Les livres dont vous n'êtes pas le héros (et sans image)

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Harfang2
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Re: Les livres dont vous n'êtes pas le héros (et sans image)

Message par Harfang2 »

La carte et le territoire, Michel Houellebecq, 428 p., ed Flammarion, 2010

Je viens de me rendre compte qu'avec celui-ci, j'aurais quasiment lu tout les Houellebecq, hors le dernier, Anéantir
C'est assez étonnant, puisqu'il est, a priori, hors de mon spectre, la littérature blanche par un auteur vivant étant, certainement, le genre et la période qui m'intéresse le moins et qui de toute mes lectures a concentré le plus de déception et d'inintérêt (Nicolas Rey, Delacourt, Musso... Je pense à vous...)

Houellebecq sort du lot. Ce mélange de mélancolie, de bouffonerie, de dénuement presque, dans l'absence d'orgueil - et même de la moindre fierté - des narrateurs. Un style oscillant, mais qui marque toujours parceque, qu'on soit d'accord ou pas avec lui, l'auteur a toujours quelque chose à dire. Ici, Houellebecq se laisse aller dans la question artistique qu'il explore, assez finement, a travers son narrateur, artiste peintre et lui-même qui se met en scène comme personnage secondaire minable et ridicule et Beigbeder (moins minable mais tout de même frappé). Bien sûr les topics Houellebecquiens usuels, a savoir la transcendance et l'impossibilité de l'amour, tout comme la décadence - ou la finitude de toute chose - seront là. Toujours, aussi, c'est la bouffonerie, l'humour, même si, au fond, le présent roman frappe plus par la mélancolie.

Bref, ca ne convaincra personne. Houellebecq, on y est sensible pour diverses raisons, ou on déteste, pour de toutes aussi bonnes raisons. Toujours est-il que je le consièdre certainement comme l'un de ses romans les plus aboutis.
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Orlov
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Re: Les livres dont vous n'êtes pas le héros (et sans image)

Message par Orlov »

@Harfang2 Je suis complètement entre les deux, je déteste Houellebecq mais j'ai toujours du plaisir à lire ses romans parce que c'est un moraliste hors pairs.
Cryoban a écrit : Le vrai problème c'est les gens.

Florentbzh a écrit : J'avoue ne pas bien comprendre ce qu'on peut jouer, mais si cela existe c'est qu'il doit bien y avoir une raison.

Mildendo a écrit : Faire du Jdr c'est prendre une voix bizarre et lancer des dés en racontant qu'on tue des gobs.
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Harfang2
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Re: Les livres dont vous n'êtes pas le héros (et sans image)

Message par Harfang2 »

Orlov a écrit : mar. nov. 11, 2025 3:50 pm @Harfang2 Je suis complètement entre les deux, je déteste Houellebecq mais j'ai toujours du plaisir à lire ses romans parce que c'est un moraliste hors pairs.

C'est donc, l'être Houellebecq que tu détestes, mais non l'écrivain.
Je crois qu'il faut avoir de la comissération pour ce garçon qui me semble être un dépressif qui ne doit son salut qu'a sa bouffonerie, son auto-dérision et son authentique talent.
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Re: Les livres dont vous n'êtes pas le héros (et sans image)

Message par BenjaminP »

La Carte et le Territoire est sans doute l'un de mes Houellebecq préférés. Avec l'Extension du domaine de la lutte, sans doute, par l'effet première fois, principalement. Je crois les avoir tous lus, hormis La Possibilité d'un île, qui m'avait repoussé dès ses premières pages.

J'en avais parlé à l'époque.
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Re: Les livres dont vous n'êtes pas le héros (et sans image)

Message par wonder coco »

Question il y a une bonne librairie SF/Med fan sur Paris? Je vais passer quelques jours à la capitale pour le travail et je veux en profiter pour acheter de la lecture.
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Erwan G
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Re: Les livres dont vous n'êtes pas le héros (et sans image)

Message par Erwan G »

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LES CELTES, HISTOIRE D’UN MYTHE
Jean-Louis Brunaux

J'ai entendu parler de ce livre ici, par @Paiji , je crois, à propos des celtes et de leur existence. Intéressé par la protohistoire et, notamment, du fait de certains liens particuliers avec la Bretagne, avec celle concernant les celtes, j’ai grandi avec les livres de Guyonvarc’h et Leroux. Autant dire que, comme beaucoup de monde, j’avais une vision très précise des celtes et une idée de leur histoire et des invasions indo-européennes. Il était donc temps de lire ce livre, pour avoir, enfin, un autre son de cloche.

Jean-Louis Brunaux est un spécialiste de la Gaule, donc de la protohistoire des siècles qui ont précédé l’invasion romaine. Dans ce livre, il commence par s’interroger sur l’existence des celtes et sur leur réalité. Pour cela, il s’appuie tout d’abord sur les textes disponibles d’historiens contemporains, de Poseidonos d’apamée et de Jules César, les mêmes textes qui sont écartés d’un revers de la main par les Guyonvarc’h et autres Leroux. Les celtes auraient occupé la celtique, un pays situé au nord de Massilia, s’étendant jusqu’aux rives de la Loire ou de la Seine et s’étendant jusqu’à l’océan Atlantique. Il s’agirait de gaulois en contact avec la culture grecque via Massilia, et non des prédécesseurs ou des ancêtres des gaulois.

Ensuite, l’auteur s’interroge sur la définition des celtes : par celtes, doit-on entendre les peuples protohistoriques ou ceux qui se reconnaissent comme tel aujourd’hui (Bretagne, Pays de Galles, Ecosse, Irlande) ? Si l’on reconnait ceux du XX-XXIème siècle, quels sont leurs liens avec le peuple protohistorique ? Peut-on, comme le dit l’archéologie, voir leur territoire étendu de l’Irlande à l’Europe centrale ? Existe-t-il des protoceltes ? La culture de Hallstatt ? Et quid de celle de La Tene ?

Après avoir rappelé les mythes du panceltisme, devenu par la suite l’interceltisme après la deuxième guerre mondiale, Jean-Louis Brunaux rappelle l’absence de revendication de la celtitude au cours du Moyen-Âge, sa réapparition lors de la Renaissance et son développement dans le cadre d’une lutte idéologique qui opposait les français se revendiquant des gaulois, des allemands qui se revendiquaient des germains, deux populations qui pouvaient avoir de nombreux points communs. En effet, en niant l’un ou l’autre des groupes, on rejetait nécessairement la prédominance de l’un ou l’autre pays. Celte devenait donc un terme neutre, politiquement. Mais est-il juste pour autant ?

Plus encore, la migration des celtes justifie ou s’explique par les invasions indo-européennes qui, à ce jour, n’ont pas été démontrées, ni historiquement ni archéologiquement. Tout comme l’origine indo-européenne de nos langues.

En lisant ce livre, j’ai découvert que ma vision de cette époque et des celtes était, en réalité, fondée sur une thèse et une simple thèse : l’origine indo-européenne des celtes, la mouvance celtique fondée par des pays laissés pour compte par leur état centralisateur au XVIIIème et la confirmation que ce que nous nommons « traditions » sont, en réalité, des inventions des XVIII-XIXème siècles. Que ma vision des celtes est romantique et correspond à un désir d’expliquer une époque que je ne comprends pas. Après avoir lu ce livre, j’ai maintenant du mal à accepter ce que je prenais pour acquis. Outre les informations données et reçues, j’ai pu me rendre compte de mes limites personnelles en matière d’esprit critique, qui se contente d’accepter ce que les pontes d’une matière présente, sans remise en question. Un livre essentiel pour ceux qui s’intéressent à cette période et à cette zone géographique. Et cela m’a donné envie d’approfondir la question indo-européenne et sa véracité.
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Erwan G
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Re: Les livres dont vous n'êtes pas le héros (et sans image)

Message par Erwan G »

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SOVOK
Cédric Ferrand

Je suis un mauvais client pour la SFFF française. Je le sais, cela fait des années que j’essaie et la majeure partie du temps, je suis déçu. Il y a, certes, quelques auteurs que j’arrive à apprécier, comme Claire Duvivier, par exemple. Mais même les auteurs dont j’ai vraiment apprécié un livre tendent à me décevoir, comme Jaworski. Alors, j’ai souvent du mal à me lancer dans une lecture de ce type. C’est ce qui m’est arrivé avec Sovok : acheté à sa parution, en 2015, je ne l’ai jamais ouvert avant samedi dernier.

Mouhader est russe. Enfin, c’est ce que disent ses papiers. Il vient d’un ancien oblast russe, une nation juive qui s’est constituée en Sibérie. Après avoir (brièvement) participé à la guerre en Ukraine, il est un grand blessé de guerre qui cherche un emploi à Moscou et qui postule chez Blijni, une société d’urgences médicales indépendante. Il est embauché en qualité de stagiaire non rémunéré et se retrouve dans l’équipage de Vinkenti, le chauffeur, et de Manya, une médecin radiée de l’ordre. Auprès d’eux, il va à la fois découvrir la gestion des urgences médicales mais aussi la réalité de cette société rétrofuturiste russe, écrite bien avant la deuxième guerre d’Ukraine.

J’ai beaucoup aimé Wastburg, le premier roman de Cédric Ferrand, à la fois pour les histoires, le style, la construction. Il a posé la barre haute et j’avais peur d’être déçu par ce second roman. Alors, soyons clairs, ce second roman n’est pas au niveau de Wastburg, mais il est difficile de reproduire un chef d’œuvre. Donc, sans être un chef d’œuvre, ce livre est néanmoins un bon livre. D’abord, il est bien écrit, malgré deux ou trois termes perdus (qui sont certainement québécois, comme matineux à la place de matinaux). Ensuite, l’univers décrit est intéressant, les personnages crédibles. Je regrette un peu l’aspect présentation de l’univers ou tranche de vie qui, en l’absence d’un discours plus profond, manque de quelque chose, du petit plus qui aurait rendu ce livre aussi génial que Wastburg.

J’ai beaucoup aimé l’aspect tranche de vie : plusieurs problèmes arrivent, mais comme ils ne concernent pas les personnages pour l’essentiel, ils ne sont pas complètement développés, ce qui permet aussi d’éviter les mauvaises surprises à la Dan Brown, Dan Simmons ou encore JR Dos Santos. Mais… Mais j’aurais aimé un peu plus que simplement la découverte que Medouhar n’est pas fait pour ce métier, mais qu’il a compris ce qu’est la débrouillardise moscovite.

Donc, contrairement à ma crainte initiale, ce roman n’est pas une déception. Au contraire, il démontre, pour moi, que Cédric Ferrand est un écrivain qui peut continuer à raconter des choses intéressantes. Suivant ses aventures sur Internet, j’ai bien compris qu’il a eu des soucis pour continuer à être publié et c’est vraiment dommage. Après avoir lu Sovok, j’ai eu envie de lire un roman social écrit par lui. Je pense que cela pourrait être excellent, surtout avec sa plume sérieuse mais capable d’ironie. Dans un rétrofutur, peut-être ?
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Cédric Ferrand
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Re: Les livres dont vous n'êtes pas le héros (et sans image)

Message par Cédric Ferrand »

Merci @Erwan G, ça me touche.

Mes déboires avec les Moutons ne m'empêchent pas de continuer à écrire, mais ces dernières années, j'ai collaboré avec un éditeur québécois (Alire) qui n'est pas très disponible en France. J'ai donc réédité mes trois romans des Moutons au Québec en plus de faire paraître un roman 100 % québécois (Mon Almérique à moi) qui j'ai qualifié de Montréalisme magique (en gros, du Unknown Armies). Et en mars, je publie toujours au Québec la suite des aventures de Sachem et Oxiline (du pulp lovecraftien que j'avais débuté avec "Et si le diable le permet").

Mais je n'abandonne pas la France, mon agent vient justement de m'écrire ce matin pour me tenir au courant des tractations avec un éditeur bien connu de nos services.

J'ai trois romans très embryonnaires sur mon ordinateur, je dois me concentrer sur l'un deux au lieu de courir après plusieurs lièvres en même temps.
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Paiji
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Re: Les livres dont vous n'êtes pas le héros (et sans image)

Message par Paiji »

Erwan G a écrit : mer. nov. 12, 2025 12:39 pm Et cela m’a donné envie d’approfondir la question indo-européenne et sa véracité.

Mais où sont passés les Indo-Européens ? Le mythe d'origine de l'Occident Jean-Paul Demoule

Attention, dynamitage de mythe ! 

 
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Re: Les livres dont vous n'êtes pas le héros (et sans image)

Message par Ramentu »

Paiji a écrit : mer. nov. 12, 2025 4:41 pm
Erwan G a écrit : mer. nov. 12, 2025 12:39 pm Et cela m’a donné envie d’approfondir la question indo-européenne et sa véracité.

Mais où sont passés les Indo-Européens ? Le mythe d'origine de l'Occident Jean-Paul Demoule

Attention, dynamitage de mythe ! 

 

Il me semble qu'il a un peu fait marche arrière depuis :)
Comme aprtout, la vérité doit être quelque part entre les extrèmes...
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Erwan G
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Re: Les livres dont vous n'êtes pas le héros (et sans image)

Message par Erwan G »

Oui, j'ai vu cela.

J'ai aussi pris connaissance de la thèse de Troubetskoï et c'est vrai qu'il y a des questions à se poser. Mais, visiblement, l'ADN a parlé et l'origine kourgane des indo-européens ne serait plus un mythe, Demoule aurait accepté la démonstration :

wikipedia a écrit :Depuis sa publication en 2014, une partie des arguments avancés par Jean-Paul Demoule ont été infirmés. Des études paléogénétiques publiées dans la revue Nature en 2015 et saluées par la quasi-totalité des spécialistes ont confirmé la validité de l'hypothèse dite "kourgane" selon laquelle les Indo-Européens seraient originaires des steppes pontiques. Jean-Paul Demoule lui-même semble avoir changé d'avis à ce sujet, affirmant notamment en 2019 que l'hypothèse kourgane défendue historiquement par Marija Gimbutas semble validée par des études génétiques.

L'article de Nature est .

Poser la question, c'est surtout s'éviter de s'enfermer dans des certitudes et c'est plutôt positif. Et cela reste intéressant de se questionner notamment sur les points les plus faibles de l'utilisation de certains termes. J'en retire surtout que rien n'est certain.
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Re: Les livres dont vous n'êtes pas le héros (et sans image)

Message par Paiji »

Il faut se méfier de ce que dit Wikipedia des opinons de Jean-Paul Demoule, apparemment sur France Culture, on n'est pas aussi affirmatif sur le fait qu'il aurait changé d'avis :
https://www.radiofrance.fr/francecultur ... 23-6317061

N'ayant pas lu les articles ou ouvrages en question, et n'ayant pas de passion pour l'une ou l'autre thèse, je reste sur le balancement circonspect, c'est plus prudent.
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Erwan G
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Re: Les livres dont vous n'êtes pas le héros (et sans image)

Message par Erwan G »

Certes, mais de ce fait, j'ai plus envie de lire son livre de 2020 pour voir ce qu'il y dit. Et de voir sa critique de la paléontologie génétique.
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senradackod
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Re: Les livres dont vous n'êtes pas le héros (et sans image)

Message par senradackod »

Erwan G a écrit : mer. nov. 12, 2025 8:50 pm Certes, mais de ce fait, j'ai plus envie de lire son livre de 2020 pour voir ce qu'il y dit. Et de voir sa critique de la paléontologie génétique.
As-tu abordé le Que sais-je ? intitulé Les Indo-Européens, de Jean Haudry, qui doit dater des années 1980 (et qui fait suite à son Que sais-je ? strictement linguistique, L'indo-européen, de meilleure tenue) ?
À lire avec précaution, muni de gants et de lunettes fumées pour éviter tout risque de contamination. 
Tu devrais en sortir en étouffant un rire grinçant et désespéré.
Notons que ce monsieur était membre, à l'université Lyon 3, de l'institut des études indo-européennes, organisme fort douteux.
 
Point De CLETCSOOEF : 1
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Erwan G
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Re: Les livres dont vous n'êtes pas le héros (et sans image)

Message par Erwan G »

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UN SOU POUR SA SURVIE
Yaram Dieye

J’ai appris, au cours d’une discussion autour d’un café en attendant mon tour en audience, que l’une de mes consoeur écrivait des livres et que son dernier était très bien. Après lui avoir demandé où le trouver, elle a eu la gentillesse de me l’offrir avec une gentille dédicace. Peut-être est-ce pour cela que j’ai été de bonne humeur en lisant les deux nouvelles de ce recueil et que je vais rédiger une critique positive. Ou, plus raisonnablement, parce que les nouvelles sont intéressantes.

La première raconte le vécu des talibés, ces élèves envoyés dans des écoles coraniques qui ne les forment en rien mais constituent plutôt une école du délit et du crime. On suit le départ de deux frères, à quelques mois d’intervalle, soustrait de l’attention de leur mère à un âge où ils en ont encore besoin (7 ans) pour rejoindre l’école d’un prétendu sage renommé dans la région, qui s’est ouverte à Dakar. Le premier va vivre toutes les affres de cette vie et connaitre le futur classique des talibés, la prison, tandis que le second va réussir à se créer la vie dont il a envie, en partie grâce à la protection que son frère lui a offerte.

La seconde nouvelle parle également de choses dures : la question de la folie dans une société qui considère ces gens comme une malédiction, dont il ne faut pas parler et qu’il ne faut pas suivre, de la difficulté de pouvoir accéder aux soins au Sénégal pour ce type de pathologie, des méthodes de soin traditionnels ou non, des conditions dans lesquelles les professionnels exercent et celles dans lesquelles les patients vivent. Enfin, elle parle aussi de la polygamie, de ce piège tant pour les femmes que pour les hommes, et du fait que chacun participe du maintien de ces traditions.

J’ai préféré, largement, la seconde à la première. Pour la première, j’ai aimé la découverte de cette société, la relation entre les parents et leurs enfants, tournés autour de l’être pour la mère qui n’a pas le droit à la parole et au choix, tournés autour de l’image que ses enfants donneront de lui pour le père. J’ai apprécié la découverte de ce que sont les talibés, leurs conditions de vie, la façon dont on nie leur enfance et qui peut, je pense, s’appliquer à toutes les organisations qui abusent des enfants, pour leur apport financier ou pour ce que l’on peut tirer d’eux, au détriment de leur innocence. Mais j’ai trouvé une certaine distance émotionnelle entre le sujet et la façon de la raconter : si l’on comprend la souffrance des ces jeunes enfants, on est quand même mis à distance par la façon dont le récit est construit. Certes, cela évite de tomber dans le pathos gratuit et facile, mais cela induit un manque que l’on ne retrouve pas dans la seconde nouvelle. Là, les émotions sont présentes, analysées, discutées, avec comme fond un fond universel, celui de la souffrance que vivent les enfants qui se retrouvent, malgré eux, au centre d’un conflit entre leurs parents.

Dernière remarque négative : à quelques moments, il y a des sauts de champs lexicaux ou l’apparition de tournures juridiques bien connues des avocats mais qui, à mon sens, ne font pas corps avec le reste du récit. J’ai noté, par exemple, un passa soutenu qui se termine par « et une odeur de pipi » ou le discours sur les res nullius, que je comprends, mais qui m’ont un peu sorti du récit.

De petites remarques négatives, mais rien qui a gâché mon plaisir de lire ces deux nouvelles, que je recommande. En attendant, j’espère, d’autres livres de l’autrice. Pour nous autres, rôlistes, c'est une lecture intéressante pour la découverte d'une autre culture et de son approche de certaines problématiques, de la façon dont les enfants sont considérés. De plus, le contenu est assez intemporel et peut servir d'inspiration pour une description d'une société africaine d'hier ou d'aujourd'hui.
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