* la première partie est bucolique : on rejoint la petite communauté de Vogler à l'occasion d'une célébration, qui a donc un côté démarrage très Communauté de l'Anneau, et plonge rapidement dans la guerre et un massacre dont l'ampleur est déterminée par notre capacité à réussir au mieux l'évacuation par la mer. Ce qui est pas mal à ce stade, c’est que si les assaillants ont l’aspect d’être soutenu par les dragons, il y a encore un doute là-dessus
- la deuxième partie se déroule à Kalaman et est assez diversifiée : il y a de l’urbain (organiser l’accueil des réfugiés en exploitant les ressources de la Cité + voir des contacts PNJ de nos persos), du politique (prévenir du danger qui menace et organiser la riposte), de l’extérieur (repérer et défaire les avant-postes ennemis) et du dungeon & lore (quand on explore les catacombes et qu’on tombe sur les origines de Lord Soth). Petit regret peut-être inhérent à la campagne ou à notre jeu : que l’élimination du Conseil n’ait pas été exploité plus dans une logique d’enquête policière. Mais il y avait déjà fort à faire. En revanche, c’est à ce stade qu’on commence à tomber dans un tourbillon de PNJ qui posent un vrai souci pour garder le fil entre chaque session, car on commence à avoir plusieurs arcs narratifs qui se mêlent. A refaire, et même si on sent à ce moment qu’on rentre dans une quête épique, il y a deux choses que j’aurais davantage travaillé :
- Mieux prendre conscience du retour des Dragons : même si la menace se précise, les batailles ont tendance à juste faire monter en puissance les adversaires pour suivre les montées de niveau. Je pense qu’il y avait moyen d’un peu plus développer l’origine et la compréhension de l’armée en marche
- Même si on a un rôle assez logique à ce stade de spectateurs par rapport aux créatures mythiques, un complément d’information / investigation avec 1-2 PNJ clé n’aurait pas été de refus pour rendre moins passive cette partie
La troisième partie nous envoie en mission dans les Déserts du Nord. On est à la fois dans du gros bac à sable mêlé avec du module en extérieur qui est la marque de D&D. Même si au bout d’un moment, les combats deviennent répétitifs, cette partie donne de belles rencontres, et une quête haletante pour retrouver la Cité des Noms Perdus. A ce stade, on est plongé dans une guerre ouverte et on a été incorporé dans les forces armées de la Cité. Le DM nous a donc missionné pour monter l’expédition, en cohérence avec l’objectif du bac à sable et on dispose d’une carte pour décider les mouvements qu’on fait, et ce qu’on fait de la troupe notamment quand on se sépare d’elle, ou qu’on veut l’utiliser pour de la diversion. Le DM avait fait (pas sûr que ce soit proposé nativement dans la campagne ?) un système d’attrition sur la base du moral et des pertes subies qui ajoutait bien à la tension et aux responsabilités qu’on avait.
Tout au long de cette partie, on fait des rencontres épiques, on progresse sur la compréhension des forces en jeu, qui sont diversifiées et localisés dans des endroits qui ont du souffle : Le Cœur, Wakenreth… Après il y a un peu le danger avec un bac à sable de tourner en rond puisqu’on est focalisé depuis le commencement sur un objectif. De mon point de vue, on l’a peut-être joué trop bac à sable justement : les PNJ s’évaporent après les rencontres, alors qu’ils sont porteurs de puissance et de savoir qui auraient dû nous renforcer quand on a enfin pénétré dans la Cité des Noms Perdus. Mais ça se serait fait probablement aussi au détriment de notre autonomie. Dans la même idée, je regrette surtout qu’on n’ait plus été amenés à les recroiser ensuite, ce qui me semble pas hyper logique avec la menace mortelle qui se trame au global. Mais Krynn est vaste et les communications sont difficiles, admettons…
La quatrième partie se déroule dans la Cité des Noms Perdus et permet de mettre la main sur une Dragonlance. C’est essentiellement un donjon urbain, mais que j’ai trouvé bien conçu. Comme je l’évoquais ci-dessus, on est quand même bien seuls, dans le cœur du dispositif de l’ennemi, ce qui fait que l’adversité est très (trop) forte ! Et il y a un côté un peu dirigiste où, même si on triomphe, on ne change pas réellement la suite. Bref, l’ambiance est là (la Cité, la découverte de la Dragonlance) mais à ce stade de la campagne, j’aurais mis un autre équilibre entre les combats forcément omniprésents en raison du contexte très hostile, et davantage de répit pour s’immerger dans ce cadre mythique.
La cinquième partie est la bataille de Kalaman, et donc celle qu’on aura jouée sur ce dernier WE complet. Le début est assez ouvert sur comment on va organiser la défense de la Cité, grâce à notre statut acquis précédemment. On a pu prendre plusieurs initiatives que j’aurais personnellement appréciées qu’elles interviennent davantage dans la balance des forces en présence, car le scénario est finalement verrouillé dans une situation désespérée, où on attend la traditionnelle planche de salut extérieure – celle qui va nous permettre d’aller renverser le cours de la bataille, en investissant le point faible de l’ennemi. Le grand spectacle est assurément là, avec de beaux rebondissements, mais la dominante de combat l’emporte trop à mon avis (encore D&D !) sur l’aspect épique et légendaire que permet la campagne. Je pense ainsi que le donjon de fin, bien conçu au demeurant, mérite mieux que la succession de combats qu’on a eus – mais le temps pressait pour qu’on aille au final plutôt que d’en faire une exploration minutieuse et approfondie.
Cela me permet de donner ma conclusion : la campagne est assurément bien fichue, et à mon avis prête à jouer (ne l’ayant pas lu, je ne sais pas si je colle exactement comment elle a été écrite mais il me semble que notre DM a surtout accompli un travail démentiel de préparation du matériel – visuels, ambiance musicale, nos montées de niveaux qui étaient aussi scénarisées…). On peut la prendre comme telle avec les défauts que je souligne, mais elle offre sinon de mon point de vue une excellente base pour se la réapproprier et la retravailler. Sur ce que j’ai pu en deviner, car je m’étais volontairement restreint pour ne pas compléter mes connaissances très lacunaires de Krynn, elle exploite finement pas mal d’angles morts de ce monde : Les Déserts du Nord, le panthéon, voire la technologie de Krynn par rapport aux matériels de guerre et reliques en présence. Je pense qu’elle a donc un intérêt majeur quand est on est un fin connaisseur de Dragonlance pour plonger dans le lore du monde. Cette richesse permet de sublimer un déroulement assez convenu, soit pour des noobs de Krynn comme notre groupe pour en mettre plein les mirettes, soit pour des vieux briscards de Dragonlance en exploitant des aspects qui permettrait de les surprendre. Si je dois justifier ceci, mon aînée est sortie toute fascinée de Krynn, et a immédiatement importé ma modeste collection hétéroclite (la réédition 15ème anniversaire de la campagne d’origine, le livre univers Dragonlance pour D&D3 et l’Atlas of Dragonlance tout moche) pour se plonger dedans, car on a tous beaucoup apprécié la mythologie et l’ambiance de cet univers : des forces qui ne sont pas que manichéennes, des dragons qui ont une vraie raison d’être, un Panthéon qui n’est pas un copié-collé de Panthéons humains.
Un petit mot sur l’adaptation en D&D5 : c’était ma première grosse expérience avec cette édition du jeu, et même avec D&D depuis des éons. Là encore, sur ce que j’ai pu en voir, je pense qu’il y a un très bon travail d’adaptation pour Dragonlance qui a été fait. Les classes de perso m’ont semblé cohérentes avec Krynn, et ça nous a permis de faire des aventuriers très variés mais qui collaient bien avec l’univers. Et même si on avait beaucoup de combat, ça tournait bien même si ça manquait de diversité. Le DM a regretté nos montées de niveaux trop rapides, mais je pense personnellement que ça collait avec l’adversité à affronter, et vu la composante ado de la table, cela a beaucoup joué aussi sur la motivation des participants

. Cela a eu aussi deux autres effets bénéfiques pour moi :
- renouveller le plaisir car je trouve qu’on tourne vite en rond avec son perso à cause des limitations du système D&D
- sur l’équilibrage de D&D5 qui dépend encore beaucoup du tirage sur le d20, j’aurais personnellement eu beaucoup de frustration à rester sur de plus bas niveaux
Cette campagne m’a conforté dans mes impressions d’origine de cette 5ème édition : c’est certes une belle mécanique, mais qui comporte beaucoup d’irritants.
Une petite remarque de fin aussi, où je suis un peu partagé par les choix éditoriaux, pas spécialement dérangeants mais qui manquent comme trop souvent de subtilité. Tous les PNJ humains majeurs qui ont des postes de responsabilité sont féminins, les quelques PNJ masculins qui sont au même niveau sont soit pour de la figuration, soit des traîtres peu recommandables. En soi-même avec un décor med-fan, je trouve ceci rafraîchissant parce que le contexte en général très libre / libertaire de ce type d’univers favorise ceci. Mais contrairement au film l’Honneur des Voleurs qui cassait intelligemment les codes, la campagne n’exploite pas davantage l’idée et se limite à faire du saupoudrage. Je pense qu’il y avait moyen de faire mieux, même si ce n’est pas problématique.