérer les eaux. Alors qu’ils font l’inventaire de leur maigre possession et que Léonard lui parle de sa précieuse crotte de chameau qu’il tient du Vagabond , Albert tonne « Mais c’est ça ! C’est une évaporite ! C’est elle qui retient les eaux saines ! Faut la casser pour relâcher les eaux ! »
Après avoir brisé la rose des sables en la jetant du haut des marches, ils suivent leurs deux amis vers Forêt qui avance , au dehors.


Image

Bilan provisoire :

Nous avons débuté la session sur le mode Sève, la durée du oui sans concertation préalable particulière.
Le témoignage audio de la fiction est tronqué, seuls figurent les 16 premières minutes, soient les trois premières instances.

Xavier était particulièrement enthousiaste à l’issue de la session.
Elle me fut également agréable.

Je souhaite apporter quelques précisions au-delà de celui-ci.
Si nous n’avons pas employé notre poème lors de la partie, ni l’un, ni l’autre, (le mien recouvre assez bien le sens général de la fiction) nous avons utilisé pleinement les instances et respecté la circulation des objets mémoriels entre nos deux personnages. La mécanique a joué pleinement, sans que cela ne remette en cause le plaisir de jeu de Xavier, qui était auparavant réfractaire au dispositif d’instances, jugées comme un frein à sa créativité.
Il était tellement immergé qu’à deux reprises, il lui a fallu un moment pour réaliser qu’il se devait de rédiger une feuille afin de clôturer son instance.
Il a choisi d’imposer sa volonté au monde et donc de relater une seconde feuille lors de l’une de ses instances, activant l’ Innommable qui est demeuré à D8, ce qui est raisonnable, voire petit bras. Comme le soulignait Xavier en riant, il y avait un côté bisounours parfois. Je souligne que j’ai mobilisé le plus possible les objets présents à la table. Notamment l’ampoule, que j’ai brisé devant lui avant de la lui tendre pour qu’il en dispose comme d’une arme.
J’ai utilisé le morceau de Yannick Dauby sur lequel nous avons joué afin de créer la tension ou l’entretenir (orage sec d’égrégore, grenouilles, pluie, vent).
J’ai sollicité Xavier et Mathieu qui ne jouaient pas pour qu’ils fassent du bruit dans la maison, utilisant les conduites d’eau, marchant pesamment sur le plancher...
ça a vraiment fonctionné et Xavier a ressenti une tension croissante. Il a eu peur. Mais nos personnages se donnaient la main, se rassuraient ou s’inquiétaient. Une immersion très réussie, en somme, ou la peur ne fut pas un obstacle, mais une dimension du plaisir de jeu éprouvé à la table.
J’avais quatre phrases toutes faites à caser dans la fiction et je les placées avec un certain bonheur. (Pimp my roleplay).
J’avais en tête, avant de commencer une histoire de monstre raconter le midi à table par Xavier, C’est Robert, un immense monstre réfrigérateur qui a commencé à boulotter la ville toute entière.


Image
Xavier joue Léonard Tic-Tac


Commentaires de Thomas :

(les commentaires commencent à D, les lettres précédentes étant consacrées à mes commentaires sur la partie précédente)

D. Je suppose que les joueuses tiraient des vrais tarots (le tarot de Marchebranche vu les photos ?) quand leurs personnages tirent leur tarot de l'oubli. Forcément, ça m'intéresse :)

E. Je repense à ces histoires de bateleur, et ça m'évoque le bateleur comme une figure de Charon, avec la possibilité d'accéder aux forêts limbiques en plongeant dans l'eau. La rivière comme élément astral est quelque chose que j'ai notamment exploité dans les parties Parking Maudit et Les énervés de Jumièges [Note du 21/03/22 : La figure de Charon est nettement développée dans mon jeu Millevaux Orfraie et Enracine]

F. « La petite taupe trottine devant eux maintenant et les deux gamins voyagent un moment
avec elle avant que Léonard ne débusque un Pandas Rouque. »
Qu'est-ce qu'un Pandas Rouque ?

G. « En échange de belle, celui-ci accepte de les guider. »
De belle quoi ?

H. Pourquoi la forêt s'appelle-t-elle Forêt qui avance ? ça me fait penser à une forêt de palétuviers.

I. C'est assez fort le geste de briser une ampoule pour la tendre à Xavier. Vous avez en effet poussé la convergence à fond :)


Image
Xavier joue Léonard Tic-Tac et se rassure avec l’ampoule confiée par Albert

Claude :

D. Tout à fait. Nous l'utilisons régulièrement.

F. Un panda roux millevalisé par Xavier. C'est gentil tout plein et ça aime manger des feuilles.

G. Oups il manque des mots

De belles promesses de nourriture et de caresses

H. Au départ c'est une référence au morceau éponyme d'Art Zoyd mais dans le contexte de notre Venise fantasmée, cela prend tout son sens.
Ici les hommes ont passé un pacte avec la forêt, reconnue comme entité consciente. Ils accueillent, acceptent et favorisent son expansion qui endigue les effets du Munto Undoso.

I. Et heureux hasard l'ampoule brisée lui a remémoré le tag.
Pour lui c'était un signe !


Image
Table en fin de partie, notez les restes de l’ampoule au milieu de la souche.

Commentaires de Thomas après écoute :

J. Le Barnabé : j’entends là une expression typiquement vosgienne:)*

K. C’est chouette que Xavier ait eu l’idée de corrompre la graphie de Panda Roux en Pandas Rouque

L. Chouette idée de convergence que de faire boire une fiole de coca à Xavier pour correspondre à la potion mystérieuse que son personnage boit

M. C’est intéressant de mettre en avant le fait que tu incorpores (en fait depuis longtemps) les bruits de la maison (canalisations, aquarium…) dans l’ambiance sonore de la fiction

N. Xavier se sert de la narration partagée pour équilibrer l’horreur avec du mignon : est-ce que ça rejoint ce que tu recherches ?


Claude :

M. Je le mets d'autant plus en avant que Xavier était réfractaire, initialement, à jouer une suite sans Gabriel et Alexane, indisponibles.
Et en l'occurrence j'ai proposé à Gabriel de faire du bruit, de manifester sa présence, au dessus, pendant la partie.
Je l'ai fait sans en prévenir Xavier, mais Xavier savait que nous avions comploté tous les deux.
Certains craquements du plancher n'ont pas fait illusion, Xavier identifiant un bruit familier, un bruit ami.
D'autres, en revanche, ont appuyé ce que j'évoquais alors dans mon instance. A tel point que Xavier s'est adossé à l'un des meubles pour éviter d'être surpris par le surgissement d'une créature.
Il y a un côté manipulateur dans la démarche, mais ce dernier nourrit une forme de jeu en convergence et favorise l'immersion.
Cette session démontrait en outre à Xavier, qui était extrêmement enthousiaste au point d'agacer sa mère toute la soirée en lui rebattant les oreilles avec ses souvenirs de partie, que la peur éventuellement ressentie à la table était liée à la façon dont nous jouions et qu'il adorait avoir peur pour se rassurer ensuite.

N. Oui en grande partie.
Cela rejoint mes préoccupations lors de la rédaction de Sève 2 : demeurer à hauteur d'enfant et capter et moissonner les beautés des forêts.
La seconde injonction est à portée esthétique plus affirmée dans mon esprit comme dans celui de Gabriel mais correspond étroitement à l'atmosphère de jeu recherchée par Xavier et Mathieu.
Mathieu joue actuellement une campagne de Ryuutama et je pense qu'il aurait apprécié cette session.

K. Xavier a pour devoir ce week-end la rédaction d'un article pour le Journal de son collège sur les panda roux et a décidé par ailleurs de développer les mœurs de leurs homologues de Millevaux.
Outsider. Énergie créative. Univers artisanaux.
Ma page Tipee.
Avatar de l’utilisateur
Pikathulhu
Dieu d'après le panthéon
Messages : 3018
Inscription : dim. août 22, 2010 7:26 pm
Localisation : Morbihan
Contact :

Re: [CR] Millevaux et autres jeux Outsider

Message par Pikathulhu »

NOUILLES-MITRAILLETTE

Une mini-partie particulièrement organique aussi bien dans les thèmes que dans le partage de la narration.

(temps de lecture : 6 min)

Le jeu : Little Hô-Chi-Minh-Ville, du panasiatique-dystopique-biopunk par Thomas Munier

Joué le 22/06/2018 chez l'habitant lors de la Tournée Paris est Millevaux 7

Personnages : Sin, Quartz

Image
forgemind, cc-by


L'histoire :

Sin et Quartz sont dans un restaurant de nouilles clandestin, une minuscule cellule dont l'entrée est masquée par une affiche représentant Mao Tse-Tung et Mickey Mouse au milieu d'inscriptions en allemand. Clients tassés épaules contre épaules, dialogues dans cinq ou six langues différentes. Les nouilles sont servies dans des tuyaux remplis d'un bouillon thai épais. Nouilles soba, nouilles de patates douces et scolopendres s'y agitent, et il faut se hâter d'avaler son repas avant qu'il ne se fasse la malle. Sin est une vieille organo qui a créé un corbeau siamois fusionné avec son épaule, avec du matériel de récupe. Il s'appelle Sikh et il a des yeux-miroir. Sin est une Maori qui a cinquante ans bien tapés, elle a une notoriété dans le quartier, c'est une vieille sorcière. Elle porte un havresac avec une machine à orgones cachée sous sa cape élimée. Elle a renoncé à créer des formes de vie.
Quartz est un artifice d'ethnie coréenne, qui a l'air d'avoir trente ans. Son look est incongru (un ciré jaune moutarde). Il a du khol tatoué autour de ses yeux de chat. Il a l'air souriant, guilleret. Il parle avec des manières élégantes. Il s'est échappé d'un labo de recherche, a tué le savant qui l'a créé et s'est reprogrammé. Il essaye de vivre des expériences et de créer, mais ça ne lui vient pas toujours. Il n'a pas l'esprit de ruche car il s'est enfui. Il suit Sin car elle crée des choses. Quartz se plaint de ne pouvoir manger du fait de sa condition d'artifice. Cela doit être tellement bien ! On doit se sentir plus plein, vivant même.

Sin et Quartz savent qu'ils ont trois heures pour récuper le régénérateur de self stocké dans un labo scientiste et que Sin convoite : elle cherche à restaurer le self de sa soeur jumelle Ezra, qu'elle a assimilé pour créer son corbeau siamois. Après, le garde qui doit un service à Sin sera relevé et l'opération d'infiltration sera compromise.

Quartz part explorer la ruche à la recherche d'un gaz soporifique. Il s'aventure dans les profondeurs de la ville, et trouve une vieille qui vend des sprays d'un gaz destiné à « calmer les enfants turbulents », des bombonnes à la peinture émaillée avec des dessins dans le style vietnamen représentant des enfants souriants et sages. Ce spray est efficace pour endormir une personne (et soulage ainsi les parents débordés par leur progéniture) mais a pour effet secondaire d'effacer une partie du self de cette personne. Cette erreur de conception a plutôt contribué au succès du spray, les enfants devenant de plus en plus sages à mesure que leur personnalité disparaissait.

Pendant ce temps, Sin est restée au restaurant. Elle attrappe toutes les nouilles qu'elle peut avant qu'elles s'enfuient dans les failles du mur et les assemble jusqu'à construire une parfaite mitraillette quantique qui génère ses propres munitions. L'arme est parfaitement équilibrée, avec une belle sangle en nouilles. Elle l'offre fièrement à Quartz à son retour.

Ils s'apprêtent à partir quand surgit dans le couloir une équipe de Nouilles Bien Cuites, la faction de restauration mobile qui élimine dans le sang tous ses concurrents du secteur. À sa tête, une femme massive aux oreilles chargée d'écarteurs, armée d'une feuille de boucher. Sin tire une rafale de mitraillette, il touche la cuisinière, ce qui la déstabilise, mais elle va se relever bien vite, et Sin marche lentement comme elle est vieille, et les autres clients du restaurant sont en danger. Pour s'en sortir sans trop de bobo, Sin actionne la machine à orgones, un slime vert en sort et s'agglomère sur les nouilles créant un golem de nouilles. Malheureusement, la créature échappe à son contrôle, elle s'élève dans les airs, crache des rafales de boulette de viande sur tout le monde, étouffe au hasard les gens avec ses appendices nouillesques !

Las, Sin et Quartz abandonnent tout ce beau monde à son triste sort et s'enfuient dans la ruche, passant par des souterrains, des passerelles, rentrant dans des cellules en dérangeant des joueurs de mah-jong, passant dans d'étranges marchés où des nains portent des chaudrons fumants...

Ils arrivent à l'entrée du bloc des scientistes. Le garde qui doit un service à Sin les laisse rentrer en les priant de ne pas se faire remarquer. Cette personne est le parfait exemple des expérimentations débridées des Scientistes. Il a un écran et un clavier de minitel greffé à l'arrière du crâne, relié à des cordons ondulés plantés dans ses neurones. S'il fait trop de vagues, son boss peut le reprogrammer fissa. Les deux commandos enfilent des blouses de scientistes que leur confie le garde. Ils croisent un autre Scientiste pur jus : un gros homme barbu avec un turban mal ficelé qui laisse entrevoir le gros globe à cerveau qui remplace sa boîte cranienne. Il leur demande ce qu'ils font là, et Quartz invente plein d'anecdotes de chasse aux Obscurantistes pour enndormir sa méfiance. Cela marche un peu trop, car il se prend d'affection pour eux et les inonde d'anecdotes en retour...

Quand ils arrivent à s'en débarasser, ils ont perdu du temps. Ils sont arrivés devant le local où est entreposé le régénérateur de self, mais l'heure de la relève va sonner. Dans très peu de temps, un nouveau garde va venir et les démasquer.
Le local est fermé par une porte de verre avec une serrure organique. On voit derrière le régénérateur de self, un rouleau de code à lettres d'où sortent des tentacules. Cette créature génère des identités par paquets...


Feuilles de personnage :

Quartz
Coréen, visage souriant et tatoué, look incongru
Artifice.
Nature : être libre, comportement : créer
Action : Passer le Test de Turing
Self 2 (descendu à 1) Bio 1 Tech 3 ruche 0
Intime 4 avec Sin

Sin
Organo
Maori, visage ridé, physique modifié
Famille : 4 personnes : 3 filles et une soeur jumelle (Ezra)
Self 0 Bio 3 Tech 1 (descendu à 0) ruche 2
Intime 4 avec Quartz
Action : actionner sa Machine à orgones


Commentaires :

Durée :
Briefing 1/4 d'h, création de personnage 1/4 d'h, jeu 3/4 d'h, debriefing 1/4 d'h

Règles utilisées :
Dans cette nouvelle version, les joueuses peuvent narrer les résultats de leur jet de dés si elles le veulent, soit en piochant dans les listes préécrites, soit en tirant un thème, soit en imaginant à partir de zéro. Elles peuvent aussi déléguer au MC. Dans le cas de cette partie, les joueuses ont surtout imaginé à partir de zéro, ou plutôt à partir du briefing qui portait surtout sur l'univers.
Autre changement, la possibilité pour les joueuses de choisir en début de partie si les commandos répondent à une mission commanditée par un boss (borderline mais très bien payé), par un crève-la-faim (une bonne action, mais très mal payée) ou suivent leur agenda personnel.
Les joueuses ont opté pour la troisième option et donc ce sont elles qui ont imaginé que leur commando était à la recherche d'un régénérateur de self.


Retours :

Joueuse de Sin :
• J'adore l'univers. Besoin de continuer.
• L'univers peut être hyper déroutant pour ceux qui ont pas les codes de la SF bizarre.
• C'est important qu'on décrive tous ensemble l'univers et les résultats de nos actions.
• La ruche, c'est hyper bien vu.
• Je suis moins passionnée par les actions.
• Dans une partie courte, des actions comme « Passer le test de Turing », tu n'as aucune chance de les faire [Joueuse de Quartz : on pourrait rendre cette action plus active en renommant le move «paraître humain »]
• J'aime la création croisée de personnage. C'est plus rigolo qu'un prétiré. [Joueuse de Quartz : Oui, mais tu n'es pas impliquée dans la création de ton personnage]
• Rajouter des questions comme « Qu'est-ce que ta famille dit de toi ? Qu'est-ce que la ruche dit de toi ? » [Thomas : ou un mini-test de Turing]

Joueuse de Quartz :
• Le temps presse à Little Hô mais l'univers est tellement zinzin qu'on a envie de faire plein de choses. Beaucoup de temps de parole pour chaque action.
• Pour les mécaniques de jeu, c'est bien qu'on puisse décrire les conséquences de nos jets de dés.

Retour personnel :
Je suis arrivé en retard pour cette partie planifiée pour ne durer que deux heures. Il devait y avoir deux personnes de plus, mais leur absence m'a rendu service. Au final, c'est vraiment une partie très courte, qu'on n'a pas vraiment fini, j'ai fait un cliffhanger avec l'arrivée devant le régénérateur de self. Mais c'était très intéressant de voir les nouvelles règles à l'oeuvre. Les joueuses se sont bien emparées de l'univers, et au passage elles n'ont pas hésité à prendre de temps en temps le contrôle du décor et des figurants.

Par ailleurs la scène de construction de la mitraillette en nouilles rappelait fort le moment dans eXistenZ où Jude Law fabrique un pistolet avec des morceaux de « poulet ». Exactement le genre de scène qui m'intéresse dans Little Hô.

Le clin d'oeil au Spaghetti Géant Destructeur des Mondes était pas mal non plus !

Peut-être une partie plus humoristique que d'habitude, mais d'une l'humour est une constante de la SF chinoise, et de deux ça n'a pas empêché de voir tout à fait l'univers en déploiement.
Outsider. Énergie créative. Univers artisanaux.
Ma page Tipee.
Avatar de l’utilisateur
Pikathulhu
Dieu d'après le panthéon
Messages : 3018
Inscription : dim. août 22, 2010 7:26 pm
Localisation : Morbihan
Contact :

Re: [CR] Millevaux et autres jeux Outsider

Message par Pikathulhu »

LA PORTE DE LA RUINE

Alors que Millevaux a envahi Mertvecgorod, Haze se retrouve baby-sitter d’une femme qui s’avère être une porte entre les mondes… 5ème épisode de la campagne solo multisystèmes Millevaux / Trilogie de la Crasse par Damien Lagauzère.

(temps de lecture : 12 min)

Le jeu principal de cette séance : Gate Watch, garder la porte entre les royaumes

Autres jeux utilisés  : Mantra, La Trilogie de la Crasse


Avertissement : contenu sensible (voir détail après illustration)

Image
Iñaki MT, cc-by-nc-nd, sur flickr

Contenu sensible : tentative de viol


Parties précédentes de la campagne Millevaux / Trilogie de la Crasse :

1. [La Trilogie de la Crasse] La Reine de la Crasse
Première partie d’une nouvelle campagne Millevaux solo-multisystèmes, en crossover avec la mythologie de la Trilogie de la Crasse et la ville crapoteuse et hallucinée de Mertvecgorod née sous la plume de Christophe Siébert. Où un simple exécutant s’entiche pour la victime qu’il doit convoyer et tente l’impossible pour la retrouver.

2. [S’échapper des Faubourgs] Tuer Précieuse
Une incursion dans un sous-monde où à la fois l’univers de Cœlacanthes et le thème des femmes au destin tragique envahissent tout.

3. [Grey Cells] Le coût d’entrée
L’agent-mouche décide de partir dans Millevaux pour sauver le monde même si tout le monde s’en fout… et quoi que ça puisse lui coûter.

4. [La Trilogie de la Crasse] La poubelle du multivers
Désavoué, l’agent-mouche Haze se la joue en solo et part en enquête à l’aveuglette dans les recoins les plus sordides du multivers, où Millevaux progresse toujours plus.


L’histoire :

Millevaux ! Je suis de retour à Millevaux ! Je ne peux pas croire que la Magicienne se soit à ce point foutue de ma gueule ! Et elle s'est doublement foutue de ma gueule car j'ai les pieds dans la flotte, dans la boue d'un marais aussi putride que la Langue des monstres qui hantent cette forêt.
Il fait presque nuit. La tempête fait rage. Je suis dégoûté et trempé. Je suis seul et c'est tant mieux. En qui puis-je avoir confiance ici. Tout le monde est taré ! Taré ou un monstre! Si je vois quelqu'un, je le bute ! Non, en vrai, si je vois quelqu'un, je me tire dans la direction opposée.
En vérité, je ne suis pas seul. Allongée dans la mousse trempée, il y a cette fille. L'air est saturé d’Égrégore. J'ai peur. J'ai peur de cette fille. Elle... dort ? Elle est inconsciente en tout cas. Je devrais me tirer. La buter. Et me tirer. Mais je me souviens des mots que la Magicienne n'a pas prononcé. La Gate, c'est la fille. C'est la Gate. Et moi, je suis le Watcher.
Autour de moi, autour d'elle, je sens l’Égrégore... bouger, prendre forme. Elle se combine et je me rappelle ce que je n'ai pourtant jamais su. Je me rappelle quelle est ma mission. Je suis le Gate Watcher. Et elle, Eurydice, elle est la Gate, le point de passage, un point de passage, entre Millevaux et me monde d'où je viens. Sur le coup, je ne comprends pas trop comment cette fille peut faire office de portail. Je sais qu'elle a des visions, mais c'est tout. Ce n'est pas une espèce de sorcière. Juste une barjo que je soupçonne d'être accro à la came des Soars. Puis je comprends comment la Gate pourrait me permettre de me tirer d'ici. Si je la tire, je me tire. Et elle est inconsciente. Je pourrais la tirer... et me tirer. Mais j'ai une mission. Et au terme de cette mission, j'aurais une vision. Enfin, elle aura une vision, rien que pour moi. Et puis bon, je ne peux quand même pas abuser d'une fille comme ça. Je ne suis pas un pourri non plus ! Par contre, je n'en dirai pas autant de la population locale. Donc, je protégerai Eurydice de ceux qui veulent lui passer dessus pour passer de l'autre côté. J'aurai ma vision et je trouverai un autre moyen de rentrer chez moi.

La tempête fait rage et Eurydice dort. Je n'ose pas la réveiller. Je me penche au dessus d'elle pour lui épargner un peu de pluie et réfléchis à là où je pourrais bien la conduire. Je pourrais trouver une ruine, une carcasse d'un véhicule géant comme on en trouve parfois. Et avec un peu de bol, je pourrais la remettre en marche. Mais finalement, est-ce que l'endroit le plus sûr ne serait pas dans ma tête. Même morte, je conserverais son souvenir intact. Et si je lui passais en rêve, ce serait pas pour de vrai mais... est-ce que je pourrais quand même me tirer de Millevaux ? Si je la tire pour de faux, pourrais-je passer de l'autre côté pour de vrai ? Faut vraiment pas que je pense comme ça ! Ce serait bien qu'elle se réveille.

Il y a toujours du vent mais au moins il ne pleut plus. Eurydice a fini par se réveiller. Elle n'a pas eu l'air surprise de me trouver là mais à quand même tenu à ce qu'on repose un peu les bases de notre relation. Je lui demande qui est au courant qu'elle est la Gate. Tout le monde, elle me dit. Ça commence fort. Tout le monde est donc un ennemi potentiel. Elle me confirme aussi qu'elle « fonctionne » bien comme je le soupçonne. Je m'étonne que personne ne lui soit déjà tombé dessus. Elle ne rentre pas dans les détails mais je comprends qu'on lui est déjà tombé dessus. Mais il était le Gate Watcher, là ? Je lui demande qui l'a faite ainsi. « Le Lion, bien sûr ! » qu'elle répond. Bien sûr... Et est-ce que je peux quand même compter sur quelques alliés ? Elle répond « Le Golem et Kid, bien sûr ! » Bien sûr...

Et à son tour, elle m'interroge. Quand est-ce que j'ai su que j'étais un Watcher ? Bah, y a pas très longtemps en fait, quand je l'ai vue. Je précise que je ne suis pas d'ici. Je viens de l'autre côté et... j'aimerais bien y retourner. Si elle voit ce que je veux dire. Mais, je prendrai une autre route, évidemment. Bref, ça ne fait que quelques heures que je suis officiellement son nouveau Watcher. Qui était l'ancien d'ailleurs ? Le Golem ? Je ne suis pas vraiment surpris. Ce qui me manque ? Bonne question. Je ne sais pas trop en vérité. Déjà, je veux rentrer chez moi. On m'a parlé d'une vision aussi. Si ça m'est arrivé de me planter ? Mais tout le temps, jeune fille ! Tout le temps. Je ne fais que ça, me planter. Et m'en sortir par une pirouette, le plus souvent en m'enfuyant dans un autre monde. Et ça n'empêche pas les emmerdes de me rattraper. Mon plus grand talent ? Et bien, je ne voudrais pas être prétentieux mais... je crois que je ne suis pas entièrement idiot. Je suis une Mouche, une sorte de détective métaphysique et je suis plutôt bon dans ce domaine. Trouver des indices, des informations, tisser des liens entre les faits, faire sens et tout ça quoi. Si j'ai un mentor ? Pas vraiment non. Ou alors, le Joueur peut-être. Je vois que le Joueur, ça lui parle mais on dirait qu'elle n'en a pas une compréhension aussi fine et précise que moi ou la Magicienne. Eurydice est un PNJ important mais... ce n'est qu'un PNJ finalement. La personne qui compte le plus pour moi ? La Reine, bien sûr ! Et ne me demande pas pourquoi car je n'en sais rien moi-même.

Et donc, elle me résume ainsi : je suis Damon Haze, la Mouche, le détective métaphysique. Je ne suis Watcher que depuis quelques heures et mon meilleur moyen de faire face aux emmerdes et de me tirer dans un autre monde. J'aurais aimé que ça lui arrache un sourire mais je la sens vraiment pas rassurée avec un Watcher pareil. Je la comprends.

La nuit est brune. Nous marchons. Eurydice, Kid, le Golem. Je lui parle de Lateralus. Sait-elle que ce texte existe ? Elle me dit n'en avoir jamais entendu parler. Dois-je la croire ?

La nuit est brune et il y a du brouillard. Nous avons marché longtemps. Nous sommes arrivés dans ce qui reste d'une barre d'immeuble en ruine. Ça empeste. Je ne sais pas pourquoi mais cet endroit me rappelle quelque chose. Eurydice ne dit rien et me suit sagement. On monte par les escaliers. Il y a eu un ascenseur mais c'était il y a longtemps. Aujourd'hui, la cage est envahie par des lianes et autres plantes grimpantes. Et je suis sûr qu'il y a des bestioles aussi.
Je me laisse guider par mes pas, mon instinct et je me retrouve... dans mon appartement. Ou plutôt, ce qu'il reste de mon appartement. C'est dingue mais j'en suis certain. C'est chez moi ici. Tout est en ruine, envahi par la forêt et l'humidité mais je reconnais ce qui a été mon chez moi, avec vue sur la Zona. Est-il possible que ça explique cette horrible odeur ? Par delà l'espace et le temps, la décharge continuerait d'empester ? Je jette un œil à Eurydice. Elle demeure impassible. Elle a trouvé un bout de bois ou un caillou ou je ne sais quoi avec lequel elle écrit quelque chose au bas d'un mur. « C'est de la science ! » je lis. Je lui demande ce que ça veut dire. Elle ouvre grand les yeux, visiblement choquée. Par ma question ? Quand même pas ? Je ne sais pas pourquoi, je me retourne. Et je la vois ! May Bai ! Qu'est-ce qu'elle fout là ? Comment elle est arrivée ici ? Imperturbable, elle est assise sur ce qui a été un canapé-lit déplié. Et elle braque un flingue sur moi.
« Tous les chemins mènent à la RIM » elle dit. Aussi, ça ne l'étonne pas de nous trouver ici. En fait, ça fait même un moment qu'elle nous attend. Je ne comprends pas. Et je finis quand même par comprendre. Elle a dû me voir avec la Magicienne. Elle m'a vu prendre la Noix. Elle s'est doutée que la Magicienne m'enverrait à Millevaux. Après, entre son don pour parler avec les morts et la magie des Soars pour se balader entre les mondes... Bon, je suis bien obligé de reconnaître qu'elle a bien joué le coup.
J'essaye de calmer le jeu. Je lui explique que c'est par hasard que je lui suis tombé dessus. Ses affaires ne m'intéressent pas, je suis sur un autre coup. Pas la peine donc de me buter, elle peut s'en aller tranquille je ne dirai rien à personne et quand je rentrerai, j'oublierai tout ce qui la concerne, promis. Elle m'écoute attentivement. Est-ce que je vais réussir à m'en tirer juste comme ça ? En vrai, je ne mens pas tant que ça car c'est quand même un peu par hasard que je lui suis tombé dessus. Et c'est quand même le hasard qui veut qu'il y ait peut-être quand même un lien entre ses affaires et les miennes. Mais d'ailleurs, est-ce elle et les Soars qui refilent sa came à Eurydice. Oui, évidemment. Bon, tout ça passe tout de suite moins pour le pur fruit du hasard.
Je ne suis absolument pas en position de poser des questions. Pourtant, May Bai ne dit rien et attend. En vrai, je fais la conversation tout seul et j'ai la désagréable impression de lui en lâcher plus qu'elle ne l'aurait souhaité juste en voulant meubler ce silence des plus gênants. Il serait d'ailleurs peut-être moins gênant sans le flingue braqué sur moi. Mais vaut mieux moi qu'Eurydice. En fait, je réponds à ses questions sans même qu'elle ait à les formuler. Elle doit être très satisfaite d'elle-même. Alors, autant y aller à fond.

Je lui explique que mon job consistait à trouver Eurydice. Devinant qu'elle devait se défoncer avec une came hors norme, j'ai évidemment pensé aux Soars, ce qui m'a mis sur leur trace, et la sienne par la même occasion. Je lui dis être au courant pour les Stations Fantômes. Enfin, je sais juste que ça existe mais je sais pas ce que c'est, ni à quoi ça sert, ni comment ça marche. Je lui dis juste que je pense que ça sert à capter les voix des morts. Je me trompe ? Elle fait la moue. Ça ne doit pas être tout à fait ça mais j'ai pas dû taper très loin.
Cette femme est d'un sang-froid absolu. Ça me rend dingue. Je ne veux pas lui perler de Lateralus, de Kid et des Abeilles. Je ne dois absolument rien lâcher là-dessus. Je suis convaincu qu'elle et les Soars sont mêlés à tout ça mais avec ces conneries temporelles, il est plus que possible qu'eux-mêmes ne le sachent pas encore. Et si c'est le cas, si pour l'instant ils ne sont encore que des pions qui l'ignorent, j'ai peut-être une longueur d'avance. Et puis, je dois aussi protéger Eurydice.
May Bai est toujours assise sur le canapé-lit. Derrière elle, ça fait certainement des décennies voire plus que la vitre a explosé. Même si elle me tire dessus, j'aurais quand même pris assez d'élan pour la pousser dans le vide. Je vais peut-être crever là mais ça se tente.
Je lui saute dessus. Elle tire. Je prends une balle dans la jambe. Je la heurte. Elle part en arrière et lâche son arme. Je me retrouve sur elle et la plaque au sol de tout ce qui me reste de force. Elle sourit, lasse. Elle regarde par dessus mon épaule. Moi aussi. Eurydice s'est emparée du flingue et la braque. Je serre les dents pour faire le dur mais en vrai c'est à cause de la douleur. Mais je dis quand même « Alors, c'est quoi les Stations Fantômes ? »
D'un mouvement de la tête, elle montre ce qu'Eurydice a écrit au mur. C'est de la science, elle dit. Un truc qui marche avec du Pétrol'Magie. Le même truc qui sert aux Soars à faire leur came. Ça permet d'entendre les morts mais c'est un effet secondaire. L'effet recherché, c'est d'établir un réseau afin de communiquer avec l'homme de demain, le post-humain. Il aura une mission à accomplir et c'est par l'intermédiaire des Stations Fantômes qu'il sera guidé. Et voilà pour ce qu'elle sait. Pour ce qu'elle a compris. Son job dans l'histoire ? Servir d'intermédiaire avec les Soars et expliquer le pourquoi du comment concernant la captation des voix des morts. Et Eurydice dans tout ça ? Bah... elle sait pas. Et je pense que soit elle ment, soit elle ne sait pas... encore. Mais ça viendra. C'est écrit dans Lateralus. Eurydice a un rôle à jouer là-dedans mais même elle ne le sait pas encore.
Je relâche ma prise sur May Bai. Je laisse Eurydice la surveiller et fais les cent pas en réfléchissant. L'homme de demain, le post-humain, c'est Kid. Guidé par les Stations Fantômes et Eurydice, il était sensé combattre le Seigneur des Recoins et ses abeilles mais ça s'est mal fini. Il a fini les deux pieds dans la boue de Millevaux, comme une sorte de négatif du Golem. Le Golem a finit planté dans la terre comme une fleur ouverte aux ondes. Mais Kid finit seul dans le noir. Il a échoué. Et si... et si ma mission consistait à faire en sorte qu'il réussisse ?

« May Bai, je crois qu'on est pas vraiment ennemis en fait. »

Elle sourit. La lassitude l'a quittée.

Je me relève comme je peux. Eurydice me rend mon flingue. Je me rassois quasiment aussi sec. Ma jambe me fait vraiment mal. Eurydice s'en occupe comme elle peut mais, avec les moyens à sa disposition, je ne peux pas lui en vouloir de ne pas faire des miracles. Au moins, ça ne saigne pas trop.
May Bai jure une fois de plus qu'elle n'en sait pas plus. Elle me redit qu'elle pense elle aussi qu'on a un but commun. Elle n'a pas d'intérêt à ce que Kid échoue. Si ce Seigneur des Recoins doit nous tomber dessus, autant que Kid s'en occupe. Nous, on a déjà assez à faire avec l'Entropie, Antéros et Millevaux. Millevaux... Va falloir sérieusement penser à se tirer d'ici d'ailleurs. Mais j'y pense, si May Bai est arrivée ici grâce à la magie Soar, peut-être pourra-t-elle me ramener avec elle ? Ça se passe comment, le retour ?, que je lui demande. Elle fouille dans sa poche et en ressort un paquet de Billes. Elle sourit. C'est du Vish. La came des Soars. Je ne m'y connais pas trop là-dedans. Je ne sais pas si c'est fait à partir de Pétrol'Magie, de Foutre de Mouches, de restes de cadavres humains... Peut-être un peu des trois. Je me retourne vers Eurydice. Elle a les yeux qui brillent quand elle voit les petites sphères. J'ose un trait d'humour en lâchant qu'au moins on aura pas à utiliser la Gate pour rentrer. Et Eurydice, sans aucun humour quant à elle, précise qu'à cette période du mois, de toute façon, la Gate est impraticable. May Bai sourit. Je tilte.

May Bai regarde par la fenêtre et nous dit qu'il va falloir expliquer à ces gens que la Gate est impraticable justement. Je me penche. Une demi douzaine de personnes s'approche. Même d'ici on voit qu'ils sont difformes. Ce ne sont pas des mutants radioactifs ou des trucs comme ça, juste des gens aux os tordus. Je comprends qu'ils veuillent se tirer d'ici, mais en vrai je pense qu'ils ne seront bien nulle part.

« Et si c'était des mutants radioactifs, demande May Bai, tu ferais quoi ? »

Je leur tirerais dessus, je dis. Mais là, je peux quand même pas tirer sur une bande d'éclopés. Pourtant, eux ne vont pas se gêner, ils feront tout ce qu'ils peuvent pour passer de l'autre côté, elle dit. Et je vois où elle veut en venir. Alors, je me relève et avance péniblement jusqu'à la fenêtre. Je sors mon flingue et leur intime l'ordre de faire demi-tour. Et j'espère vraiment qu'ils vont obéir.
J'entends leurs rires. Ils ne sont pas totalement rassurés, ça s'entend. Mais ils rigolent quand même et avancent. En vrai, ils n'ont rien à perdre. Ces types là ne sont pas vraiment méchants. Ils souffrent. Ils sont bêtes, ils ont mal. Ils espèrent que ça sera mieux de l'autre côté. Ils sont aveugles. Ils ne voient pas Eurydice comme un être humain. Ils voient juste la Gate. Avec un peu de bol, ils ne savent même pas à quoi ressemble la Gate ni en quoi consiste le rite de passage. Je devrais tirer mais je peux pas.
May Bai me prend l'arme des mains. Elle peut tirer. Elle tire. Les tordus s'enfuient en hurlant. May Bai me rend mon arme. Elle se fout ouvertement de ma gueule. Je fais un beau Watcher ! Je regarde Eurydice et, l'espace d'un instant, je me fous de sa Vision. Je veux juste rentrer chez moi, je dis à May Bai. Je lui demande une Bille. Je veux juste rentrer et montrer ma jambe à Corso. Et à ma grande surprise, elle me tend une Bille. Je la regarde. Je regarde Eurydice. Elle ne dit rien. Elle a juste une petite moue qui me fait penser qu'elle voudrait que je reste mais... elle ne dit rien.

Je regarde la Bille dans le creux de ma main. En vrai, là, maintenant, tout de suite, je peux me tirer. Je peux rentrer chez moi. Ou ailleurs... En tout cas, je peux me tirer de Millevaux. Ça veut dire que je laisse tomber Eurydice. Mais May Bai reste avec elle et c'est peut-être pas plus mal. De toute façon, qu'est-ce que je peux faire avec une balle dans la jambe ? Je demande à May Bai si elle veut mon flingue. Elle me dit qu'elle n'en aura pas besoin. Dans ce cas...

Je gobe la Bille. J'avale de travers et je manque de... dé-gobe-biller...
Je voyage de travers.
Où vais-je atterrir ?


Commentaires de Thomas :

A. Dans ma numérotation, ça passe de Millevaux de la Crasse 4 à Millevaux de la Crasse 7. Est-ce à dire qu'il me manque des épisodes. Est-ce parce que ces épisodes ne se passent pas dans Millevaux ? Si oui, puis-je avoir les liens vers les CR sur ton site, à l'attention du lectorat de tes CR que je vais reposter dans Terres Étranges ?

B. « Pas la peine donc de me buter, elle peut s'en aller tranquille je ne dirai rien à personne et quand je rentrerai, j'oublierai tout ce qui la concerne, promis. »
J'adore le courage si caractéristique de la Mouche :)

C. Du fait que j'ai loupé des épisodes, qui est May Bai ?


Réponse de Damien :

A. Cela vient peut-être de ce que je ne te les ai pas envoyé si ça n'était pas joué directement dans Millevaux ou avec un jeu dédié. C'est possible ça. Je te mets le lien vers mon blog au cas où car de tête je ne sais plus.

Cela doit être là dedans^^ :
Épisode 5 : Mantoïd Universe
Épisode 6 : Synthesis

B. Ce courage... c'est le mien ^^

C. Alors c'est un PNJ qui est apparu dans les épisodes plus liés à la Crasse. Tu n'as pas dû les avoir car je n'ai pas dû les jouer dans Millevaux ni avec un jeu de Millevaux.
Outsider. Énergie créative. Univers artisanaux.
Ma page Tipee.
Avatar de l’utilisateur
Pikathulhu
Dieu d'après le panthéon
Messages : 3018
Inscription : dim. août 22, 2010 7:26 pm
Localisation : Morbihan
Contact :

Re: [CR] Millevaux et autres jeux Outsider

Message par Pikathulhu »

L'HISTOIRE DE CE ROI MORT DE N'AVOIR PAS PU TE RENCONTRER

Une petite aventure-vignette toute en mélancolie

(temps de lecture : 4 min)

Le jeu : Marchebranche, aventures initiatiques dans un monde de forêts en clair-obscur

Joué le 23/06/18 à la Bibliothèque Aimé Césaire dans le cadre de la tournée Paris est Millevaux 7

Image
Toutes les illustrations sont de Thibault Boube (C)

Personnages :

Lore, Asalda, Ir, Nilsiott, Joël


L'histoire :

Les marchebranches, au détour d'une forêt de coraux pétrifiés, entrent dans un château abandonné, en proie à la végétation. Ils y sont accueillis par une princesse, Veuvebrige. Elle porte une couronne végétale et une grande robe qui cache son corps. Elle a des manières étranges qui pourrait clairement faire penser que c'est une horla. Son seul serviteur est un criquet à taille d'humain dans un costume de majordome.

Image

Elle leur demande de libérer un roi prisonnier d'un troll hideux. Nilsiott propose ses services pour cartographier la région, et la reine lui propose un tarot en échange.

Image

Elle leur offre le gîte dans un colombarium. La nourriture que le criquet leur sert est composée de champignons hallucinogènes. Ir et Lore en mangent et se retrouvent projetés en rêve dans une des geôles du château, où croupit un vieux roi. La geôle est gardée par un être hideux. Le roi est vieux, sa barbe est longue. Il propose à l'un des marchebranches de prendre sa place dans la geôle, c'est le seul moyen d'évasion qu'il connaît. Il dit qu'il a été capturé par le troll alors qu'il traversait la forêt pour aller se marier avec une princesse.

Image

Le lendemain, les marchebranches approfondissent la discussion avec la princesse. Elle leur parle de sa grande soeur, une sorcière qui était jalouse d'elle et lui a fait beaucoup de mal.

Les marchebranches traversent une plaine couvertes de grands bosquets d'herbes géantes pour aller dans le repaire de la sorcière. Des ptérosaures laineux les repèrent et les emportent bon gré mal gré, sauf Lore qui se cache dans les buissons.

Les ptérosaures les apportent au repaire de la sorcière, un immense arbre dans le creux duquel elle a taillé son palais. Elle a un trône géant couvert de lierre, de grands vitraux donnent sur la plaine.
La sorcière a la peau très pâle, veinée de branches. C'est clairement une horla.

Image

Elle avoue qu'elle était jalouse de sa petite soeur à qui tout devait revenir : le royaume, la main du roi... Elle lui a jeté un sort, tous les serviteurs du château et tous les sujets du royaume ont disparu, la princesse elle-même est morte depuis des lustres et n'est plus qu'un fantôme...

Le roi lui-même n'est plus qu'un fantôme.

Les marchebranches reviennent au château. Ils s'aventurent dans les couloirs et déjouent quelques pièges pour arriver jusqu'aux geôles et libérer le roi. Ils célèbrent le mariage entre le roi et la princesse.

Ils parviennent à raisonner le troll. Il était amoureux de la princesse, mais savait qu'il ne pourrait l'obtenir à cause de sa laideur. Il avait enlevé le roi sur le chemin, par jalousie. Les marchebranches obtiennent de lui qu'il accepte son sort et renonce à la princesse.

Image


Feuilles de personnage :

Asalda
Mage elfe, force

Lore
humain-animal, homme, esprit, voyage

Ir
Artisan, âme
Bâton sculpté de runes
Niveau 1
Equipement lié : hache qui pleure
Noirceur : transformation en corbeau

Image


Nilsiott
Voyage, Force

Joël
Artisanat, âme


Commentaires :

Durée :
1/4 h briefing et création de personnage, 1h1/2 de jeu, 1/4h debriefing

Profil de l'équipe :

Des rôlistes expérimenté.e.s sauf la joueuse d'Asalda, qui était (je pense) en primaire et dont c'était la première partie de jeu de rôle
+ Une spectatrice
+ Une mère venue avec ses deux enfants, qui n'ont pas voulu créer de personnage. Ils ont regardé dix minutes et sont partis

Mise en jeu :

Cette partie était particulière, puisqu'il s'agissait d'une démonstration en bibliothèque. J'avais déjà joué à Marchebranche en médiathèque sur ce même type de formule (créneau de 1h30 à 2h, table ouverte), mais sur une base récurrente. L'exercice de venir dans une bibliothèque pour une seule séance était donc une première pour moi.

Nous avons été très bien reçus par l'équipe de la bibliothèque qui a montré une certaine curiosité pour l'activité (bien que les employées ont manqué de temps pour s'attarder sur la partie elle-même, mais on m'a bien aidé pour me mettre en place, et j'ai pu échanger avec l'équipe à la fin de la partie). On nous a proposé de jouer dans la cour intérieure, ce qui était fort agréable vu la météo. Le vent a emporté une partie des feuilles mortes que j'utilisais pour la déco, mais je trouve que ça a contribué à l'ambiance.

J'ai cependant adapté le jeu aux circonstances (créneau court, vent qui perturbe le jeu...) en faisant au plus simple, avec une seule quête directrice, pouvant conduire sur quelques ramifications.

L'animation avait été proposée par Thibault Boube, l'illustrateur du jeu, et donc on est partis sur une collaboration : je maîtrisais, et Thibault, tout en intérprétant Ir, un personnage qu'il avait déjà joué deux fois, faisait le carnet de dessins de la partie. À ma demande, la bibliothèque nous a aussi fourni des feuilles et des crayons pour que tout le monde puisse dessiner son personnage. La joueuse d'Asalda s'est prêtée de bonne grâce à l'exercice :)

Thibault est venu avec une magnifique surprise : un exemplaire des arcanes majeurs rien que pour moi. Une belle aide de jeu qui va m'accompagner désormais.

Le manque de temps m'a poussé à prendre l'initiative de raconter moi-même les souvenirs liés au tarot, et j'ai improvisé des toutes petites histoires très simples et tristes qui expliquaient comment les personnages avaient oublié leur passé et étaient devenus des marchebranches, souvent à cause d'un chagrin, d'un méfait ou d'une erreur qui les avaient pousser à s'exiler dans la forêt, à marcher et à oublier leur identité.

La joueuse de Nilsiott m'a fait remarquer que c'était moins libre pour les joueuses qu'un Inflorenza. C'est tout à fait vrai. Encore qu'on peut y jouer de façon un peu plus libre avec un arbitre tournant (un par quête). Peut-être aussi pourrais-je envisager de rendre le jeu plus libre en décrétant que les joueuses peuvent décider de lancer le dé pour résoudre un noeud plutôt que d'attendre que l'arbitre en exige un. Si cela peut augmenter un peu la difficulté (il arrive que l'arbitre accorde de résoudre un noeud sans avoir besoin de lancer le dé), cela renforce nettement le sentiment de contrôle de la sitatuation (cela empêche que l'arbitre, par exemple, déclare une situation insoluble tant que certaines conditions ne sont pas réunies).
Outsider. Énergie créative. Univers artisanaux.
Ma page Tipee.
Avatar de l’utilisateur
Pikathulhu
Dieu d'après le panthéon
Messages : 3018
Inscription : dim. août 22, 2010 7:26 pm
Localisation : Morbihan
Contact :

Re: [CR] Millevaux et autres jeux Outsider

Message par Pikathulhu »

JE RANGE LE SOLEIL

Enfance, galets mémoriels et sceaux magiques, compagnon animal aussi mignon que flippant, innocence et trépanation. Un récit et un enregistrement par Claude Féry.

(temps de lecture : 3 min ; temps d'écoute : 1h15)

Joué le 23/11/2019

Le jeu : Sève la durée du oui, gamins du bois confrontés aux beautés et aux horreurs du sauvage, par Claude Féry

Lire / télécharger l'enregistrement de partie

Image
Brad Covington, cc-by-nc-nd

Toutes les photos suivantes sont de Claude Féry, par courtoisie.

Nouvelle session de Sève la durée du oui. Effectif deux joueuses, Xavier et moi-même. Je range le soleil.

Inspiration sonore du jour
Une série d'improvisations captées en 2018 avec notamment Xavier Charles à la clarinette.
Délectables

Bonne écoute

Image
Une image de la série des trépanations, par Agathe Pons, libre de droits

Une session agréable avec pas mal de mignon et une pincée de mysticisme, où Léonard renonce à sa condition d'enfant pour embrasser celle de Rouque, tout comme Silhouette, Vladimir et l'Barnabé ou bien encore le Albert qui accepte d'être un fantôme au front troué. Les enfants ont laissé dans la cale du tanker le galet souvenir qui permettra au vagabond et à Petite de les avoir rejoint dans leur havre qu'ils recherchent.

Image
Galets-sigil, par Agathe Pons (libre de droits)

Pas d'adversité extérieure quoique l'Innomable soit grimpé à D7, mais une contagion de Forêt qui avance voulue et assumée (5 sur le D7).
Nous avons utilisé les cartes de Les larmes du Soleil de Simon Li et Valentin T., pour créer le galet souvenir.
J'ai utilisé également Pimp my roleplay.

Image
Table, point de vue de Claude

Commentaires de Thomas après écoute :

A. Super l’intro in media res par Xavier qui démarre direct par un dialogue : vous en avez discuté au préalable ?

B. Sympa d’entendre le son de la montre

C. Les feuilles, c’est des mots : j’aime beaucoup cette notion, je l’avais par ailleurs exploitée dans une partie d’Arbre : Les forêts limbiques [Note du 31/03/2022 : ce concept est désormais également implémenté dans le jeu de rôle Les Forêts Limbiques]

D. Il est flippant quand tu le fais parler, ce panda roux :)

E. Le monologue du pompeur de merde est édifiant

F. Intéressant de voir circuler l’interprétation de Pandas Rouque

G. Toujours intéressant la façon dont tu mixes l’actualité de la communauté Millevaux et les divers jeux alternatifs, ici les trépanations et les sigil d’Agathe Pons avec le jeu Les Larmes du Soleil

Image
Table, point de vue de Xavier


Claude :

A. Le seul préambule consistait à convenir que nous jouions la suite pas nécessairement chronologique de la session précédente. Il a demandé à jouer la première instance.

B. Xavier y tenait. Il l'a d'abord plaqué la montre contre mon oreille puis l'a placée face au micro.

G.je souhaitais jouer avec Gabrielle aux Larmes du soleil, mais depuis que j'ai reçu les cartes nous n'en n'avons pas eu l'occasion.
Le galet sigil dédié à Philippe présenté par Agathe m'a profondément impressionné.
Je recherche depuis un moment déjà à transposer des rituels existants à ma table, sans trop les dénaturer et dans la mesure où ils favorisent une convergence entre la joueuse et son personnage. (essai transformé avec succès lors de la cérémonie du thé noir du souvenir avec dégustation de riz).
Xavier a été très réceptif et se trouve fier du sigil qu'il a créé.

C. J'aime beaucoup l'évocation de votre partie d'Arbre. Je suis plus réservé avec la circulation des feuilles dans cette nouvelle version de Sève. Je ne dispose plus de cette faculté de convoquer le sentiment de perte que j'avais volé à Arbre. Ou du moins en partant d'un viatique très faible, une feuille, nous n'avons joué que la transmission, l'accumulation pas encore suffisamment la perte sèche vécue comme souffrance en convergence avec le post it brûlé et la perte du personnage.

Image
Xavier trace son sigil


Thomas :

C. Il me semble que le sentiment de perte vient avec la durée. Il s'accroîtra donc avec le nombre de parties à jouer le même personnage. Ceci dit, le côté très abstrait des mots-clés à Sève peut être un frein, alors qu'à Arbre, on perd des choses assez concrètes.

Image
Xavier choisit ses symboles


Claude :

C. A la source, le terrorisme spectral...

« Toujours l'impression furtive, indétectable, qu'on l'interpellait, en son ou en pensées, une voix de feuilles, au visage ridé. Ou sans visage. Une voix de la famille. Ou d'un mort. »

Hors de la chair.

Image
Xavier choisit ses symboles

Thomas :

C. Pour la petite histoire, le terme « voix de feuille » me vient de la lecture d'un extrait d'un roman de... François Léotard. Cet austère ex-ministre de la Défense (et frère du trashos Philippe Léotard) y parle en termes très poétiques de sa relation avec son jeune fils.
Je voulais revenir sur ce sentiment de perte. Dans Arbre, ça fonctionne parce que les mots-feuilles correspondent à quelque chose de concret. « Amulette », c'est l'amulette qui te protège la maladie et qui en même temps est le dernier souvenir qu'il te reste de ton pépé. Donc, la perdre ça va signifier quelque chose. Dans la durée du oui, un mot-feuille, ça pourrait être « Pluie ». De prime abord, difficile de voir quelle perte ça peut représenter de se défausser d'un tel mot-feuille. Mais je crois qu'on peut y arriver en posant simplement la question : qu'as-tu eu l'impression de perdre. Et les joueuses de répondre : « j'ai perdu le sentiment que la pluie était rassurante », « j'ai perdu le langage de la pluie... », « j'ai perdu le don de faire pleuvoir », etc...

Image
Symboles retenus par Xavier


Claude :

Oui, c'est très pertinent
Toutefois l'injonction de base est de définir sa feuille au regard du sentiment d'égrégore engrangé dans un objet

Image
Galet-souvenir de Léonard
Outsider. Énergie créative. Univers artisanaux.
Ma page Tipee.
Répondre